Cliché? C'est l'un des nombreux résultats de la surprenante étude réalisée par Real Elcano et Dialogo sur les similitudes et les différences entre l'opinion qu'ont les Espagnols et les Français d'eux-mêmes et de l'autre.
En 1985, 55% des Espagnols considéraient encore la France comme un pays "hostile". Il faut rappeler qu'à cette époque, les terroristes de l'ETA -appelés en France "séparatistes"- se réfugiaient dans le sud de la France. Heureusement, les choses ont bien changé, comme le montre la dernière étude du think tank Real Instituto Elcano, en collaboration avec l'Association franco-espagnole Diálogo.
C'est la 4e fois depuis 2008 que Real Instituto Elcano publie une analyse sur les similitudes et les différences de perception entre Espagnols et Français. Cette année, l'enquête intitulée "Espagne-France: Regards croisés face aux défis européens", réalisée dans les deux pays, analyse les opinions et images respectives ainsi que les attitudes vis-à-vis de l'Union européenne.
Ces regards croisés reflètent des différences significatives entre les deux voisins, en particulier sur les questions qui focalisent l'attention des Espagnols et des Français sur la vie politique, sur les attentes des uns et des autres vis-à-vis de l'État, et l'adhésion aux principales "causes" mondiales.
Admiration de l'Espagne pour la France
Les résultats de cette enquête, comme ceux de celles menées en 2008 et 2013, reflètent tout d'abord l'admiration historique de l'Espagne pour la France. Pendant l'ère franquiste, la France était d'ailleurs l'exemple le plus proche de liberté, de prospérité et de modernité auquel aspiraient ceux qui voulaient une Espagne démocratique.
Les opinions des Français sont souvent fragmentées en deux groupes proches de la moitié
Sentiment de supériorité des Français
De son côté, la France regarde l'Espagne avec une certaine condescendance, avec sympathie et attraction, mais avec un sentiment de supériorité. Même aujourd'hui, Espagnols et Français s'accordent à dire que la France est supérieure à l'Espagne sur la majorité de points essentiels: son système économique, son rayonnement international, son niveau scientifique et technique, et sa qualité démocratique.
Une meilleure qualité de vie en Espagne
Mais, les résultats sont divergents: les Français considèrent massivement que leur pays est supérieur à l'Espagne. Les Espagnols, pour leur part, le font de manière moins massive, avec une plus grande division des opinions. Ce n'est que dans deux aspects - la production culturelle et la qualité de vie - qu'un peu plus de la moitié des Espagnols estiment que l'Espagne est supérieure à la France.
Les Français considèrent que les Espagnols sont sympathiques, alors que les Espagnols donnent une mauvaise note aux Français sur ce point
Il est intéressant de constater que, par rapport aux résultats obtenus il y a huit ans, l'écart entre les deux pays s'est réduit et l'évolution des données montre une tendance à l'égalisation, avec une diminution du sentiment d'infériorité espagnol et du sentiment de supériorité français. Selon le think tank Real Elcano, le tourisme contribue à réduire les préjugés, montrant aux Français (qui viennent plus en Espagne que les Espagnols en France) la qualité des infrastructures espagnoles, par exemple.
Dans le cas du système économique, le pourcentage d'Espagnols qui pensent que l'économie française est supérieure à celle de l'Espagne est encore plus élevé que chez les Français. Et 88% des Espagnols sont d'accord avec 87% des Français pour dire que la France a plus de pouvoir et d'influence dans le monde que l'Espagne.
Les Français, mal notés sur leur sympathie
Autre conclusion étonnante: Les Français et les Espagnols se donnent mutuellement de bonnes notes dans tous les aspects évalués. La principale différence réside dans l'évaluation de l'amabilité de l'autre: les Français considèrent que les Espagnols sont sympathiques, alors que les Espagnols donnent une mauvaise note aux Français sur ce point.
L'autre pays fait mieux
En outre, les Français et les Espagnols ont des perceptions différentes d'eux-mêmes en tant que pays. Il est frappant de constater que Français et Espagnols perçoivent leur pays respectif comme plus faible, moins travailleur et moins démocratique que l'autre ne l'imagine. Les deux pays considèrent qu'ils sont plutôt ou assez semblables l'un à l'autre, une opinion un peu plus répandue chez les Espagnols que chez les Français.
