Vous en avez peut-être des hautes, des basses, des mates, des brillantes et même des vegans, mais connaissez-vous l’histoire des mythiques bottes aux coutures jaunes ? Des usines britanniques aux pieds des stars du punk rock, la Dr. Martens s’est imposée comme une icône au pays des Sex Pistols.
Elle est aux pieds de beaucoup d’étudiants, séduit les plus grands couturiers, et se transmet de génération en génération. La Dr. Martens, fameuse bottine aux lignes inégalables et aux mille déclinaisons, n’en finit pas de séduire depuis sa création dans les années quarante. Plus qu’une simple chaussure, elle est devenue un véritable morceau de l’histoire du Royaume-Uni dont elle a suivi les évolutions sociales, musicales, et artistiques.
Les Dr. Martens, une technologie innovante à coussin à air
Bien qu’on l’associe volontiers au Royaume-Uni, cette marque de chaussures vient en réalité d’Allemagne où elle a été créée dans les années 1940 par Klaus Maertens, médecin dans l’armée allemande lors de la Seconde Guerre mondiale. Fabriquées à partir de pneus, à la main, les premières Dr. Martens ont été inventées à des fins orthopédiques par le docteur allemand qui s’était blessé en skiant. Il crée une technologie révolutionnaire pour l’époque en imaginant une semelle à coussin d’air - d’où le slogan lisible sur la fameuse languette arrière des bottines : Air Wair (léger comme l’air).
Après quelques améliorations, notamment au niveau du confort de la chaussure, Klaus Maertens dépose un brevet pour protéger son invention et s’associe avec son ami ingénieur, Herber Funk. La chaussure rencontre un véritable succès en Allemagne et une usine de production ouvre à Munich en 1952.
De l’Allemagne aux usines britanniques
Celui qui va donner un élan international aux bottes de cuir, c’est l’ingénieur anglais Bill Griggs. Lorsqu’il découvre l’invention du docteur Maertens, il le contacte, et ainsi commence la production des Dr. Martens que nous connaissons aujourd’hui. Le premier modèle est rouge cerise et sort le 1er avril 1960, d’où son nom, la « 1460 ». En pleine période de Guerre froide, Griggs décide d’angliciser le nom pour « Dr. Martens ».
Ces bottes sont d’abord utilisées dans les usines comme bottes de protection car elles ne sont pas encore assez confortables pour le grand public. C’est aussi à cette période qu’elles commencent à porter la couture jaune qui les rend mythiques. Face à son succès grandissant, Bill Griggs décide d'importer les machines de production dans son usine à Cobbs Lane. Celles-ci sont tellement hautes qu’il est contraint de creuser le sol pour les installer.
L'uniforme de la police anglaise dans les années 1970
Les bottes commencent à être utilisées au sein de la classe populaire par les ouvriers, les artisans et les employés du métro londonien. Elles se fraient ensuite un chemin dans les rangs des postiers et des policiers, et intègrent même l’uniforme officiel dans les années 1970. Seul inconvénient, il est alors obligatoire de colorier en noir la couture jaune. Jusque-là, le succès des Dr. Martens se cantonne aux milieux ouvriers et au monde du travail.
Ce n’est que dans les années 1970 qu’elles vont devenir un vrai produit de mode et qu’elles vont commencer à être déclinées en différents modèles. La Dr. Martens basse fait son apparition à cette époque : la « 1461 ».
Une paire à la mode
Dans les années 1970, la mode est aux bottes grâce aux Beatles, et les Dr. Martens ont le vent en poupe. La première célébrité à avoir porté publiquement ces chaussures serait Tony Benn, homme politique engagé dans la défense des droits des travailleurs. Il aurait opté pour les « 1461 » lors des manifestations. En 1966, c'est autour de Pete Townshend, guitariste de The Who d'arborer ses Dr Martens sur scène.
C’est en se répandant parmi les sous-cultures britanniques que la Dr. Martens se fait un nom qui dure jusqu’aujourd’hui. Elle devient un incontournable des Hard Mods, la branche alternative et antisystème des Mods, et intègre la panoplie des skinheads de l’époque. Les membres de ce mouvement commencent à personnaliser leurs chaussures, avec des plaques de métal ou des pics. Elles deviennent alors un véritable symbole de rébellion, surtout après l’interdiction de ces customisations, considérées comme « offensive weapons » (armes offensives) par la police britannique. Finalement, l'image des bottes se dégrade en même temps que le mouvement skinhead embrasse une idéologie raciste et fasciste.
Jusqu’ici portées exclusivement par des hommes, les Dr. Martens vont également devenir un symbole de la femme non-conforme, qui rompt les codes de la féminité. Elles prennent ainsi part au combat pour la libération de la femme dans les années 1980.
Les Dr. Martens et la musique
Les mythiques bottes entretiennent une étroite relation avec les mouvements contestataires qui passe, pour beaucoup, par les différents courants musicaux qui traversent les années 1980-1990. Les Dr. Martens sont tour à tour associées au Punk à l’époque des Sex Pistols, au Two-tone avec le groupe Madness, au Goth ou encore au Grunge avec Nirvana. La vente de Dr. Martens explose tellement au cours de cette période, dépassant les frontières, qu’une première usine est construite dans le Sud de la France, à Draguignan, en 1998.
Un tournant “green” dans les années 2000
Dans les années 2000, les Dr. Martens arrivent à la fin de leur apogée. L’hégémonie du mouvement sportswear dans le monde de la mode signe la fin de l’ascension de la marque germano-britannique. Pour continuer à produire, les usines sont alors obligées de se délocaliser en Asie. Mais comme à chaque époque depuis le milieu du siècle dernier, la Dr. Martens trouve le moyen de se réinventer pour toucher un nouveau public, plus jeune et soucieux de l’environnement.
La marque devient plus écoresponsable, et une gamme 100% vegan fait son apparition en 2008. Deux ans plus tard, les collaborations se multiplient avec les grands créateurs de mode : Yohji Yamamoto, Raf Simons, Jean-Paul Gaultier ou plus récemment Rick Owens apportent une touche de neuf à la chaussure septuagénaire.