Le droit des personnes transgenres au Royaume-Uni est un sujet qui ne cesse d’évoluer. D’un côté, on note des progrès nets avec l’adoption de la loi sur la reconnaissance de genre (GRA) en 2004, et de l’autre, certaines décisions comme celle de la NHS qui définit le sexe comme un fait biologique, font régresser le pays.
Depuis des décennies, le Royaume-Uni progresse puis régresse dans l’acceptation des personnes transgenres au sein de sa société. Malgré la présence de plusieurs lois en faveur de cette communauté, le débat reste encore très actif en 2024. J.K. Rowling, l'auteure écossaise connue internationalement pour avoir imaginé la saga Harry Potter, a notamment divulgué plusieurs propos transphobes dans les médias.
L’histoire de la relation entre le Royaume-Uni et la communauté transgenre
Il n'y a pas de documentation claire sur les expériences des personnes transgenres au Royaume-Uni avant le XXe siècle. Les historiens pensent que les personnes transgenres étaient souvent marginalisées et victimes de discrimination. Certaines lois criminalisaient notamment les comportements considérés comme transgenres, comme le port de vêtements associés au sexe opposé.
Le début du XXe siècle a vu l'émergence des premières organisations de défense des droits des transgenres au Royaume-Uni. En 1951, le travestissement a été dépénalisé, mais la discrimination à l'égard des personnes transgenres restait répandue.
Dans les années 1960 et 1970, les premières cliniques de genre ont ouvert leurs portes au Royaume-Uni, offrant des services tels que l'hormonothérapie et la chirurgie de réassignation sexuelle. En 1982, le changement de nom a été légalisé pour les personnes transgenres. En 2004, la loi sur la reconnaissance de genre a été adoptée, permettant aux personnes transgenres de changer légalement de sexe.
Les lois actuelles concernant les personnes transgenres au Royaume-Uni :
“Aujourd’hui au Royaume-Uni, nous sommes représentés par plusieurs lois. Donc, en matière juridique, la communauté transgenre est à peu près protégée. Aux yeux de la loi, il n’est pas interdit d’être transgenre”, explique Mikael, un homme transgenre de 36 ans ayant accepté de témoigner pour nous.
Voici les différentes lois en faveur de l’acceptation et de la protection des personnes transgenres au Royaume-Uni :
La loi sur la reconnaissance de genre de 2004. C'est la loi principale qui régit la reconnaissance de genre au Royaume-Uni. Elle permet aux personnes transgenres de modifier légalement leur sexe en obtenant un certificat de reconnaissance de genre (GRC). Pour obtenir un GRC, il faut répondre à des critères stricts, notamment :
- Avoir vécu dans le genre acquis pendant au moins deux ans.
- Obtenir deux diagnostics médicaux de dysphorie de genre.
- Démontrer l'intention de vivre en permanence dans le genre acquis.
La procédure de demande d'un GRC est souvent longue et complexe, et elle a fait l'objet de critiques pour son caractère médicalisé.
La loi sur l'égalité de 2010. Elle interdit la discrimination fondée sur l'identité de genre dans les domaines de l'emploi, de l'éducation et de la fourniture de biens et de services. “Cette loi a été un réel progrès pour nous, puisqu’elle punit les insultes ou comportements transphobes au travail. Ça a été un réel soulagement pour la communauté transgenre”, se réjouit Mikael.
La loi sur les soins et l'assistance de 2014. Cette loi exige que les services de santé et d'assistance sociale tiennent compte des besoins spécifiques des personnes transgenres. Cependant, en mai 2024, le National Health Service (NHS) a fait un pas en arrière concernant cette loi. Le service de santé britannique reconnaît le sexe comme un fait biologique. Désormais, les femmes transgenres ne peuvent plus accéder aux espaces réservés aux femmes dans les hôpitaux publics.
La loi sur la réforme du mariage de 2013. Cette loi permet aux couples transgenres de se marier.
Les défis et les controverses des personnes transgenres au Royaume-Uni
Malgré ces progrès, les personnes transgenres au Royaume-Uni continuent de faire face à des défis juridiques et sociaux. Le processus de demande d'un GRC est souvent critiqué pour être trop long et trop complexe. La discrimination fondée sur l'identité de genre reste un problème, et les personnes transgenres sont plus susceptibles d'être victimes de crimes de haine. En 2021 2022, il y a eu 2 337 crimes de haine transphobes signalés à la police nationale du Royaume-Uni, une augmentation de 21% par rapport à l'année précédente.
Il existe également un débat en cours sur la question de l'autodétermination de genre, avec certains qui soutiennent que les personnes transgenres devraient pouvoir modifier leur sexe légalement sans avoir à passer par un processus médicalisé.
Certaines lois britanniques décrédibilisent encore la communauté transgenre :
L’interdiction des chirurgies d'affirmation de genre pour les mineurs. En 2020, la Haute Cour a statué que les mineurs ne pouvaient pas consentir à une chirurgie d'affirmation de genre, ce qui a entraîné une longue et coûteuse bataille juridique pour une adolescente transgenre.
L’exclusion des personnes transgenres des refuges pour femmes. Certaines femmes cisgenres s'opposent à la présence de femmes transgenres dans les refuges pour femmes, ce qui a conduit à l'exclusion de certaines personnes transgenres de ces espaces essentiels.
Les critères d'obtention d'une reconnaissance de genre. Les conditions pour obtenir un GRC, telles que la nécessité de vivre dans le genre acquis pendant au moins deux ans et d'obtenir deux diagnostics médicaux de dysphorie de genre, sont considérées par certains comme discriminatoires.
Le manque de reconnaissance des personnes non-binaires. La loi ne reconnaît pas les identités de genre non-binaires, ce qui laisse de nombreuses personnes transgenres en dehors de sa protection.
Le manque de poursuites. Un grand nombre de crimes de haine transphobes ne font pas l'objet de poursuites, ce qui laisse les victimes sans justice et renforce le sentiment d'impunité des agresseurs.
Malgré ces défis, la communauté transgenre au Royaume-Uni est dynamique et résiliente. De nombreuses organisations et groupes de soutien existent pour offrir aux personnes transgenres un espace de connexion et d'affirmation : TransEDU, Consortium, Stonewall, et beaucoup d’autres que vous pouvez trouver facilement sur internet.
“J’entends souvent dire que la communauté transgenre en demande trop d’un coup au gouvernement britannique, qu’il faut aussi que l’on s’adapte à la société. Je suis conscient que toutes les lois en faveur de la reconnaissance et de la protection de la communauté transgenre au Royaume-Uni sont déjà une grande victoire. Mais ça n’est pas pour cela que l’on doit se contenter du minimum. Trop de personnes sont encore discriminées, ou même agressées pour ce qu’elles sont. En 2024, ça n’est pas normal. Nous ne devrions pas nous battre pour seulement exister tels que nous sommes. Mais puisqu’il faut le faire, nous le faisons. Et je suis fier de ma communauté pour ça”, s’émeut Mikael.