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Une journée à bord du Cabocanet : le quotidien des pêcheurs valenciens

Il est 4 heures du matin, et le port de l’Alonja de Pescadores s’anime doucement. Billy, Julian et leur patron, membres de l’équipage du Cabocanet, s’apprêtent à prendre la mer. Tout autour, d’autres pêcheurs s’affairent, prêts à embarquer pour quelques millas (1 milla = 1,8 km) afin de capturer les poissons qu’ils ont décidé de pêcher aujourd’hui. Malgré la fraîcheur matinale, l’excitation est palpable : l’espoir d’une bonne pêche motive chaque pêcheur valencien.

photo en noir et blanc de Billy pecheur valencien et son bateau de peche le Cabocanetphoto en noir et blanc de Billy pecheur valencien et son bateau de peche le Cabocanet
Photo : Yu-Jin Albrecht
Écrit par Yu-Jin Albrecht
Publié le 29 janvier 2025, mis à jour le 17 février 2025

 

Bottes, combinaisons jaunes pour certains, bonnets pour tous : tout est pensé pour affronter le vent, l’eau salée et les températures parfois rudes en matinée. Le Cabocanet est authentique, avec un équipage de trois personnes. Autour d’eux, d’autres navires plus imposants comptant jusqu’à 18 marins. Mais peu importe la taille, tous reviennent en fin de journée au port pour vendre leur marchandise. “Parfois, on part pour plusieurs jours, mais c’est rare car notre bateau n’est pas fait pour partir en pleine mer, et il est difficile de dormir à trois sur cette superficie”, explique Billy.

 

 

bateau de peche et pecheur de dos
Photo : Yu-Jin Albrecht

 

 

Il est 4h30 et ils sont prêts à partir. Tout a été préparé la veille : filets, cordages, casiers à poissons, glacières et le plein de carburant ont été faits. Dans ce métier, chaque journée est différente. Tout dépend de la météo, de la demande des marchands, des supermarchés et des espèces disponibles. C’est pour ça que Billy adore son travail. Chaque journée lui offre une déconnexion totale d’avec le "monde normal". Il apprécie l’aspect physique de cette activité, l’absence de routine et le défi constant qu’elle représente. Chaque matin, son réveil sonne à une heure différente, dictée par l’espèce à pêcher, le type de technique à utiliser et la distance à parcourir en mer. À bord, entre les rires, les chansons et les anecdotes échangées avec l’équipage, Billy a l’espace parfait pour pouvoir se concentrer sur sa pêche sans devoir penser au stress du quotidien.

 

 

 

photo en noir et blanc du nom du bateau
Photo : Yu-Jin Albrecht

 

 

Billy, marin de génération en génération

 

 

photo noir et blanc du tableau de bord du bateaud e peche
Photo : Yu-Jin Albrecht

 

Aujourd’hui, leur objectif : pêcher du thon rouge. Billy travaille en mer depuis ses 16 ans. Il a commencé ses études en business, comme son fils aujourd’hui, mais n’a pas terminé, car il a toujours été fasciné par le monde de la mer. Il est passé par plusieurs équipages, et maintenant, il ne pense plus quitter le Cabocanet. Même si l'ambiance a changé au fil du temps, le fait d’être dans un petit bateau lui plait. Il sait exactement ce qu’il a à faire, mais ne s’ennuie jamais. Dans ce genre de bateau, ils ne s'aventurent jamais à plus de 10 millas, ni au nord, une région qu’il aimait auparavant. Mais ces endroits étant plus agités et dangereux, aujourd’hui, il est content de ne plus avoir à y retourner.

pecheur a valencia
Photo : Yu-Jin Albrecht

À bord, Billy et son frère cadet Julian gèrent les tâches les plus physiques, tandis que leur patron coordonne les opérations et intervient si besoin. “Avant, c’était plus convivial, presque familial”, confie Billy. “On plaisante encore, on parle de nos enfants ou de nos amis, mais ce n’est plus pareil. Aujourd’hui, la pêche est moins une affaire de passion transmise de génération en génération. Beaucoup viennent pour le travail, pas forcément par amour de la mer. Par exemple, mon frère nous a rejoints il y a plus de 10 ans maintenant, et il aime ce qu’on fait, mais n’en est pas passionné, ou en tous cas, pas comme je le suis. On est huit dans la fratrie, et je pense qu’on a tous été introduits au monde marin, mais je suis le seul à avoir accroché à l'hameçon. ”

Au fil de la journée, les balanciers du Cabocanet sont déployés. Ces structures suspendent les filets conçus pour capturer les poissons nageant près de la surface ou à mi-profondeur. Une fois plongés, le bateau avance lentement, tandis que les pêcheurs surveillent attentivement l’activité. Lorsque les filets semblent assez remplis, ils les remontent, avant de mettre les poissons dans les glacières.

Aux alentours de 16 heures, l’équipage regagne la terre ferme. Sur le quai, des marchands, grossistes et quelques particuliers attendent de pied ferme les cargaisons. Pas de concurrence acharnée : chaque bateau ramène des espèces différentes, et, en général, tout finit par se vendre. Sinon, l’excédent doit être jeté, car seuls des produits frais peuvent être proposés. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir un ou deux poissons encore frétillants dans les caisses bleues que les pêcheurs transportent jusqu’à l’étalage, au “rancho”.

 

 

 

bateau a valencia en espagne
Photo : Yu-Jin Albrecht

 

 

 

Fin de journée sur le port de Valencia

Aujourd’hui, c’est Julian qui accompagne le patron à la vente tandis que Billy s’occupe de ranger les filets pour le lendemain. Vers 18h30, le froid tombe sur le port. Billy, à sa cinquantième voile pliée, a enfin terminé. Il a mis de côté deux poissons pour son dîner, soigneusement enveloppés dans un sac plastique. Pendant ce temps, Julian, de retour du rancho, aide son frère à nettoyer le bateau, replier les bâches et tout ranger.

 

 

 

peucheur en espagne
Photo : Yu-Jin Albrecht

 

 

“Une fois, un équipage est allé à un endroit où ils avaient pêché des poissons qui avaient été contaminés par divers facteurs liés à la pollution marine. Ça, c’était un vrai problème, heureusement, ça ne nous est jamais arrivé, mais on est pas à l’abri de ça avec tous les déversements d'hydrocarbures, les rejets industriels, et les produits chimiques agricoles qui se retrouvent dans les eaux… En fait, ce sont les contaminants, comme les métaux lourds ou les pesticides qui s’accumulent dans les tissus des poissons. Et cela affecte surtout ceux situés en haut de la chaîne alimentaire, comme le thon. C’est pour ça que ce matin, j’étais un peu moins motivé à aller pêcher du thon rouge, même si finalement, cela pourrait toucher beaucoup de races de poissons…”, explique Julian en décapsulant sa bière de fin de journée.

 

 

 

pecheurs
Photo : Yu-Jin Albrecht

 

 

 

La nuit est tombée. Le patron est encore au rancho, discutant avec les autres pêcheurs des ventes du jour et des prévisions pour la semaine. Julian et Billy, sacs à la main, rentrent chez eux. Pour Julian, la soirée se poursuit avec sa femme et ses enfants, à qui il racontera ses anecdotes de la journée. Billy, lui, savoure l’idée d’un repas simple et d’une nuit bien méritée. Demain, c’est le week-end, ce qui signifie qu’il ne devra pas se lever à l'aube. L’après-midi, il le passera probablement au restaurant où il travaille comme chef, au bord de la Playa de Las Arenas, avant d’aller rendre visite à ses enfants, qui vivent chacun avec leur propre famille dans les environs de Valencia.

 

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