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Le patrouilleur et le chalutier

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Eva M - Unsplash
Écrit par Corentin Mittet-Magnan
Publié le 14 décembre 2020, mis à jour le 15 décembre 2020

La pêche, sujet central des négociations sur le Brexit pour sa dimension symbolique, cristallise les tensions et pousse le Royaume-Uni aux annonces les plus folles.

 

Les négociations sur le Brexit auraient dû se conclure hier soir. Mais, dans l’interminable procédure de divorce entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni, le respect des échéances n’est pas vraiment la norme ! Ce principe s’est vérifié dimanche avec l’annonce commune faite par Boris Johnson et Ursula von der Leyen de la prolongation, cette fois sans date butoir, des négociations en cours. Bien que nous espérons tous être fixés rapidement sur le fonctionnement de la future relation entre le Royaume et l’UE, réjouissons-nous de voir que le no-deal ne demeure pas encore totalement une fatalité.

Difficile de se réjouir en revanche de la tournure que pourraient prendre les mesures de contrôle de la Manche côté britannique. Si la pêche est marginale dans l’économie du pays, moins de 0,1 % du PIB, cent fois moins que le secteur de la finance, elle est hautement symbolique. Elle est d’ailleurs devenue un sujet majeur des négociations. D’abord parce que les communautés de pêcheurs des littoraux anglais ont majoritairement voté en faveur du Brexit. Ensuite parce que 60 % des poissons pêchés dans les eaux britanniques le sont par des bateaux étrangers, français, belges ou néerlandais.

Les défenseurs d’une ligne dure du Brexit réclament donc, dans le cadre des négociations, un remodelage de l’accès aux eaux britanniques, voire une interdiction totale pour les bateaux étrangers. Pour contrôler l’accès à sa Zone Économique Exclusive (ZEE*), Londres serait prêt à déployer la Royal Navy.

En effet, d’après les révélations de la presse britannique, quatre patrouilleurs de la marine seraient déployés dans la Manche dès le 1er janvier en cas de no-deal. Ceux-ci, auraient pour rôle d’empêcher les chalutiers étrangers de pénétrer les eaux territoriales britanniques et pourraient contrôler les cargaisons pour s’assurer qu’ils n’y pêchent pas.

Si Londres est dans son bon droit de contrôler qui pêche quoi dans ses eaux, cette mesure génère bon nombre d’interrogations. D’abord parce que l’annonce est avant tout politique. En effet, d’après des sites spécialisés, la police des pêches fait déjà partie des missions des bâtiments en question. De plus, le nombre réduit de patrouilleurs, quatre seulement, représente vraiment peu en comparaison de la taille de la zone à couvrir.

Ces annonces doivent donc pousser les négociateurs des deux camps à se demander si le sujet marginal économiquement que constitue la pêche mérite véritablement d’aller jusqu’à la formulation de ce genre de menaces, aussi politiques soient-elles, au point même d’entériner un no-deal avec toutes ses conséquences potentiellement désastreuses.

 


* (en droit de la mer, zone dans laquelle un pays exerce ses droits souverains en matière d’exploration et d’usage des ressources)

 

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