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Princesses d’Espagne, reines de France

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Les reines de France Blanche, Eléonore, Anne et Marie-Thérèse
Écrit par Quentin Gallet
Publié le 7 juillet 2022, mis à jour le 7 juillet 2022

Nées princesses espagnoles, elles deviendront reines de France. Portraits de quatre femmes qui ont marqué l’Histoire par leur morale, leur panache et leur tempérament. Retour sur les vies exceptionnelles de ces régentes, ces mères ces femmes.

 

S’intégrer dans un autre pays n’est pas toujours chose aisée mais on peut y réaliser un destin que l’on n’aurait sans doute pas connu sur notre terre natale. C’est, en peu de mots, ce qu’aurait pu confesser nos protagonistes au soir de leur existence.

 

Blanche de Castille

La jeune Blanche nait à Palencia. Elle est issue d’une famille illustre. Son père est Alphonse VIII de Castille, protagoniste de la bataille décisive de Las Navas de Tolosa (1212) qui portera un coup terrible à la domination musulmane dans la péninsule ibérique. Du côté maternel, elle a pour oncles les redoutables Jean sans Terre et Richard Cœur de Lion et pour grand-mère Aliénor d’Aquitaine. Cette dernière sera d’ailleurs la cheville ouvrière de la paix entre la France de Philippe Auguste et l’Angleterre.

Blanche a alors douze ans quand elle arrive en France pour épouser le futur Louis VIII, son aîné d’un an

Pour sceller cette paix, l’idée est de marier l'une de ses petites filles au fils de Philippe Auguste : le prince Louis (futur Louis VIII). Blanche sera choisie par sa grand-mère en raison, dit-on, de sa vivacité d’esprit et sa prestance. Elle a alors douze ans quand elle arrive en France pour épouser le jeune Louis, son aîné d’un an. La princesse espagnole devenue reine de France mettra au monde pas moins de douze enfants dont Charles d’Anjou et surtout le futur Saint Louis.

 

naissance de Saint louis
Naissance de Saint Louis

 

Reine pieuse au caractère éprouvée, elle saura prodiguer une éducation soignée à ses enfants en les entourant de précepteurs dominicains et franciscains. Elle est un soutien ardent de son époux, le roi Louis VIII, comme lorsqu’il s’en va guerroyer contre les Albigeois. Par ailleurs, Blanche est un fervent relais de l’œuvre de Saint Bernard de Clairvaux : elle fonde à ce titre l’abbaye de Royaumont en 1228.

 

La mort du roi de France en 1226 est une épreuve considérable pour Blanche de Castille qui se retrouve régente, son fils, Louis, n’ayant alors que huit ans. La reine a alors fort à faire avec certains grands féodaux qui remettent en cause son autorité et, pire selon les canons de la monarchie héréditaire, sa vertu. On lui aurait ainsi prêté une aventure avec le comte de Champagne. Le futur Charles d’Anjou, enfant posthume du couple royal, serait ainsi, selon les mauvaises langues, le fruit des amours adultères de la reine.

 

Saint Louis remet la régence à sa mère Blanche de Castille
Saint Louis remet la régence à sa mère Blanche de Castille, par Joseph-Marie Vien

 

Toutefois, Blanche de Castille n’est pas femme à se laisser faire. Elle parviendra à mater les dernières résistances et fera reconnaitre son autorité, tout comme la légitimité de son fils Louis. Elle transmettra à ce dernier, en plus d’une foi profonde, l’art de gouverner par la largesse comme par la fermeté.

 

Surtout, Blanche doit assumer l’héritage de son beau-père, le roi Philippe Auguste qui impulsa une véritable révolution dans la France médiévale par l’avènement d’un pouvoir royal bien plus centralisé que par le passé chamboulant largement l’organisation féodale qui prévalait jusque là. Les grands barons, s’estimant les perdants de cette métamorphose du pouvoir politique, entendent profiter de cette période de régence. Ils n’y parviendront pas, grâce à la ténacité de la reine et son entourage.

 

Blanche de castille et son fils saint louis
Blanche de castille et son fils Saint Louis

 

            En 1234, Louis IX a vingt ans. Le roi peut gouverner librement sans la reine, sa mère. Toutefois le futur saint cherchera toujours les conseils précieux de Blanche de Castille qui sera, jusqu’à sa mort, un appui majeur pour le jeune monarque.

 

Une dizaine d’années plus tard, le roi Louis part en croisade. N’ayant véritablement confiance qu’en elle, Blanche se voit une nouvelle fois désignée régente, par son fils cette fois. Deux ans plus tard, Louis IX est capturé en Egypte. Sa mère restée en France se démène alors pour réunir la rançon. Malheureusement, la reine Blanche de Castille s’éteint en 1254, sans avoir revu son fils adoré.

 

Eléonore d’Autriche 

Infante de Castille, elle nait dans l’actuelle Belgique (alors possession des Habsbourg, sa famille paternelle) de Philippe le Beau et de Jeanne le Folle. Elle est, de ce fait, la petite fille des Rois Catholiques. Compte tenu de l’importance accordée à la politique matrimoniale dans la diplomatie européenne de l’époque, cette jeune princesse espagnole est une pièce maîtresse dont son frère cadet, le futur Charles Quint, saura profiter.

