Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Selon Cofares, la coopérative de distribution de médicaments en Espagne, les ventes de masques de protection ont grimpé de plus de 330% par rapport à l'an dernier. En revanche, la "sinophobie" peut faire plus de ravages que le coronavirus.
On le sait. La principale voie de contamination du coronavirus est l'air, lorsqu'une personne tousse ou éternue. C’est pourquoi les masques sont devenus le meilleur moyen d’échapper à cette souche du virus qui a déjà tué plus de 300 personnes et infecté 15.000 dans le géant asiatique.
En Chine, il y a rupture de stock et il est devenu impossible de trouver des masques sanitaires ou de protection. C’est pourquoi aussi bien les touristes asiatiques que les chinois qui résident en Espagne se sont rués sur les pharmacies pour en acheter et les ramener ou envoyer en Chine. Dans les pharmacies d’Usera, le quartier chinois de Madrid, les ventes ont ainsi été multipliées par 20. Mais ce phénomène est général. Il faut rappeler que la population asiatique est importante en Espagne, avec 224.559 personnes de nationalité chinoise résidant en Espagne, sans compter celles qui ont obtenu la nationalité espagnole. En Catalogne, par exemple, un client d'origine chinoise vient ainsi d’acheter 50.000 masques pour les envoyer dans son pays. Business is business.
En Catalogne, la production de masques passe de 300.000 à 6 millions d’unités
Alors que les cas de coronavirus se multiplient, une entreprise espagnole tire particulièrement son épingle du jeu. Située en Catalogne, la société Climax, fabricant d'équipements de protection individuelle, est en concurrence depuis des années avec la multinationale 3M. Son produit phare est le masque et sa production est passée le mois dernier de 300.000 à 6 millions d’unités! En plus des pharmacies et établissements spécialisés, l’entreprise vend actuellement énormément sur une plateforme bien connue d’Internet.
Les Chinois ne demandent pas n’importe quel masque. En effet, tous les masques ne protègent pas de la même manière, puisque les masques fins en papier servent surtout à ne pas contaminer les autres. Les Chinois recherchent un masque en particulier, celui avec une protection spéciale contre les maladies respiratoires. Ces masques filtrants contiennent un filtre à microparticules qui, sans être la panacée, protège de l'extérieur vers l'intérieur à différents degrés. Il existe trois types, FFP1, FFP2 et FFP3, qui filtrent respectivement 78%, 92% et 98% des particules. L'OMS recommande dans les procédures d'isolement le FFP2 ou FFP3, ou son équivalent américain, le N95, qui filtre à 95%.
Le coronavirus est-il redoutable en Espagne ?
Face à cette psychose, certaines pharmacies ont accroché, en plus de l’affiche "masques en rupture de stock" une autre du genre "on se demande pourquoi !". En effet, le coronavirus est-il si redoutable, et en particulier en Europe ? Le taux de mortalité du coronavirus est de 2%, bien moins que celui du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère, un autre coronavirus qui avait sévi en Chine en 2002 et 2003), qui fut de 10%, mais quand même 30 fois pire qu'une grippe (0,1%). On estime que toute personne infectée va contaminer entre 2 et 4 personnes, ce qui est plus que la grippe (un malade contamine 1,4 personne), mais surtout, alors que le SRAS avait contaminé 5.327 personnes en 8 mois, en moins de 2 mois, le coronavirus a déjà touché 15.000 personnes et tué 300 en Chine (selon les chiffres officiels du gouvernement chinois). Cependant, d’après le pneumologue chinois Zhong Nanshan, reconnu en 2003 pour contenir l'épidémie de SRAS, l'épidémie causée par le nouveau coronavirus 2019-nCov devrait atteindre son pic d'ici une semaine ou au plus tard une dizaine de jours.
La grippe tue 15.000 personnes par an en Espagne
Enfin, il faut rappeler qu’environ 15.000 personnes meurent en Espagne de grippe chaque année. On ne pense pas non plus, à l'échelle mondiale, que la rougeole a coûté 140.000 vies en 2019 ou que des maladies infectieuses telles que le VIH, la tuberculose, l'hépatite virale et les MST tueront environ 4 millions de personnes en 2020.
Refroidissement économique à l'horizon
Un refroidissement de l’économie mondiale est surtout à craindre. Alors que la Chine représentait 5% du PIB mondial et 5% de la croissance mondiale lors du SRAS en 2002, elle en pèse aujourd'hui 17% et 30% respectivement… Par ailleurs, la "sinophobie" commence aussi à faire des ravages. Il n’est pas rare de voir dans le quartier chinois de Paris des personnes portant un autocollant qui dit "je ne suis pas un virus" pour bien rappeler que l'ennemi est le coronavirus et non les Chinois. En Espagne, les restaurants de cuisine asiatique ont d’ailleurs vu le nombre de leurs clients diminuer et les bazars chinois vendent moins.
L'OMT (Organisation mondiale du tourisme) annonçait il y a quelques jours le chiffre record de 1,4 milliard de touristes internationaux l’an passé. Or, les Chinois occupent la première place, avec un total de 149,7 millions de touristes qui ont voyagé à l'étranger en 2018, alors qu’ils étaient seulement 10 millions en 2000. L’an passé, 869.000 touristes chinois ont visité l’Espagne et leur activité principale était le shopping. La dépense moyenne du visiteur chinois est de 2.563 euros, une somme bien supérieure à celle du touriste allemand (1.052 euros) et surtout du français (651 euros).