Le 12 octobre dernier, les plages de la Mer Mineure sont apparues jonchées de cadavres de milliers de poissons, crustacés et autres animaux marins. Outre la catastrophe écologique, c’est toute l’économie d’une région qui se voit touchée. Le hashtag #SOSMarMenor fait le buzz depuis.
Pas moins de trois tonnes de poissons morts ont été récupérées. Comme toujours, une image vaut plus que mille mots et les innombrables photos et vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les poissons morts ou en train d’agoniser sur les plages de la Mar Menor ont rappelé aux autorités l’urgence des mesures à prendre pour que cela ne se reproduise pas.
Une enquête a été ouverte pour savoir ce qui s’était passé dans les eaux de cet écosystème caractéristique de Carthagène et ainsi pouvoir mettre au clair les responsabilités. Une seule chose est sûre. On ne sait pas encore ce qui a pu se passer ni les raisons qui ont conduit à la mort de milliers d'animaux marins, mais les experts ont déjà diverses théories expliquant le désastre. Au-delà des pluies torrentielles de la "gota fria", la main de l'homme est omniprésente.
La Mar Menor est le plus grand lagon d’eau salée d’Europe, qui consiste en une zone humide de 135 km2, d’une longueur de 21 km et d’une largeur moyenne de 14km. Ce qui est arrivé est connu par les scientifiques comme un processus d' eutrophisation, produit par une accumulation de déchets organiques dans l’eau, qui provoque la prolifération de certaines algues. Celles-ci consomment l’oxygène, ce qui déséquilibre le fragile écosystème de la Mar Menor, dont le renouvellement en eau est en plus relativement limité. Si à cela s’ajoute le fait que tous ces animaux marins qui meurent contribuent à leur tour à l’accélération de cette eutrophisation, le cercle vicieux s’accélère.
Chronique d’une mort annoncée
Déjà en 2016, le lagon avait lancé un appel à l'aide, lorsqu'il était devenu une espèce de soupe verte et pâteuse pleine d’algues que la lumière était incapable de pénétrer, ce qui avait provoqué la mort de 85% de la végétation. Peu à peu, la situation s’était améliorée et l’espoir était revenu, en même temps que les eaux limpides. Cependant, outre la récente catastrophe des poissons morts asphyxiés, il existe à nouveau un risque que cette soupe verte se reproduise.
Cela fait des années que les scientifiques et écologistes dénoncent la situation provoquée selon eux par différents facteurs. Ainsi, l’industrie minière, qui s’est arrêtée dans les années 90, a laissé d’importantes séquelles dans les sols qui accumulent toute sorte de métaux lourds que les pluies torrentielles déversent dans la lagune.
En outre, depuis les années 1980, la construction et l'agriculture intensive ont explosé dans la région, et le transfert Tajo-Segura a contribué à la prolifération de ce type de cultures. Selon un rapport de l’Université de Murcie, l’activité agricole serait responsable de 85% de l’eutrophisation de la lagune. Par ailleurs, l’urbanisation excessive et mal gérée, avec des réseaux de traitement des eaux parfois déficients, a également été montrée du doigt. La Mer Mineure aurait ainsi trop longtemps été considérée comme une ressource uniquement touristique et non comme un espace écologique fragile qu’il fallait protéger.
Le secteur du tourisme de la région craint maintenant l'impact de ce qui s'est passé dans la lagune. Même si la basse saison peut en atténuer les effets, les hôteliers, commerçants et entrepreneurs du secteur nautique s'inquiètent. D’autant que la faillite de l'opérateur Thomas Cook et l'incertitude du Brexit ont eu des répercussions négatives sur l’arrivée des touristes britanniques. Le secteur de l’immobilier est également concerné. En fait, c’est toute la région de Murcie qui est en train de se mobiliser. Une gigantesque manifestation a d’ailleurs submergée le centre de Carthagène le 30 octobre dernier pour exiger des solutions face à la mort lente du plus grand lagon d’eau salée d'Europe. Le hashtag #SOSMarMenor a fait le buzz sur Internet.