Alors que la laïcité constitue un principe fondamental de la République française, inscrit dans l’article premier de sa Constitution, le Royaume-Uni adopte une approche très différente, que Lepetitjournal.com vous décrypte aujourd'hui. Retour sur les rapports complexes entre État et religion de part et d’autre de la Manche...


Alors que l’article premier de la Constitution française érige la laïcité en principe fondamental de la République, le Royaume-Uni adopte une approche bien différente dans sa manière d’articuler le politique et le religieux.
Une divergence frappante, illustrée par le couronnement du roi Charles III, le 6 mai 2023, à l’abbaye de Westminster : une cérémonie sacrée, au cours de laquelle le souverain a été officiellement investi chef de l’Église d’Angleterre par l’archevêque de Canterbury.
Pour y voir plus clair, Lepetitjournal.com vous propose de décrypter les différences majeures entre ces deux modèles et de démêler le vrai du faux.
La laïcité vue des deux côtés de la Manche
Au Royaume-Uni, comme en France, l’Église et l'État sont séparés
Intox.
En France, la séparation de l’Église et de l’État est inscrite dans la loi depuis 1905 : aucune religion n’est reconnue ni financée par l’État, qui garantit à chacun la liberté de culte dans la sphère privée.
Au Royaume-Uni, c’est une toute autre histoire. Si l’Église anglicane ne perçoit pas de subvention directe de l’État, elle reste l’Église “établie” d’Angleterre, un statut hérité de la Réforme initiée par Henri VIII au XVIe siècle. Concrètement, cela signifie que l’Église et l’État ne sont pas juridiquement séparés.
Aujourd’hui encore, le monarque, en l'occurrence Charles III, en est le chef spirituel, le Supreme Governor of the Church of England. Il a d’ailleurs prêté serment de défendre la foi anglicane lors de son couronnement. De surcroît, plusieurs évêques siègent de droit à la Chambre des Lords, la chambre haute du Parlement britannique. Quant aux nominations épiscopales, elles sont validées par le Premier ministre, après consultation de la Couronne. Une imbrication institutionnelle impensable dans le modèle laïque français.
Le Royaume-Uni, une exception européenne en matière de tolérance religieuse
Info.
Si la France applique l’une des législations les plus strictes d’Europe en matière de neutralité religieuse, notamment avec l’interdiction du voile intégral dans l’espace public depuis 2010, le Royaume-Uni fait figure d’exception.
Ici, il n’est pas rare de croiser un policier coiffé d’un turban ou une fonctionnaire arborant un hijab, voire un niqab. Le pays se distingue par sa grande tolérance à l’égard des signes religieux dans l’espace public.
L’Equality Act de 2010 interdit d’ailleurs toute discrimination fondée sur la religion ou les convictions, et garantit aux individus le droit de manifester leur foi, y compris par leur apparence vestimentaire.
Sur le lieu de travail, des restrictions peuvent toutefois être mises en place, à condition qu’elles soient justifiées par des motifs légitimes, comme la sécurité ou l’identité, et qu’elles restent proportionnées.
Les écoles britanniques assument les différentes confessions religieuses
Info.
Contrairement au modèle français, qui impose depuis 2004 l’interdiction des signes religieux dans les établissements publics, le système éducatif britannique laisse une large place à l’expression religieuse.
Les écoles publiques (state schools) peuvent tout à fait s’affirmer comme confessionnelles, (faith schools), c’est-à-dire affiliées à une religion. Dans ces établissements, la prière collective peut être imposée, et les références religieuses pleinement intégrées au programme ou à la vie scolaire.
Le port de signes religieux, voile, turban, croix ou kippa, y est également autorisé. Depuis le Race Relations Act de 1976, renforcé par l’Equality Act de 2010, les établissements scolaires sont tenus de respecter la liberté religieuse. Certaines écoles peuvent même accepter le port du voile intégral, selon leur propre règlement intérieur.
Le mariage religieux est légalement reconnu des deux côtés de la Manche
Intox.
Au Royaume-Uni, un mariage peut être célébré soit civilement, soit religieusement, et être reconnu légalement dans les deux cas, à condition que la cérémonie respecte certaines conditions définies par la loi. Une union célébrée à l’église, à la synagogue, à la mosquée ou dans un temple peut ainsi être pleinement reconnue par l’État, pourvu que le lieu de culte soit enregistré comme autorisé à célébrer des mariages.
En France, seul le mariage civil, célébré à la mairie, a une valeur légale. Toute cérémonie religieuse, si elle a lieu, doit obligatoirement être célébrée après le mariage civil, sous peines de sanctions pénales pour l’officiant.
Pour Français et Britanniques, la justice ne peut être religieuse
Intox.
En France, le monopole de la justice appartient à l’État, aucune autorité religieuse ne peut prendre une décision ayant une valeur juridique.
Au Royaume-Uni, en revanche, des instances religieuses peuvent intervenir dans le règlement de certains litiges, dans un cadre bien défini. Depuis l’Arbitration Act de 1996, il est possible de recourir à l’arbitrage privé pour résoudre des différends civils, notamment familiaux, sans passer par la justice étatique, à condition que les deux parties y consentent.
C’est dans ce contexte que des tribunaux islamiques, tels que le Muslim Arbitration Tribunal ou l’Islamic Sharia Council, ont vu le jour. Ils statuent principalement sur des questions de divorce, d’héritage ou de médiation familiale. Leurs décisions n’ont de force contraignante que si elles respectent la loi britannique et sont validées par une juridiction civile en cas de litige.
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