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S. Wekko (Saint Louis des Français): "Le nouveau collège est bâti sur la confiance"

Directrice adjointe au sein de l'Ecole Saint Louis des Français, dans l'ouest madrilène, Stéphanie Wekko a en grande partie piloté l'homologation du collège par le Ministère français de l’Education en partenariat avec l’AEFE obtenue en juin 2024. C'est désormais depuis la Maternelle jusqu'à la Troisième (3º de ESO) que les élèves peuvent suivre une scolarité inscrite dans le cursus et les programmes français, dans le respect des valeurs et des exigences du système éducatif de l'Hexagone. "Les familles nous ont fait confiance", se réjouit Stéphanie Wekko, désormais impliquée dans la première préparation du Diplôme national du Brevet qui sera présenté au sein de Saint Louis des Français cette année. "Nous sommes impatients de voir les résultats", reconnaît-elle. En fin de parcours, les élèves peuvent quitter l'établissement avec 3 diplômes : le Bachillerato espagnol, le BachiBac qui ouvre la porte aux études supérieures en France, et le Bac américain, Dual Diploma. 

Stéphanie Wekko, directrice adjointe de l'école Saint Louis des Français, à MadridStéphanie Wekko, directrice adjointe de l'école Saint Louis des Français, à Madrid
Stéphanie Wekko, directrice adjointe de l'école Saint Louis des Français, à Madrid
Écrit par Vincent GARNIER
Publié le 11 février 2025, mis à jour le 18 février 2025

 

Elle est venue en Espagne "par amour", en juin 2018, "sans filet et sans plan de carrière prédéfini", après néanmoins plusieurs voyages au sein de la capitale ibère : le premier en 2007, pour son Erasmus, les suivants à l'occasion de ses travaux de recherche dans le cadre de sa thèse de doctorat, avec un certain nombre d'étés passés "au frais", au sein des Archives Historiques Nationales, à collecter des données sur l'Inquisition à partir des manuscrits des 16e et 17e siècles.  "Une grande partie des archives a été détruite avec l'invasion des troupes napoléoniennes", observe-t-elle au passage. C'est en furetant parmi les documents épargnés par les Grognards qu'elle fait la connaissance de son conjoint actuel, un historien espagnol, qui la convainc de traverser les Pyrénées et de s'installer à Madrid. "Quand on a un projet, il ne faut pas hésiter à se lancer", affirme-t-elle, "quitte à s'efforcer ensuite de provoquer les rencontres et générer les opportunités". 

 

Saint Louis des Français se caractérise par cet esprit de famille


C'est en tous cas dès la rentrée de son arrivée dans le pays qu'elle intègre sur un remplacement l'Ecole Saint Louis des Français, en tant que professeure de français. Diplômée d’un master de LLCE espagnol (Lettres, Langues et Civilisations Étrangères) à la Sorbonne Nouvelle, Stéphanie Wekko avait déjà durant plusieurs années enseigné en banlieue nord, au sein d'un lycée général et technologique, en parallèle des cours impartis à la fac et à Sciences Po. En Espagne, elle découvre non seulement un rapport différent entre élèves et professeurs, mais aussi une culture d'établissement favorisant la proximité, avec un encadrement particulièrement marqué, et un accompagnement individualisé des écoliers. "Saint Louis des Français se caractérise par cet esprit de famille qui s'est au fil des ans créé autour de l'établissement et que nous favorisons dans la mesure de nos moyens", confirme la directrice adjointe, "en promouvant les moments d'échange et la création de lien". 

 

Saint Louis des Français : une attractivité accrue pour les familles françaises

De fait, si pendant une époque Saint Louis des Français a essentiellement accueilli des familles espagnoles soucieuses d'offrir à leur progéniture des études en français et inscrites dans la foi religieuse, créant une communauté installée sur place de façon pérenne et fortement attachée à l'institution, les choses ont depuis plusieurs années évolué vers un modèle dont l'attractivité pour les familles françaises, souvent de passage, est de plus en plus évidente. Paradoxalement, le virage a été impulsé avec la promotion de l'enseignement de l'anglais, qui a permis de doter les élèves d'une reconnaissance particulièrement bienvenue de leur maîtrise de la langue de Shakespeare, dans un environnement où la concurrence des établissements internationaux est spécialement rude.

 

Homologation de la Maternelle et du collège, en partenariat avec l'AEFE

Dans la foulée, la direction s'est attelée à homologuer les tronçons d'enseignement qui n'étaient pas encore reconnus par le Ministère français de l’Education, en partenariat avec l'Agence d'Enseignement Français à l'Etranger (AEFE). Dès 2022, alors qu'elle prend la direction adjointe de l'école pour les sections allant de la 5e à la 2nde (aux côtés de 3 homologues, chacune en charge d'une tranche d'âge), Stéphanie Wekko a eu pour mission de préparer l'homologation. "Pour les familles de passage, c'est évidemment l'assurance que le niveau d'étude de leur enfant sera reconnu, en France ou à l'étranger, dans un autre établissement du réseau", explique-t-elle. Aujourd'hui, 20% des élèves sont désormais constitués par nos concitoyens, qui pourraient par ailleurs bien constituer un palliatif à la baisse du taux de natalité en Espagne, et ses effets évidents sur les effectifs.

