C'est une première en Espagne : pour la première fois les 4 consulats généraux du pays, Madrid, Barcelone, Séville et Bilbao, sont dirigés par des femmes, symbole d'une politique diplomatique résolument féministe. Arrivée en poste en septembre 2023, Marianne Carré boucle dans le Pays-Basque un long parcours au sein du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, qui a débuté à la sous-direction d'Europe centrale et du Sud, en charge des relations avec l'Espagne et le Portugal. "Un retour aux sources" donc pour cette amoureuse de littérature espagnole avec à sa charge une double casquette, celle de Consule générale et de directrice de l'Institut français de Bilbao.
La porte du Consulat est grande ouverte, j'invite les Français à venir nous voir.
On le sait, les affaires consulaires ont au cours des dernières années en Espagne largement été transférées au Consulat général de France à Madrid, qui gère l'état civil, la nationalité, et les visas pour l'ensemble du territoire, mais centralise aussi les demandes de documents d'identité pour tout le pays, à l'exception de Baléares, Aragon et Catalogne. Depuis 2022, le Consulat général de France à Bilbao est devenu un "consulat d'influence", avec des compétences consulaires limitées (remises de titres, questions consulaires d'urgence, élections), mais pleinement compétent pour la coopération bilatérale. Couvrant les communautés autonomes du Pays-Basque, de la Navarre, de La Rioja, de Cantabrie, des Asturies et de Galice, le Consulat général de Bilbao n'en couvre pas moins une région particulièrement vaste, caractérisée par des identités régionales fortes et une évidente diversité culturelle, économique et qui se confirme à l'échelle même des populations françaises expatriées.
Une présence française historique
"Il y a environ 4.000 Français inscrits dans la circonscription du Consulat général de Bilbao", explique Marianne Carré, "qui constituent une population très dispersée, répartie dans des régions parfois isolées du reste du pays en termes d'infrastructures". Pas évident pour autant d'assurer une certaine cohésion au sein du collectif, d'autant que, on l'a dit, l'expatriation à Vigo n'est par exemple pas la même que celle recensée à Saint-Sébastien.
Il existe une présence française historique dans le Nord de l'Espagne.
"Il existe une présence française historique dans le Nord de l'Espagne", relève pourtant la Consule générale, "liée au caractère industriel de la région, et qui est à l'origine d'un volume non négligeable de ressortissants de la deuxième et de la troisième génération, parfaitement intégrés dans la population locale et souvent binationaux". On observe cet essaimage autour des grandes entreprises françaises installées depuis plusieurs décennies dans le pays : Stellantis à Vigo, Michelin à Vitoria, Saint-Gobain en Cantabrie et dans les Asturies, Schneider à Mungia en Biscaye ,... Ces grands groupes français emblématiques ont à une certaine époque fonctionné avec leur lot de cadres dirigeants expatriés et leur installation dans la région a généré des liens forts avec l'Hexagone, qui perdurent aujourd'hui encore. Ce dynamisme industriel a aussi attiré son lot d'entreprises familiales et PME qui ont trouvé un terreau favorable pour leur activité. C'est ainsi un industriel français, Jean Laffontan, qui est à l'origine du lycée français de Bilbao en 1933. L'industrie espagnole n'est pas en reste : "Des Français sont aussi venus travailler à La Corogne, à la création de Zara", révèle Marianne Carré.
Créer du lien entre Français du Nord de l'Espagne
De l'industrie de la pêche en Galice au secteur du tourisme sur toute la façade Atlantique, avec le chemin de Compostelle comme fil conducteur, l'économie locale a pris le relais des grandes installations industrielles françaises pour attirer nos compatriotes dans la région. Sans oublier la dynamique transfrontalière, particulièrement forte entre Saint-Sébastien et Hendaye. "On voit tous les week-ends de nombreux Français des Pyrénées Atlantiques qui viennent prendre leurs pinxos à Saint-Sébastien ou des scolaires visiter le Guggenheim à Bilbao", sourit la Consule.
De fait, le Consulat général de Bilbao accueille et informe beaucoup de Français de passage, surtout en période estivale. "On gère régulièrement des cas de perte ou de vols de documents d'identité", confirme celle qui défend en outre le rôle de l'antenne de Bilbao comme "un point d'information et de contact" pour les résidents. "Il est important pour les Français de la circonscription de disposer de ce point de repère", défend Marianne Carré, "qui symbolise l'importance accordée par la France, à nos ressortissants établis dans le Nord de l'Espagne".
Situé depuis un an au numéro 8 de la calle San Vicente, au sein de l'edificio Albia, le Consulat général de Bilbao est ouvert au public du lundi au vendredi, de 9h30 à 13h00. Il accueille les Français sans rendez-vous, qui viennent souvent pour des renseignements : "ce sont souvent des choses très simples, qui pourraient être réalisées directement par Internet sur le site du consulat à Madrid, mais il est parfois nécessaire de faire le lien avec certains, notamment les plus âgés ou ceux qui n'ont pas eu de lien avec nous depuis de nombreuses années", éclaire la Consule générale. Les remises de documents d'identité quant à elles, ont lieu sur rdv, une fois la demande réalisée à Madrid. "Compte-tenu de l'éloignement avec la capitale, pouvoir remettre les documents ici à Bilbao permet d'économiser un trajet parfois compliqué à réaliser", un service particulièrement apprécié.
Nous sommes confrontés au paradoxe que, tout en étant une zone frontalière, on observe pourtant une baisse de l'apprentissage du français.
De l'importance d'apprendre le français
"La porte du Consulat est grande ouverte", déclare Marianne Carré, "j'invite les Français à venir nous voir". Son engagement à créer du lien au sein de la communauté française s'appuie aussi sur les associations et les institutions existantes, à l'instar du réseau des Alliances françaises (8 au total dans la circonscription), du Lycée français de Bilbao, de Bilbao Accueil, tout juste créée en 2020, ou, bien sûr, de l'Institut français, dont Marianne Carré assure la direction. "Nous y avons une belle activité d'enseignement du français", assure-t-elle, "et travaillons depuis l'institution à promouvoir la langue et la culture française".
La priorité de la directrice de l'Institut français reste de fait la défense de l'enseignement de la langue de Molière au sein du système scolaire local. "Nous sommes confrontés au paradoxe que, tout en étant une zone frontalière, on observe pourtant une baisse de l'apprentissage du français", déplore-t-elle. Surprise en effet, un seul établissement du Pays Basque dispose du label FrancEducation, aucun ne propose le BachiBac. Faire évoluer la situation constitue "un travail de fourmi, auprès des enseignants et des autorités locales", admet Marianne Carré, "mais on ne lâche rien, et on y travaille d'arrache-pied".
Si la connaissance du français constitue un atout différenciant sur le marché de l'emploi espagnol, c'est d'autant plus vrai que les échanges avec la France sont particulièrement marqués sur la circonscription : ainsi début novembre, une délégation d'entreprises de Nouvelle Aquitaine accompagnaient son président, Alain Rousset, venu à la rencontre des entreprises locales. "Nous gardons une veille particulière sur les initiatives liées aux énergies renouvelables, à l'éolien, à la décarbonation et à l'innovation en général, en lien notamment avec les secteurs industriel et maritime, très importantes dans la région", explique Marianne Carré. Et de soulever l'importance de la coopération transfrontalière et notamment le rôle de l'eurorégion, qui promeut des projets d'intérêt commun, "dans la formation professionnelle ou la culture notamment". "La relation entre la France, le Pays Basque et le Nord de l'Espagne est extrêmement dense", conclut-elle.