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La pêche artisanale à Valencia, une tradition bien ancrée

Valencia est une ville côtière où la culture a très longtemps été tournée vers la mer et la pêche. Certaines spécificités y sont nées et parviennent à subsister . Accompagnez-nous le temps d’une petite virée à l’embouchure du Turia, où les pêcheurs continuent d’utiliser une canne à pêche qu’on ne trouve qu’ici, le “carrete valenciano”.

un pêcheur en train de pêcher de manière artisanale à Valenciaun pêcheur en train de pêcher de manière artisanale à Valencia
Écrit par Efflam Sionneau
Publié le 4 septembre 2023, mis à jour le 7 septembre 2023

La voie rapide passe juste au-dessus de nos têtes, les voitures défilent avec un son régulier qui imite presque la rivière qu’on longe. Ce mardi, les rives du Turia sont fermées pour permettre le repos de la faune, alors les quelques pêcheurs du jour se sont rabattus à côté, sur le petit canal où mouillent les petits bateaux de pêcheurs à l’abri. Après avoir passé sous quelques ponts et des routes mal en point, on débouche sur un petit coin où l’on trouve Manolo, ses cheveux gris à l’abri sous son parasol bariolé de couleurs, adossé à sa Peugeot break. 


Une canne à pêche spéciale 

À ses pieds, un pot rempli d’asticots qui se trémoussent et deux cannes à pêche qui traînent dans l’eau ; une est courte et paraît récente, l'autre paraît plus ancienne et mesure pas loin de 4 mètres. Cette canne-là, c’est la canne traditionnelle valencienne. Plusieurs caractéristiques la rendent spéciale : la première est que c’est une longue canne.

Historiquement, ces cannes étaient faites en bois, mais aujourd’hui les nouvelles sont en carbone et sont donc beaucoup plus légères et peuvent atteindre 9 à 10 mètres. La seconde caractéristique se trouve au bout du fil, car c’est une pêche qui se fait avec un flotteur (appelé “corcho”), qui bouge quand un poisson s’accroche à l’hameçon, ce qu’on retrouve aussi sur d’autres types de canne.

Ce qui différencie cette canne des autres, c'est son moulinet. Car au lieu du classique moulinet sur le côté, on retrouve un grand rond en bois, posé en haut de la canne et dans lequel est enroulé le fil de pêche. Appelé “carrete” ou “carrucha”, c’est cet élément qui fait toute la spécificité de la pêche à Valencia. “Je pêche avec mon père depuis mes 5 ans et j’ai toujours vu les gens d’ici pêcher avec ces cannes", nous explique Manolo. "C’est vraiment la spécificité d’ici et elle est utilisée depuis toujours.”


La pêche à Valencia, une tradition locale et sociale

Le flotteur vient de bouger dans l’eau, Manolo saute sur sa canne, et fait un petit coup sec : “C’est pour accrocher le poisson à l’hameçon, une fois que c’est fait c’est là qu’on peut le ramener vers nous”. C’est ce qu’il fait en nous parlant. Il ramène le poisson sans toucher au fil, juste en levant sa canne le plus haut possible. C’est une petite dorade, trop petite pour être gardée. “C’est important de ne pas garder ces poissons là, il faut qu’on attende plus longtemps pour qu’ils grossissent, qu'ils se reproduisent et que tout le monde puisse en profiter”. 

Car c’est une chose que Manolo a pu remarquer en presque cinquante ans de pêche, la population et la diversité de poissons ont beaucoup diminué dans le Turia depuis les années où il accompagnait son père. “Et il y a plusieurs raisons à cela, que ce soit la surpêche, mais aussi car nous avons une eau plutôt polluée ici”.

L’histoire du Turia à Valencia : d’un fleuve à un jardin

C’est à ce moment-là qu’une deuxième voiture s’aventure sur les lieux, le klaxon retentit plusieurs fois attirant l’attention de Manolo. “C’est José qui arrive !”  Une conversation s’enchaîne au travers des fenêtres ouvertes de chaque voiture, puis le nouveau venu va se garer plus loin et sort lui aussi de son coffre cette fameuse canne à pêche valencienne. “Ici, presque tout le monde pêche avec ce type de canne, et on se connaît presque tous. Avec certains, ça fait depuis plus de quarante qu’on se croise ici.”

Au-delà du hobby qu’est la pêche aujourd’hui, ou du besoin qu'éprouvaient les familles de pêcheurs dans les siècles précédents, la pêche est un moyen de socialisation important pour toutes les populations qui se sont côtoyées à l’embouchure de la Turia. “Ici, on peut vraiment retrouver toutes les catégories sociales, ce n’est pas une activité qui était fermée à certaines parties de la population (NDLR : mais les femmes ont longtemps été écartées de ces activités) c’est donc devenu un lieu de rendez-vous comme un autre”.

 

Une culture de père en fils

Dans la famille de Manolo, son père “était pêcheur et son père avant lui et ainsi de suite. Et c’est le cas de beaucoup d’autres personnes qui pêchent avec moi”. Lui-même n’a pas pu éviter d’attraper le virus. “Je viens normalement tous les samedis après-midi pour 5 heures ou plus, aujourd’hui je suis là car c’est ma dernière semaine de vacances et que j’ai du temps libre.”

Des habitudes qui ont la peau dure, puisqu’il vient profiter de ses après-midis ici, face à la Méditerranée, depuis plusieurs dizaines d’années. Cependant, lui n’est pas accompagné par ses enfants. “Je n’ai eu que des filles et la pêche, ça ne les intéresse pas”. Car si l’activité n’est pas limitée au genre masculin, on retrouve surtout des hommes et de plus en plus âgés sur les rives du Turia. Ouvrir l’activité à plus de femmes serait peut-être le moyen de s’assurer d’un espace mixte et de la pérennité des spécificités locales.

 

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