Nous avons à faire à des élèves très travailleurs et très consciencieux

De la mise en place de la classe pilote en 2022, avec 19 élèves de Cinquième dédiés à suivre leur scolarité dans le cadre du programme français, sans assurance d'une reconnaissance acquise, à l'obtention de l'homologation en juin 2024, il aura fallu s'efforcer de bien maîtriser et appliquer les préceptes de l'enseignement de la République, mais aussi réaliser un gros effort de communication, pour expliquer la procédure aux familles. Et si la première promo, actuellement en Troisième, évolue à présent dans le cadre d'un cursus homologué, un certain nombre d'enjeux sont encore sur la table. Avec par exemple la préparation du Diplôme national du Brevet qui sera passé par les élèves pour la première fois au sein de l'établissement : "Pour les parents, ce premier examen grandeur nature est très important", confirme la directrice adjointe, "notamment parce qu'il n'existe pas d'équivalent dans le système espagnol". "Avec l'approche du Brevet blanc début avril, les élèves commencent à s'angoisser un peu", continue-t-elle, "mais je suis sûre qu'ils vont bien s'en sortir". Et de glisser : "Dans cette section, nous avons à faire à des élèves très travailleurs et très consciencieux". Au-delà de l'épreuve c'est, l'an prochain, l'atterrissage en Seconde, et la réintégration du système espagnol, que l'équipe pédagogique entend gérer au mieux. "C'est le grand défi auquel nous devons faire face", estime Stéphanie Wekko. 

 

La préparation du BachiBac dans le viseur

Pour résumer, cohabitent au sein de l'établissement deux systèmes : le système français et le système espagnol dit bilingue car reconnu par le Label France Education, avec des passerelles et une politique d'intégration essentielles au bon fonctionnement. De la Maternelle à la Troisième, il est possible de suivre le programme français, avec l'homologation AEFE. Au-delà, pour les élèves qui poursuivent leur scolarité à Saint Louis des Français, elle passe par la réintégration du système espagnol en Seconde avec, généralement, la préparation du BachiBac dans le viseur. "Notre défi est de faire en sorte que les élèves des deux systèmes arrivent avec le même niveau d'étude en Seconde", confirme Stéphanie Wekko.

S'assurer que le choix du système français ne soit pas excluant

Des programmes spécifiques, pour renforcer l'apprentissage de l'espagnol et destinés aux primo-arrivants, ont dans cette optique été développés. "Ils permettent de s'assurer que le choix du système français n'est pas excluant", affirme la pédagogue. "Nous mettrons aussi en place des cours de soutien pour mettre à niveau les futurs élèves de Seconde dans les matières où il existe des différences notoires entre le système français et le système espagnol". C’est vrai notamment en Histoire, où les périodes abordées par les programmes français et espagnol peuvent différer parfois de deux siècles, en mathématiques, où les contenus ne coïncident pas toujours, ou encore en SVT, où ils ne sont pas enseignés dans le même ordre. "En langue espagnole, il n'y a pas de différence", défend par contre la directrice adjointe, "on enseigne exactement la même chose, avec le même nombre d'heures". 

 

Faire le pont entre l'enseignement à la française et l'enseignement à l'espagnole

Pour cette maman de deux enfants, il existe pourtant des différences entre les systèmes des deux pays : "En France, on met la méthodologie, le raisonnement et la réflexion de synthèse au cœur de la philosophie d'enseignement", décrypte-t-elle, "tandis qu'en Espagne, c'est beaucoup plus la mémorisation et l'association d'idées qui sont promues". Avec les deux systèmes développés en parallèle, et l'excellence pédagogique comme fil conducteur, Saint Louis des Français démontre en tous cas qu'il est possible de faire le pont entre l'enseignement à la française et l'enseignement à l'espagnole.

L'homologation par le Ministère français de l’Education en partenariat avec l’AEFE est un pari réussi

En préparant à 3 diplômes, le Bachillerato espagnol, le BachiBac et le Bac américain, le cursus proposé par l'établissement ouvre les portes à des études supérieures en Espagne, en France et dans les pays tiers. Bref, "l'homologation par le Ministère français de l’Education en partenariat avec l’AEFE est un pari réussi", se réjouit Stéphanie Wekko, "qui devrait accroître plus encore l'attractivité de l'établissement".

 

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