 

Ainsi, en 1518, Eléonore épouse, selon les choix de Charles, le roi Emmanuel Ier de Portugal, monarque d’un opulent royaume. Elle a dix-huit ans, lui quarante huit. Pendant trois ans, la princesse Habsbourg sera reine du Portugal avant que son époux ne décède en 1521, emporté par la peste. Eléonore est alors veuve pour la première fois.

 

Eleonore d'Autriche, jeune
Éleonore d'Autriche sera la seconde femme de François Ier

 

A cette époque, le grand rival de l’Empire espagnol sur le continent se nomme François Ier, le roi de France, qui est également veuf quand le traité de Cambrai, promulguant la paix entre les deux royaumes, est signé. Une des dispositions de celui-ci est de marier la sœur de l’Empereur Charles Quint, Eléonore, au roi français.

François Ier ne manifestera jamais un intérêt pour la sœur de Charles Quint, préférant les charmes de ses nombreuses maîtresses

Douze ans après son accession au trône portugais, la princesse espagnole est couronnée reine de France. Elle le sera pendant près de vingt ans. Malgré tout, son rôle sera plutôt limité au niveau politique. De même, François Ier ne manifestera jamais un intérêt pour la sœur de Charles Quint, préférant les charmes de ses nombreuses maîtresses. L’union ne donnera pas d’enfant.

 

François Ier et Eleonore d'Autriche
François Ier et Eleonore d'Autriche

 

En 1547, le roi de France meurt, laissant Eléonore veuve une nouvelle fois. Elle se retire dans une Espagne qu’elle connait fort mal. Elle trépasse alors sur le chemin du monastère de Yuste où son frère l’empereur, Charles Quint, s’est retiré, tourmenté par les attaques de goutte, après avoir abdiqué en faveur de son fils, le futur Philippe II.

 

Anne d’Autriche

Fille du roi d’Espagne Philippe III, Anne voit le jour à Valladolid au tout début du XVIIème siècle. L’infante grandit toutefois dans le Madrid de la fin de la période des Habsbourg. Elle y reçoit une éducation soignée ainsi qu’un enseignement religieux. Alors qu’elle n’a que dix ans, sa mère, la reine Marguerite meurt en couches. La petite Anne prendra alors un peu sa place auprès de ses cadets.

Agés tous deux de quatorze ans, Anne d’Autriche et Louis XIII de France se marient en 1615

En France, Catherine de Médicis, contrairement à son époux le roi Henri VI (assassiné en 1610), voit d’un bon œil une alliance entre son royaume et l’Espagne : les deux puissances catholiques principales du continent. Agés tous deux de quatorze ans, Anne d’Autriche et Louis XIII de France se marient en 1615.

 

anne d'autriche et le futur louis xiv
Anne d'Autriche et le futur Louis XIV

 

Logée au Louvre avec la cour de France, les débuts d’Anne sont difficiles. Elle doit composer avec la présence écrasante de la mère du roi, Marie de Médicis, ainsi qu’avec le manifeste désintérêt que lui porte son jeune époux. Bien qu’elle jouisse de tous les égards dus à une reine de France et de Navarre, la princesse semble mal l’aise dans une cour où elle rencontre des difficultés pour s’intégrer. Les dames espagnoles qui l’avaient accompagnée en France seront même renvoyées.

 

L’entente au sein du couple royal est passablement affectée par les fausses couches de la reine. Pendant de longues années, l’héritier au trône de France se fait attendre, fragilisant la position de Louis XIII. En plus, une animosité certaine se fait jour entre Anne d’Autriche, restée proche de sa famille espagnole, et Richelieu, le principal ministre du roi.

Il faudra attendre vingt ans pour qu'Anne d’Autriche tombe enceinte et mette au monde l’héritier tant attendu par le royaume, le futur Louis XIV

La tension monte d’un cran en 1635 quand la France déclare la guerre à l’Espagne. La reine Anne se voit particulièrement surveillée, voire suspectée d’intelligence avec un royaume désormais ennemi. Malgré tout, dans cette ambiance électrique, Anne d’Autriche tombe enceinte et met au jour l’héritier tant attendu par le royaume : Louis Dieudonné, futur Louis XIV, nait le 5 septembre 1638.

 

Les relations resteront toutefois glaciales entre le roi et la reine de France jusqu’à la mort du premier en 1643. Richelieu également mort, c’est à Anne d’Autriche que revient la régence. Toutefois, Louis XIII, soupçonneux à l’égard de son épouse, avait dans son testament considérablement limité les pouvoirs de la future régente en conditionnant les décisions prises par l’aval d’un Conseil de régence. La reine ne l’entendra par de cette oreille et cassera le testament de son défunt époux afin de se garantir d’amples prérogatives. Cette action est la première d’une longue série qui mettre le feu aux poudres entre la régente et les Grands du royaume.