Violence: grande différence entre l'Espagne et la France
Il est également frappant de constater que la grande majorité des Espagnols (79%) définissent leur pays comme plus émotionnel que rationnel, tandis que les Français sont plus partagés (55% en faveur de rationnel). La différence est aussi notable dans le binome "violent/paisible", 82% des Espagnols définissant l'Espagne comme pacifique, contre seulement 57% des Français concernant la France. Un phénomène similaire se produit avec les réponses "égoïste/solidaire", où les Espagnols montrent à nouveau une meilleure opinion de leur pays que les Français du leur.
Les Français beaucoup plus divisés sur tout
Dans l'ensemble, on peut dire que la vision que les Français ont de leur propre pays est beaucoup plus nuancée et divisée que celle des Espagnols, avec davantage d'éléments où les opinions sont fragmentées en deux groupes proches de la moitié, un constat qui se reflète au quotidien en France! En revanche, la vision espagnole est toujours plus uniforme, avec des réponses dans lesquelles l'un des deux pôles de chaque paire atteint toujours plus de 60% et souvent 70%.
L'Espagne est également plus préoccupée que la France par la charge fiscale pesant sur les particuliers.
Les Espagnols, plus Européens que les Français
Les Français se sentent avant tout Français et concernés par leur pays, puis par leur ville et leur région, et loin derrière, par l'Europe. Les Espagnols se sentent le plus fortement liés à leur ville ou à leur région, dans une moindre mesure à leur pays et enfin à l'Europe. Autrement dit, les Français se sentent beaucoup plus français qu'Européens, alors que les Espagnols se sentent presque autant Européens qu'Espagnols.
Il est important de souligner que l'identité territoriale a une relation différente avec l'idéologie en France et en Espagne. En France, la gauche s'identifie davantage à l'Europe que la droite, tandis qu'en Espagne, c'est l'inverse, et le désintérêt pour l'UE y est plus marqué à gauche. Dans les deux pays, l'identité nationale est plus faible à gauche.
Les Espagnols, pour plus de compétences de l'UE
Deux tiers des Espagnols (67%) considèrent que l'appartenance de leur pays à l'Union européenne est positive, contre 42% pour les Français. Conformément à leur plus grande identification à l'UE, les Espagnols sont donc beaucoup plus favorables que les Français à l'augmentation des compétences de l'UE, une position défendue par près d'un tiers des Espagnols contre un cinquième des Français.
Plus grande préoccupation des Français pour le changement climatique
Parmi les différents défis auxquels doivent faire face les pays de l'UE, Français et Espagnols sont très divisés quant aux priorités. Ainsi, le changement climatique, dont il est constamment question dans les médias, est, pour les Français, presque aussi important que la guerre en Ukraine et il est choisi comme un objectif prioritaire de l'Union européenne par deux tiers des Français (65%) contre moins de la moitié des Espagnols (46%). En Espagne, ce sujet passe après l'aide au développement et l'attraction des investissements étrangers, deux politiques beaucoup moins pertinentes pour les Français, qui ont peu d'intérêt à recevoir des investissements étrangers.
L'immigration: autre sujet qui divise
Les positions françaises et espagnoles sur les questions d'immigration et de réfugiés sont très différentes. Ainsi, plus des deux tiers des Espagnols (68%) sont favorables à ce que l'Espagne autorise l'entrée dans le pays d'une partie ou d'un grand nombre de migrants économiques originaires d'Afrique. En France, seuls 44% font ce choix et un quart (25%) préfèrent que leur pays n'en admette aucun, contre 12% en Espagne qui indiquent cette option.
Prévenir l'arrivée d'immigrants illégaux est la deuxième priorité des Français, choisie par 52% d'entre eux, tandis que seuls 34% des Espagnols la choisissent comme priorité.
La défense, plus important pour les Français
Par ailleurs, les résultats montrent le peu d'intérêt des Espagnols - contrairement aux Français - pour les questions liées à la défense et à l'armement. Les Espagnols placent les investissements dans la défense et l'armement en dernière position, une position qui, dans le cas de la France, est occupée par l'innovation numérique.
Les Espagnols, plus inquiets par les impôts
Enfin, il est frappant de constater que l'objectif de réduction des inégalités sociales n'a pas la même importance en Espagne et en France: il occupe la première place en France contre la troisième en Espagne, qui est plus préoccupée par les déficiences du système de santé publique et le risque pour la viabilité du système de retraite. L'Espagne est également plus préoccupée que la France par la charge fiscale pesant sur les particuliers. Dans les deux pays, l'accès au logement et les facilités de création d'entreprise sont les dernières priorités.