Le Premier ministre britannique Boris Johnson a longtemps affiché ouvertement son affection pour le président américain Donald Trump.
« Donald Trump tweet et M. Johnson frétille ». Voici comment le chroniqueur Philip Stephens décrivait la relation entre les deux hommes en 2019, peu avant que l’ancien maire de Londres ne soit élu Premier ministre du Royaume-Uni sur la promesse d’achever enfin l’odyssée du Brexit. La sortie de l’Union Européenne devait d’ailleurs représenter l’opportunité pour les britanniques se rapprocher encore plus de leur voisin outre-atlantique. La relation entre les deux chefs d’états, liés par un amour de la mèche bien coiffée et tant d’autres choses, devait aider le Royaume-Uni à sortir renforcé de leur départ du marché commun. Pourtant, et malgré les affirmations de M. Johnson, la « special relationship » entre le Premier ministre et le Président n'apparaît pas si évidente que ça.
Compliments et concessions
L’idylle entre les deux hommes avait pourtant commencé par son lot de flatteries peu après l’élection de Boris Johnson. Donald Trump avait alors prédit qu’il serait « formidable » au poste de Premier ministre. Il s’était d’ailleurs empresser de promettre un accord commercial « extraordinaire » entre le Royaume-Uni et les États-Unis après le Brexit. Des propos en rupture avec ceux que tenait le Président à l’égard de Theresa May. Il considérait notamment qu’elle avait fait « du très mauvais boulot sur le Brexit ». Il faut dire que Boris Johnson avait commencé à témoigner son amour pour Donald Trump, en lui faisant des concessions, avant même qu’il ne soit nommé Premier ministre. En 2019, alors qu’il était encore ministre des Affaires Étrangères, il avait refusé de défendre l’ambassadeur britannique aux États-Unis, Kim Darroch après la publication de notes très négatives à l’égard du Président. Ce dernier avait été contraint de démissionner.
Mais la question du véritable opinion de l’un envers l’autre se pose. Tout d’abord, les deux partagent un nombre important de positions : conservateurs et adeptes de la rhétorique populiste. Donald Trump appelle d’ailleurs M. Johnson le « Trump britannique ». Mais, une fois l’accord idéologique mis de côté, c’est surtout la recherche de l’intérêt personnel qui semble orienter la nature de leur relation.
Espoir d’un accord
Côté britannique, l’administration Johnson avait placé beaucoup d’espoir dans la signature d’un accord commercial avec les États-Unis. Un basculement vers une relation transatlantique renforcée devait permettre au Royaume-Uni de garder une place importante dans le commerce international après le Brexit mais aussi de garantir une partie des besoins du pays en cas de no-deal. C’est probablement cette perspective qui poussait le Premier ministre à s’aligner le plus souvent possible sur les choix des Américains. Pourtant, ce positionnement aura souvent placé les Britanniques dans un rôle d’équilibriste difficile à maintenir. Le Royaume-Uni a ainsi souvent fait la girouette vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire iranien, obtenu avec l’Allemagne, la France et les États-Unis. Les britanniques ont tour à tour tenté d’empêcher les États-Unis de quitter l’accord, puis été prêts à en trouver un nouveau comme le voulait Donald Trump avant de réaffirmer leur attachement à l’accord initial. L’autorisation délivrée au géant chinois des télécoms Huawei de participer à l’installation du réseau 5G au Royaume-Uni aura aussi refroidi les relations transatlantique et rendu « fou de rage » le Président Trump. L’entreprise chinoise sera finalement écartée quelques mois plus tard.
Le dernier épisode en date illustrant cette relation compliquée est celui de l’élection de Joe Biden. Au mois de septembre, l’annonce du projet de l’Internal Market Bill par les équipes du Premier ministre Johnson avait déjà été à l’origine d’une levée de boucliers chez les Démocrates américains. La Présidente de la Chambre des représentants avait annoncé que le vote de cette loi compromettait la signature d’un accord commercial et Joe Biden, qui n’était alors que candidat, avait bien pris soin de manifester son profond désaccord. L’élection de ce dernier à la présidence des États-Unis fut donc une mauvaise nouvelle pour Boris Johnson, désormais privé d’un allié pro-Brexit. Fort heureusement, le Premier ministre n’a pas suivi son homologue américain dans la contestation des résultats de l’élection présidentielle et a rapidement condamné les violences commises au Capitole la semaine dernière. Copains, mais pas comme cochons.
La relation Trump-Johnson aura donc été avant tout constituée de compliments de façade et dirigée par la recherche d’intérêts personnels, chacun cherchant à tirer le plus de profit possible des positionnements de l’autre. Si l’élection de Joe Biden isole Boris Johnson, elle pourrait être une bonne nouvelle pour les citoyens britanniques. Il est probable que Donald Trump aurait vite mis de côté la « special relationship » dans le cadre de négociations d’un accord commercial pour imposer sans concessions les normes américaines sur le marché britannique. L’abandon de l’Internal Market Bill et la signature d’un accord entre l’UE et le Royaume-Uni ouvre la voie à des discussions plus sereines entre Biden et Johnson sur l’avenir des relations commerciales entre les deux puissances.
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