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Royaume-Uni : bientôt un retour des tests de produits cosmétiques sur les animaux ?

Un mouton avec son troupeauUn mouton avec son troupeau
Sam Carter - Unsplash
Écrit par Maël Narpon
Publié le 11 août 2021, mis à jour le 12 août 2021

Le Royaume-Uni pourrait de nouveau autoriser la pratique de tests d’ingrédients de produits cosmétiques sur les animaux 23 ans après son interdiction sur le sol de Sa Majesté. Après vous avoir relaté le cas peu commun de l’alpaga prénommé Geronimo hier, nous restons donc dans la cause animale aujourd’hui encore.

 

C’est ainsi ce qui ressort d’une lettre envoyée par le Bureau de l’Intérieur (dirigé par Priti Patel, actuelle secrétaire d’Etat à l’Intérieur) à Cruelty Free International (CFI), association caritative de protection des animaux.

 

La décision à l’origine de ce possible revirement de politique au Royaume-Uni

Dans cette lettre, le gouvernement indique vouloir rouvrir la porte à l’expérimentation animale en s’alignant sur une décision rendue l’an passé par la Chambre de recours de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA, de son acronyme anglais). Celle-ci a ainsi décidé que certains ingrédients utilisés comme composants de produits cosmétiques allaient devoir être testés sur des animaux pour en garantir l’innocuité.

La décision prononcée par la Chambre de recours de l’ECHA concerne à la base l’entreprise allemande Symrise, spécialisée dans la production de saveurs et de parfums. Celle-ci va devoir tester sur des animaux deux ingrédients servant uniquement dans la production de produits cosmétiques pour se plier à la réglementation sur les produits chimiques, outrepassant ainsi les restrictions instaurées par l’Union Européenne en matière d’expérimentation d’ingrédients cosmétiques sur les animaux. Suite à cela, Symrise a décidé de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) afin qu’elle tranche sur des bases scientifiques et statue sur la décision prononcée par l’Agence européenne des produits chimiques.

Côté britannique, le Bureau de l’Intérieur, tout en reconnaissant son revirement de politique, assure néanmoins que les tests de produits finis tomberont toujours sous l’interdiction édictée par le Royaume-Uni en 1998 quoi qu’il arrive. Une affirmation qui ne satisfait pas les militants pour qui l’autorisation de tester ne serait-ce que certains ingrédients cosmétiques sur les animaux pourrait entrouvrir la porte à une plus large utilisation de l’expérimentation animale.

 

Un projet qui suscite des réactions critiques

Pour la docteur Katy Taylor, directrice des affaires scientifiques et réglementaires de la CFI, la concrétisation d’une telle décision entacherait l’image du Royaume-Uni : « Elle créerait un trou dans le leadership de longue date du Royaume-Uni en matière d'absence d'expérimentation animale pour les cosmétiques et tournerait en dérision la quête du pays pour être à la pointe de la recherche et de l'innovation, en s'appuyant une fois de plus sur des tests cruels et injustifiables vieux de plus d'un demi-siècle », a-t-elle ainsi déclaré.

D’après elle, le débat serait différent s’il ne s’agissait que de tests évaluant l’effet des ingrédients cosmétiques sur la peau et les yeux, comme c’était le cas avant l’interdiction de leur utilisation au Royaume-Uni puis dans l’UE. Cependant, elle avertit que, au moins dans le cas de Symrise, les tests exigés seront plus lourds et porteront notamment sur l’effet des ingrédients sur un fœtus en gestation.

La docteur Julia Fentem, directrice du centre de sécurité et d'assurance environnementale d'Unilever, porte également un regard critique sur la potentielle nouvelle ligne de conduite que pourrait adopter le Royaume-Uni en la matière. A son sens, l’alignement du Royaume-Uni sur la décision de l’ECHA constituerait un « pas en arrière ». Elle ajoute que de nombreux produits chimiques servant uniquement à la confection de produits cosmétiques depuis des décennies n’ont jamais posé de problèmes. Certains d’entre eux pourraient cependant tomber sous le coup de la décision de l’ECHA, ce qui obligerait les entreprises à réaliser des tests poussés sur les animaux dans le but de « cocher des cases », selon ses propres mots.

Selon elle, il existe déjà des approches permettant d’attester de la non-nocivité d’un ingrédient cosmétique sans avoir recours aux animaux, ajoutant que les règlements en vigueur ne seraient pas adaptés à la « science dont nous disposons ».

En réponse aux arguments s’opposant à un changement de politique qui n’est encore qu’au stade d’embryon, le gouvernement a tenu à apporter quelques précisions par le biais d’un de ses porte-paroles : « En vertu de la réglementation britannique visant à protéger l'environnement et la sécurité des travailleurs, l'expérimentation animale peut être autorisée, lorsque les organismes de réglementation britanniques l'exigent, sur des ingrédients à usage unique ou multiple. Toutefois, ces tests ne peuvent être effectués que s'il n'existe pas d'alternatives non animales. »

Si ce projet du gouvernement britannique venait à se concrétiser, de nouvelles voix pourraient s’élever au sein de la population du pays. Une enquête menée en 2020 par Frame (organisation caritative britannique) avait révélé que 84% des personnes interrogées n’achèteraient tout simplement pas de produits cosmétiques s’il s’avérait que leur production avait nécessité des expérimentations animales.

 

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