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Teresa Esteban: "Il y a un manque d'information sur le handicap"

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Écrit par Camille Guil
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 juin 2018

Teresa Esteban est une expatriée franco-espagnole arrivée à Madrid il y a treize ans avec sa famille, au sein de laquelle grandissait une petite fille gravement malade, qui s'est éteinte il y a 3 ans et qui aurait eu 17 ans cette année.

 

Livrée à elle-même face aux difficultés que rencontrait son enfant, notamment concernant les démarches à entreprendre et l'accompagnement de la maladie, cette éducatrice spécialisée pose un constat clair : "Il y a un manque d'information concernant le handicap". Lundi 4 juin, elle présentera son projet : "Lo vives mejor" dont l'objectif est d'accompagner les proches de personnes handicapées où ayant des problèmes socio-éducatifs. S'adressant aux Français et aux Espagnols, ce service est inédit et changera la vie de beaucoup de foyers. Entretien.

lepetitjournal.com : Pourquoi ce projet ?

Teresa Esteban :
Lorsque je suis arrivée à Madrid, il y a treize ans, j'avais avec moi ma fille, gravement malade, qui nous a quitté il y a trois ans. En arrivant j'ai fait deux constats : il y a un manque d'information au niveau des institutions françaises concernant le handicap. Le premier c'est qu'il n'existe pas de service à l'Ambassade ou au Consulat pour aider les familles dans leurs démarches, il faut tout faire soi même. Pour ma part, la chance que j'ai eu c'est que je suis éducatrice spécialisée de formation et que je suis franco-espagnole donc bilingue, cela m'a ouvert des portes. Mais l'organisation du système social espagnol est très différent, car tandis qu'en France on a des aides, en Espagne la loi de "dependencia" mise en place début 2006 exige d'avoir vécu au moins cinq ans dans le pays pour en bénéficier, c'est donc très compliqué. En résumé, lorsque les familles arrivent, elles souffrent de la barrière de la langue, aucune information et aucune aide. Le deuxième constat que j'ai fait c'est que les parents qui ont un enfant avec un handicap ou bien un problème socio-éducatif (drogue, problèmes de comportements, violences de genre) ne peuvent recevoir aucune aide non plus.

 

Comment le projet est-il né ?

Ces dix dernières années, je me suis occupée de ma fille, et lorsqu'elle nous a quitté, les offres que j'ai reçues, sur le marché de l'emploi, ne correspondaient pas à mes motivations. En septembre 2017, j'ai décidé de monter ce projet, c'est un service qui n'existe pas dans la communauté française, ni dans aucune autre ambassade ! Cela fait neuf mois qu'il est en préparation, et pendant tout ce temps, j'ai pu accompagner des familles bénévolement. Mais ce projet n'aurait jamais pu voir le jour sans deux personnes très compétentes qui ont été essentielle dans sa réalisation : Jean François Renucci, Conseiller pour les affaires sociales à l'Ambassade de France, qui a adhéré tout de suite à cette idée et dont la connaissance de l'action sociale française et espagnole a été indispensable, et François Ralle, Conseiller consulaire qui a complété ce travail, a su être à l'écoute, orienter les besoins, parce qu'il connait bien les nécessités des Français à Madrid. J'ai été très surprise de toutes façons par le soutien que j'ai reçu de la communauté française, à l'instar de l'appui de la MAFE et de Madrid Accueil notamment.

En quoi consiste exactement votre projet ?
Ce projet est dirigé autant à la communauté française qu'espagnole. La devise c'est informer, orienter, accompagner. Il se focalise sur deux pôles : le handicap et les problèmes socio-éducatifs.
En ce qui concerne le handicap, ce qui est proposé c'est de l'accompagnement à domicile de jour ou de nuit pour que les parents puissent souffler. Car lorsque l'on a un enfant malade, souvent, l'un des parents arrête de travailler et cet accompagnement n'existe pas. Les parents font généralement appel à du personnel de maison ou aux grands parents qui ne sont pas qualifiés pour faire face à toutes les situations, comme par exemple manipuler une bouteille d'oxygène ou changer une sonde gastrique.
Pour la partie socio-éducative, aujourd'hui les parents paniquent très vite, dès qu'un enfant a une mauvaise note ou s'il répond mal. Je propose tout d'abord de faire un bilan et puis d'accompagner, quelle que soit la pathologie. L'idée c'est que le projet soit opérationnel en septembre.

 

teresa esteban


 

Et en ce qui concerne les tarifs ?

Lorsqu'on a étudié les tarifs des aides ou bien des médecins spécialistes, on s'est rendu compte que c'était excessif. Demander à un père de famille de payer 60 où 80 euros pour des séances d'orthophonie ou de psychomotricité ce n'est pas possible. Je préfère m'adapter au public que je vais avoir, tous les parents n'ont pas les mêmes moyens ! Les tarifs qui seront proposés avec Lo vives mejor seront beaucoup moins importants pour que tout le monde puisse en profiter.
 

Comment se passera la démarche d'une famille avec Lo vives mejor ?

Lo vives mejor s'adresse à tout l'entourage de la personne handicapée, la famille, la fratrie, le conjoint ou encore les proches. Au début tout se fera à domicile et si le projet marche bien j'envisagerai alors d'aménager un local. L'idée c'est de faire un bilan, de proposer un accompagnement, un soutien, d'aider dans les démarches par exemple. Mais j'insiste bien sur le fait que je ne suis ni psychologue, ni orthophoniste, ni docteur, et si je me suis pas compétente, j'oriente la famille vers des personnes spécialisées.  


Quelle est la prochaine étape ?

Lundi 4 juin, je vais présenter mon projet devant les membres de la communauté française, avec l'idée de démarrer dès septembre. Je suis très motivée car ayant vécu cette situation en arrivant à Madrid avec ma fille, je pense que je peux mieux anticiper les besoins, et mon intérêt n'est pas de faire du business mais vraiment de facilier la vie de ces familles ! La deuxième étape du projet serait d'ouvrir ma propre maison pour enfants malades en hommage à ma fille. J'ai déjà tout prévu dans ma tête, je sais déjà que cela nécessiterait un investissement important mais c'est mon rêve, je le lui ai promis.
 

Quand vous réussissez à déconnecter, quelles sont vos passions ?

D'abord je suis passionnée de foot ! Mais aussi j'aime voyager, je tire une lecon de chaque voyage que je fait. Par exemple, en Inde, je suis allée à la rencontre des enfants, aux Etats Unis à New York, avec ma fille nous sommes allées voir ce qu'il se passait dans le Bronx pour les femmes qui ne peuvent pas avorter. A chaque fois on en revient changé. Les gens ne comprennent pas toujours ce besoin d'aider les autres, mais lorsque l'on vit un drame comme celui là, on relativise tout et nos priorités changent.

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