Alors que la variole occupe à nouveau le devant de la scène, avec la variole du singe qui pourrait être déclarée par l'OMS "urgence de santé publique de portée internationale"-, il est intéressant de s'arrêter sur un épisode méconnu et pourtant fondamental de l'histoire de l'humanité.
Le nom de Zendal est désormais bien connu en raison de l’hôpital d'urgence construit à Madrid pour faire face à la pandémie de coronavirus. Cependant, ce nom a été choisi pour rendre hommage à une infirmière, Isabel Zendal, injustement tombée dans l’oubli, alors qu’elle avait participé à la première expédition sanitaire internationale de l'histoire de l’humanité, qui fut le point de départ de l’éradication de la variole dans le monde.
Le virus doit rester vivant !
Un vaccin contre cette maladie, le premier de l'histoire, existait depuis la fin du XVIIII siècle. Mais à l'époque, il n'y avait aucun moyen connu pour que le vaccin survive au long voyage vers l'Amérique, et la solution trouvée par l’Espagne fut que celui-ci serait transmis d'homme à homme. De cette façon, le virus ne mourrait pas en route.
Le 30 novembre 1803, un navire espagnol mettait les voiles pour l’Amérique. A son bord, des passagers très spéciaux : Le docteur Balmis, médecin personnel du roi d'Espagne Charles IV, ainsi qu'Isabel Zendal, la seule femme à bord, et 22 enfants qui portaient en eux l’espoir de guérison d’une partie du monde.
"L'Expédition Royale Philanthropique de Vaccination", nom donné à cette épopée sanitaire, part de La Corogne, en Galice. Isabel Zendal devient un élément clé de l'expédition car elle est chargée de maintenir la chaîne de transmission entre humains et d'empêcher le virus de mourir. Ils réussirent ainsi à vacciner plus d'un demi-million de personnes, ce qui constitue l'un des plus grands succès sanitaires de l'histoire.
Qui était Isabel Zendal ?
Les grands faits de l’histoire et les tragédies ont généralement une relation de cause à effet. Alors qu'Isabel Zendal n'avait que treize ans, sa mère est morte de la variole, raison pour laquelle elle commence à s'intéresser à la médecine. Cette jeune-fille dont la famille est extrêmement pauvre, ne peut prétendre à faire des études de médecine, et elle devient donc infirmière.
Mère célibataire et battante de nature, elle est devenue, à force de ténacité, la directrice de l’orphelinat de La Corogne et c'est précisément de là que viennent les 22 enfants qui allaient porter le vaccin de l'autre côté de l’Atlantique.
La variole, maladie la plus meurtrière de l'histoire
Il faut rappeler que la variole ou petite vérole, surnommée alors l'ange de la mort, fut pendant des millénaires la maladie virale la plus meurtrière de l'histoire de l'humanité. Les premiers foyers connus remontent au Ve siècle avant J.-C. et ce n'est qu'en 1980 que l'OMS a certifié l'éradication de la maladie.
Les ravages ont été énormes chez les populations de l'Amérique du XVIe et du XVIIe siècle au cours du processus de conquête. Cependant, les Espagnols ne le faisaient pas volontairement, alors que pendant la colonisation britannique de l'Amérique du Nord, la variole a été utilisée comme arme de guerre dans la lutte contre les indiens Algonquins ou les Iroquois.
Lors de la conquête de ce qui est aujourd'hui le Canada et le nord-est des États-Unis, ils ont régulièrement utilisé ce virus terrifiant en imprégnant les couvertures qu'ils offraient comme cadeau aux indiens, provoquant parmi eux une terrible mortalité.
Plus de 300 millions de morts à cause de la variole
Ce virus avait un taux de mortalité d'environ 35%, et ceux qui survivaient étaient marqués à vie. On estime qu'elle a tué plus de 300 millions de personnes, jusqu'à l'arrivée du vaccin et, surtout, jusqu'à ce que ce vaccin puisse être inoculé sur toute la planète. Et c'est là qu'intervient le personnage d’Isabel Zendal et de l'Expédition Royale Philanthropique de Vaccination.
Pendant les dix années de l'ambitieuse expédition visant à apporter le vaccin contre la variole dans les immenses territoires espagnols au-delà des mers, Isabel Zendal voyagera à travers l'Amérique, la Chine et les Philippines dans le but de vacciner des millions de personnes contre la variole.
Elle sera responsable non seulement de la chaîne de transmission du vaccin mais aussi de mettre en place le système des "comités ou conseils de vaccination" afin de s’assurer de la logistique et de l'exécution de l'ensemble du processus de vaccination dans le pays.
"Se sacrifier sans attendre la gloire", telle est la devise de l'école d'infirmières de Puebla, au Mexique, où Isabel Zendal a fini ses jours. Prémonitoire ou non, cette maxime a marqué la vie de cette infirmière. Il faudra malheureusement qu’arrive une autre tragédie, 200 ans plus tard - la pandémie mondiale du coronavirus-, pour que l’on récupère de l’oubli son nom et son histoire.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs reconnu Isabel Zendal comme la première infirmière pionnière d'une mission sanitaire internationale sans précédent, jusqu'alors, dans l'histoire de l'humanité. L’Espagne a décidément la fâcheuse habitude d’oublier ses héros.