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Dix-sept ans après, le Bugaled Breizh refait surface à Londres

Bugaled Breizh jugement LondresBugaled Breizh jugement Londres
Sam Maqadam - Unsplash
Écrit par Colin Porhel
Publié le 8 avril 2021, mis à jour le 10 avril 2021

Les circonstances du naufrage du chalutier français dénommé Bugaled Breizh au large des côtes britanniques, qui coûta la vie à cinq marins, restent, encore aujourd’hui, un mystère. La justice anglaise a relancé l’affaire, jeudi 25 mars.

 

Cabossée et profondément évidée. L’épave du Bugaled Breizh, remontée en rade de Brest le 13 juillet 2004, ne ressemble plus en rien à l’endurant bateau de pêche ayant l’habitude d’arpenter les tréfonds de la Manche. Six mois plus tôt, le navire coulait en 37 secondes et prenait la vie de cinq membres de l’équipage avec lui. Les familles des victimes ignorent encore qu’un long parcours judiciaire est sur le point de commencer.

Dès les premiers jours suivant le sinistre, plusieurs pistes émergent. L’hypothèse d’un coulage accidentel est évoquée, tout comme celles d’une collision avec un cargo ou d’une défaillance technique. Tous les navires circulant dans la zone de l’accident au moment des faits sont recensés, avant que les autorités en examinent une cinquantaine. « Très vite, le "cargo-voyou" est identifié, explique Jacques Losay, auteur de l’Enquête Torpillée et membre de l’association SOS Bugaled Breizh. Le ministre des Transports s'empresse d'annoncer qu'une "traque mondiale est organisée". Mais ce coupable idéal, un vraquier philippin, n'est pas rejoint avant d’arriver à son port de destination en Chine. Verdict des experts : pas de trace de collision. Mais cinq mois de perdus ! »

 

Dix-sept ans d’enquête et des versions contradictoires

Des suites de ce premier échec, les enquêteurs abandonnent vite la piste de la collision avec un cargo. Ils se penchent alors sur les nombreux sous-marins présents à proximité du Bugaled Breizh le 15 janvier 2004. Parmi eux, l’Aswex 04 de l’OTAN, le HMS Turbulent, appartenant au Royaume-Uni, ainsi que le Rubis et le Saphir français font l’objet d’une attention particulière de la part des experts. Mais si les deux engins sont rapidement mis hors de cause par les autorités, une enquête de France 3, en collaboration avec le magazine Le Point, relance l’affaire et dévoile une autre piste. En plus du HMS Turbulent, la Royal Navy aurait préparé un exercice militaire près de la zone du naufrage. Les conclusions rendues en 2005 par l’ancien amiral Dominique Salles semblent alors donner raison à la thèse de l’accrochage avec un sous-marin nucléaire d’attaque.

Les recherches et les expertises se poursuivent néanmoins, et en novembre 2006, le Bureau enquêtes et accidents (BEA-mer), subordonné au ministère français de la Mer, estime « qu’il n'y a pas suffisamment de cohérence entre l'hypothèse d'une croche du train de pêche par un sous-marin et les constatations matérielles faites sur le train de pêche ». Un rapport « partial et cousu d’erreurs », selon Jacques Losay. Les familles décident alors de porter plainte contre les autorités pour entrave à la justice. Des accusations réfutées par la ministre de la Défense de l’époque, Michèle Alliot-Marie, qui avait précédemment déclaré à l’Assemblée nationale que l’Etat français faisait tout son possible pour découvrir la vérité.

 

L’Inquest britannique, dernier espoir pour les proches des victimes

Après plus d’une décennie de procédure pénale, émaillée par de nouvelles révélations concernant la présence d’un sous-marin américain, le procureur de la République de Nantes conclut finalement à un non-lieu, une décision confirmée par la Cour de cassation le 21 juin 2016. Un choix regretté par Jacques Losay, qui continue de penser que « la justice française s'est montrée décevante et particulièrement cruelle à l'égard des familles ».

Dans ce contexte, les parties civiles décident, en 2015, de se tourner vers la justice anglaise. Le bateau ayant coulé dans les eaux territoriales britanniques, une nouvelle enquête s’ouvre en 2017. Le 25 mars dernier, la décision de ne pas écarter la thèse de l’implication d’un sous-marin dans le naufrage est prise par la Cour centrale de Londres, qui enjoint le ministère de la Défense britannique à coopérer. Un verdict salué par Jacques Losay, qui affirme que les familles reprennent progressivement espoir. Sous réserve de la situation sanitaire, le procès devrait finalement se tenir à Londres en octobre 2021.

Le réalisateur de The silent killer attend désormais que la justice britannique fasse preuve de transparence sur l’affaire, en raison de la potentielle responsabilité du Royaume-Uni dans le naufrage du chalutier. Avec l’espoir d’enfin clore ce chapitre douloureux de l’histoire de la pêche française.

 

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