 

mazarin
Mazarin, le ministre d'Anne d'Autriche

 

Comme Louis XIII avec Richelieu, Anne d’Autriche choisit Mazarin pour principal ministre. Il poursuit la politique antiespagnole du cardinal et se charge de la formation de l’héritier, Louis Dieudonné (la reine Anne, fort pieuse, lui prodigue une solide éducation religieuse). 

Son fils, le roi Louis XIV, effondré par la mort de sa mère aurait dit d’elle, "Plus qu’une grande reine, elle fut un grand roi"

Toutefois, la situation se tend dans le royaume de France. La Fronde, cette révolte menée par les Parlements et les Grands, éclate à la fin des années 1640. La reine, assistée de Mazarin, a alors un rôle de protection vis-à-vis de l’héritier du trône. Des années difficiles passent faites d’itinérances, d’angoisses et de soulagements. La révolte sera finalement matée et Louis XIV accèdera à sa majorité.

 

Mazarin meurt en 1661 laissant le jeune roi véritablement aux commandes de son royaume. La reine Anne d’Autriche, dont on a pu dire que d’autres relations que professionnelles l’unissaient au principal ministre, se retire du monde politique. La reine tire elle-même sa révérence quelques années plus tard. Son fils, le roi Louis XIV, effondré par la mort de sa mère aurait dit d’elle, "Plus qu’une grande reine, elle fut un grand roi".

 

Marie-Thérèse d’Autriche

Marie-Thérèse nait dans l’imposant monastère de l’Escorial le 10 septembre 1638, la même année et presque le même jour que son futur époux, le roi de France Louis XIV. Elle est la fille de Philippe IV d’Espagne et d’Elisabeth de France (fille d’Henri IV).

 

Comme il est de coutume à l’époque, la jeune princesse reçoit une éducation religieuse. La reine restera très pieuse jusqu’à la fin de sa vie. Bien qu’éduquée comme le demande son rang, elle n’aura jamais d’appétence particulière pour la littérature ou les arts. En revanche, elle aimera beaucoup les jeux de cartes.

La jeune Marie Therese d'Autriche
La jeune Marie Therese d'Autriche

 

Son destin est scellé dans le contexte de la fin des interminables guerres entre la France et l’Espagne (guerres commencées au temps de Charles Quint et François Ier). En effet, par le Traité des Pyrénées de 1659, la frontière entre les deux royaumes est fixée mais surtout, un mariage est prévu entre Louis XIV et la fille du roi d’Espagne, Marie-Thérèse.

Arrivée à Paris, Marie-Thérèse d’Autriche retrouve sa tante qui n’est autre que la reine mère, Anne, qui est aussi sa belle-mère

L’infante d’Espagne et son père le roi se séparent sur l’île des Faisans, située sur la rivière basque qui séparent les deux royaumes. Le mariage entre la princesse et Louis XIV est célébré à Saint-Jean-de-Luz et l’union consommée le même jour.

 

mariage de Louis XIV avec l'infante
mariage de Louis XIV avec l'infante d'Espagne, Marie-Thérèse d'Autriche

 

Arrivée à Paris, Marie-Thérèse d’Autriche retrouve sa tante qui n’est autre que la reine mère, Anne, qui est aussi sa belle-mère. Cette dernière aura auprès de la jeune princesse espagnole un véritable rôle de mère de substitution. Ayant elle-même réalisé un parcours similaire, la reine Anne apprend à Marie-Thérèse tout ce qu’elle doit savoir pour mener à bien sa tâche. L’apprentissage du français est primordial même si la nouvelle reine gardera un accent prononcé toute sa vie.

 

Avec sa belle-mère, Marie-Thérèse s’occupe des actions de charité et de la maintenance du patrimoine religieux, fidèle à l’éducation très pieuse que les deux reines ont reçue. Cependant, le roi Louis XIV porte à son épouse une attention qui décroit à mesure que son appétence pour les autres femmes augmente. Un héritier nait toutefois en 1661 : c’est le Dauphin.

 

Louis XIV avec Marie Thérèse et Dauphin
Louis XIV avec Marie Thérèse et Dauphin

 

Malgré tout la reine Marie-Thérèse souffre des innombrables infidélités de son roi de mari. De plus, un malheur frappe la famille royale en 1666 : Anne d’Autriche meurt. La reine perd son amie et principal soutien.

 

Les années qui suivent sont compliquées pour la reine qui doit supporter un mari adultère de plus en plus décomplexé. En effet, Louis XIV ira jusqu’à imposer sa maîtresse, Madame de Maintenon, comme femme de chambre de la reine Marie-Thérèse. Des colères éclatent mais peu à peu, la reine se résigne et se réfugie sans la prière.

 

Marie-Thérèse plus âgée
Marie-Thérèse plus âgée

 

Discrète sur le plan politique, elle ne se dérobe pas à son rôle quand elle doit assumer la régence de la France quand le Roi-Soleil s’en va guerroyer en Hollande. Elle s’acquittera de cette tâche consciencieusement.

 

En 1682, Marie-Thérèse devient grand-mère du duc de Bourgogne alors que la cour s’installe au château de Versailles. Ce bonheur ne durera pas : la reine décédera brutalement des suites d’une infection du bras, l’année suivante.