La nouvelle Conseillère de Coopération et d’Action Culturelle (COCAC) de l'Ambassade de France en Espagne et Directrice Générale de l'Institut français d'Espagne, en poste à Madrid depuis mars dernier, ex-Commissaire de l'Année France-Colombie (2017), prépare d'ores et déjà la rentrée 2018 et la saison 2019. Anne Louyot devrait articuler en Espagne les missions de l'Institut depuis une perspective ouverte, visant à limer les frontières et à ancrer sur le terrain transdisciplinaire et interculturel l’action de la France dans le pays.
Après trois ans dédiés à l’organisation de l'Année France-Colombie 2017, promue et organisée par l'Institut français de Paris, deux grosses années sur les mêmes missions dans le cadre de l'Année de la France au Brésil (2009), un parcours personnel balayant le globe d'est en ouest et diverses missions au sein du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, Anne Louyot prend les rênes de l'Institut français d'Espagne laissant loin derrière elle le concept de "rayonnement" (culturel) qui conditionne encore un bon nombre d'automatismes quand on évoque la présence française à l'étranger. "Ce qui me passionne dans la vie, ce qui m'intéresse dans mon travail, c'est le lien", affirme-t-elle d'emblée. À l'immobilisme des figures consacrées -artistiques, intellectuelles ou pédagogiques-, la nouvelle Conseillère de Coopération et d’Action Culturelle de l'Ambassade de France en Espagne préfèrera le mouvement permettant de croiser les dynamiques. "Notre métier, ce n'est pas d'arriver avec une formule toute faite : c'est de négocier, échanger et trouver des solutions conjointes", évoque-t-elle. "Travailler en partenariat et en collaboration permet d’enraciner plus profondément l’action culturelle et de générer des effets à long terme".
Ce qui me passionne dans la vie, ce qui m'intéresse dans mon travail, c'est le lien
On le sait, la présence française en Espagne est l'une des plus importantes au monde. Du fait de sa proximité géographique, de l'importance des échanges économiques et culturels, de l'implantation d'un grand nombre d'entreprises dans le pays ou encore de l'étendue du réseau culturel français (6 Instituts français, 21 et bientôt 22 Alliances françaises, 22 lycées français), la France tisse déjà une multitude de liens avec l'Espagne. "Je suis très heureuse de la qualité du réseau et des collaborateurs dans l'ensemble du pays", déclare d'ailleurs Anne Louyot à ce propos. "Je peux m’appuyer sur des gens qui travaillent sur le terrain depuis de nombreuses années et connaissent très bien leurs partenaires". Les défis inhérents à cette présence n'en restent pas moins importants, comme la nécessité de conquérir des terrains de coopération inédits. "Nous devons davantage tourner le dispositif vers l'extérieur", estime la DG de l'Institut français. L’innovation, la construction européenne ou la promotion du français devraient ainsi être autant de priorités de la diplomatie culturelle au sud des Pyrénées, de même que les collaborations artistiques entre les deux pays.
Nous essayons de favoriser le plurilinguisme en Espagne, avec une action auprès des autorités locales et nationales
"On se heurte à une difficulté en Espagne, où il n'y a qu'une seule langue vivante obligatoire dans l'enseignement, au lieu des deux imposées dans l'immense majorité des pays européens ", constate Anne Louyot. "Nous essayons de favoriser le plurilinguisme en Espagne, avec une action auprès des autorités locales et nationales". Et d'insister : "Aujourd'hui il faut au minimum parler deux langues étrangères. L'anglais seul n'est pas suffisant. Les laboratoires de recherche, les entreprises, les universités, demandent la maîtrise de deux langues. Les langues, c’est aussi l’ouverture à d’autres cultures, d’autres façons de penser, bref, l’expression de la diversité". Les initiatives menées en Andalousie (avec l’introduction en 2017 d’une 2e langue vivante dans le Primaire) démontrent que des évolutions sont possibles. Plusieurs mécanismes permettent de conserver un enseignement du français dans certains établissements. Par exemple, le BachiBac, proposé dans près de 100 lycées, ou encore le Label FrancEducation, attribué, sur des critères de qualité de l'enseignement et de formation des professeurs notamment, à 25 écoles en Espagne, "très valorisé par les établissements" : Anne Louyot estime qu'ils seront 50 en 2018, 100 d'ici 2020. Sans oublier les 300 sections bilingues espagnol-francais.
Il existe plus de 3.000 accords inter-universitaires entre la France et l'Espagne, c'est énorme
"Le continuum francophone" que la Conseillère entend consolider en Espagne, permet aux Espagnols d’apprendre et de pratiquer la langue de Molière tout au long de la vie. Les lycées français, les Instituts et les Alliances françaises jouent un rôle central dans cette stratégie. Mais aussi les universités : "On intervient en proposant des formations et en favorisant la présence du français dans les cursus", explique Anne Louyot. Et d'ajouter : "Il existe plus de 3.000 accords inter-universitaires entre la France et l'Espagne, c'est énorme. On veille à ce que les étudiants qui participent à ces échanges aient également accès à l'enseignement de la langue française". L'Université franco-espagnole, ce réseau d'universités concrétisé en 2017 par un accord entre les Conférences des universités françaises et espagnoles, devrait permettre de "renforcer les accords en comblant les manques et en privilégiant les domaines stratégiques".
La France a une responsabilité particulière au sein de l’Europe. Il faut que notre programmation reflète l'importance du fait européen
On évalue à 1,5 millions le nombre d'apprenants de français dans tout le pays. L'Institut français d'Espagne, via ses 5 établissements exerçant une activité d’enseignement, prend en charge quelque 10.000 d'entre eux. "Les Instituts allient étroitement langue et culture", explique la Directrice Générale de l'IFE, "notre langue étant un des éléments d'une culture singulière, ouverte sur le monde". Cette culture, cette langue, seront au cœur de la saison culturelle 2020, dont Anne Louyot a déjà déterminé la thématique : "elle tournera autour de la francophonie ouverte", avance-t-elle. "Il s'agira de promouvoir le français dans le cadre du plurilinguisme". La TIFE 2019 quant à elle, qui conservera format et philosophie des "temporadas" lancées depuis 2016 par l'IF en Espagne, articulées autour d'une thématique annuelle et homogénéisées sur tout le territoire, s'intitulera "Nosotros, Europa". "Ce sera une saison où le débat d'idées aura une place centrale, mais aussi les projets artistiques qui présentent une forte dimension européenne" révèle l'intéressée. "La France a une responsabilité particulière au sein de l’Europe. Il faut que notre programmation reflète l'importance du fait européen", manifeste encore la COCAC.
Les murs n’importent pas, la culture doit permettre d’abolir les cloisonnements
"Ces saisons culturelles ont aussi pour objectif de faire émerger de nouvelles coopérations", exprime-t-elle encore. "Nous avons pour ambition d'y donner une part croissante aux nouvelles technologies, via entre autres la création numérique", poursuit Anne Louyot. Des synergies avec la French Tech et l'univers entrepreneurial local sont ainsi envisageables et seraient autant d'occasions de faire sortir la culture de ses gonds. À propos de l'Institut français de Madrid, Anne Louyot souhaite "mener une réflexion sur cet espace". "La programmation culturelle se déroule à l'IF quand cela s'y prête le plus, mais il est important qu’un grand nombre de nos événements se réalisent ailleurs, sans que cela n'affecte l'unité de notre action. Les murs n’importent pas, la culture doit permettre d’abolir les cloisonnements".