Les travailleurs anglais sont de retour au bureau après des mois de télétravail, loin des commodités douillettes de la maison. Retourner faire le “Number 2” en open space en inquiète plus d’un.
Un sondage, réalisé en janvier par la start-up The Gut Stuff, s’est intéressé à la façon dont plus de 2000 travailleurs britanniques envisagent leur « pause caca » au travail. Parmi ce panel d’hommes et de femmes de tous âges, 18% craignent de retourner au travail en présentiel, par peur de « faire caca » dans les locaux du bureau.
Et pour cause, les longs mois de télétravail effectués lors des confinements successifs ont complètement transformé nos habitudes. La réunion Zoom en chemise, cravate et jogging de sport à 11h, suivie de la petite “pause caca” du midi sont devenus un idéal de confort pour de nombreux employés. Dans le sanctuaire de la maison, rien ne pouvait venir perturber cet acte sacré.
Au travail, l’ambiance et le cadre sont différents et soulager ses intestins devient vite un problème. Notre esprit est assailli de questions des plus raffinées : bruit, odeur, durée… Résultat des courses, l’étude révèle que 53% des sondés sont prêts à quitter leur lieu de travail pour aller faire leur petite affaire ailleurs. 18% du panel avoue même être déjà rentré à la maison dans le seul but de se soulager.
Cette honte du pet et de la défécation est purement culturelle. L’idée que quelqu’un puisse nous surprendre est, pour beaucoup, à l’origine de ce blocage. Dissimuler son crime est devenu un véritable art pour lequel chacun a ses techniques : éviter les heures de pointe, créer un matelas de papier anti-bruit, utiliser les WC d’un autre étage, tout est bon pour que personne ne soit au courant que l’on vient de faire la chose dont on ne doit pas prononcer le nom. La technique ultime semble être celle utilisée par 18% des 2000 interrogés : se retenir toute la journée.
Seulement, ce phénomène est plus sérieux qu’il n’y paraît et la honte de « faire caca » dans des endroits dénués d’intimité a un nom : la parcoprésie.
Les femmes sont le plus touchées par ce syndrome, aussi appelé « le syndrome de la princesse ». Le patriarcat semble, de fait, s’immiscer même sur le trône puisque les femmes sont socialisées pour être plus « délicates » que leurs congénères masculins. L’étude révèle que 67% des travailleuses britanniques ne sont pas à l’aise face à l’idée de « faire caca » au bureau. Un sondage similaire mené en avril 2021 par l’Ifop pour Diogène montre, quant à lui, que ce syndrome affecte deux femmes sur trois (69%) contre à peine un homme sur deux (48%).
La parcoprésie : un trouble à ne pas prendre à la légère
Les médecins sont unanimes sur la question : se retenir de déféquer est mauvais autant pour le corps que pour l’esprit. Le docteur Saldmann expliquait dans les colonnes de Libération “qu’il est évident qu’il ne faut pas se retenir, ce n’est pas bon. Il est important d’éliminer régulièrement les selles et les urines pour éviter que les déchets restent en contact avec les muqueuses”. Mentalement, se retenir trop longtemps, et même la simple idée de devoir le faire, peut provoquer du stress. Ce stress à l’idée de devoir « faire caca » dans un endroit peu intime affecte notre qualité de vie puisqu’il peut être à l’origine d’une certaine anxiété sociale. Cette dernière peut, entre autres, avoir des répercussions sur nos capacités à gérer un travail. Dans les cas les plus extrêmes, la simple idée de devoir quitter la maison et ses toilettes confortables peut en terrifier certains.
Lucy Fuller, psychothérapeute et membre du Counselling Directory, essaie de trouver les origines de ce besoin de confort. Elle suggère que cela pourrait être lié à notre processus d'évolution et à notre « besoin de sécurité ». « Aller aux toilettes est un besoin vital, qui dépend de notre instinct animal, c’est quelque chose que nous devons faire et nous devons arrêter tout le reste pour le faire », explique-elle. « Il s'agit donc de se sentir en sécurité et d'avoir l'impression que l'on ne va pas être attaqué de quelque manière que ce soit pour aller aux toilettes ».
Briser le tabou des toilettes
Lisa et Alana Macfarlane, les fondatrices de The Gut Stuff, ont mis en place de nombreux ateliers et groupes de discussion pour tenter de briser l’omerta sur la « pause caca » au bureau. Dans un article, elles expliquent qu’il est « vital pour les employeurs d’aider à briser le tabou des toilettes. Cela va au-delà du fait d’être mal à l’aise. La santé et le bien-être des équipes doivent être au cœur des préoccupations des employeurs pendant la période de retour au présentiel, il en va de leur responsabilité. Et cela implique indiscutablement d’encourager les gens à y aller quand c’est nécessaire. »
Parmi les solutions qu’elles proposent pour se débarrasser de cette peur : la communication. « Parlez-en, tout simplement. Envoyez un sondage dans votre bureau pour commencer une conversation. C’est une évidence mais assurez-vous qu’il y a suffisamment de papier toilette. Et souvenez-vous, tout le monde fait caca. »
Finalement, le tabou autour des toilettes n’est rien de plus qu’une construction sociale de plus à déconstruire et à dédramatiser. Posez-vous la question : est-ce vraiment si terrible si quelqu'un m’entend péter dans la salle de bains, ou entend le “plouf” final ? Et puis finalement, votre voisin est sans doute déjà bien trop occupé à dissimuler son propre caca pour porter attention au bruit que fait le vôtre. Allez, on se détend !