Édition internationale

"À la BBC la pluralité de la rédaction fait la pluralité de l'information"

Pierre-Antoine Denis, 29 ans, est une voix familière des ondes londoniennes. Parti de Nice après son bac, il s'est construit une vie à Londres, au cœur de la BBC, où il est producer, l’équivalent d’un chef d’édition en France. Douze ans d'expatriation, jalonnés de défis, de découvertes et d'une profonde transformation, qui l'ont ancré au Royaume-Uni sans jamais rompre le lien avec sa France natale.

Pierre-Antoine DenisPierre-Antoine Denis
Pierre-Antoine Denis est journaliste à la BBC depuis 7 ans, son parcours est représentatif d'une expatriation réussie
Écrit par Morat Alizée
Publié le 10 juin 2025, mis à jour le 11 juin 2025

À 29 ans, Pierre-Antoine Denis a bâti sa vie à Londres. Douze ans après avoir quitté Nice, juste après son bac, il est devenu une figure incontournable de la BBC, où il officie comme producteur et reporter. Son parcours, un mélange d'audace et de pragmatisme, l'a mené de l'université de Westminster à City University, puis à des rédactions de renom comme l'AFP et Perform Media Group, avant de poser ses valises à la BBC en 2018. “J’ai d’abord travaillé au service francophone axé sur l’Afrique et c’est ce qui m’a permis de rejoindre la chaîne d’information en continu”, c’est dans ce cadre que son expertise sur l'actualité française est particulièrement prisée. C'est en plateau ou à travers des reportages qu'il décrypte la politique d'Emmanuel Macron, tant la relation franco-britannique fascine outre-Manche.

 

“Ça y est, t'es en train de devenir vraiment anglais"

 

L'appel de Londres résonne pour Pierre-Antoine dès 2013. Tout juste le bac en poche, sa priorité : maîtriser l'anglais "à fond". Le choix de la capitale britannique s'impose. Proximité avec la France, système universitaire britannique qui offre une immersion anglophone sans les coûts exorbitants des États-Unis. Il intégrera l'université de Westminster, puis la prestigieuse City University pour son master. La ville l'enchante instantanément : " J'ai kiffé, et à aucun moment je n’avais envie de rentrer en France."

"À partir de la deuxième année ici, c'était vraiment comme si j'avais toujours été là."

Les six premiers mois sont ardus, mais l'accueil bienveillant des professeurs, qui valorisent sa "recherche et sa pensée" malgré un anglais encore hésitant, facilite l'adaptation. "À partir de la deuxième année, c'était vraiment comme si j'avais toujours été là," se souvient-il. C'est à cette période qu'il tisse un réseau d'amis, mêlant Français et anglophones, conscient de la nécessité de ne pas se replier pour une intégration pleine. Ce "choc culturel" est une révélation. L'université, remplie d'étudiants "des quatre coins du monde", parfois "de pays en guerre", élargit sa vision notamment lors d’un débat sur la guerre post-11 septembre avec un Américain et un Irakien dans sa classe.

La barrière de la langue cède le jour où il parvient à faire rire un ami anglais : "Ça y est, t'es en train de devenir vraiment anglais." Si un léger accent français persiste, il en joue, conscient que c'est parfois un atout pour décrypter la France à la BBC, même s'il prendra, plus tard, des cours avec des collègues de la chaîne britannique pour "rendre mon accent moins prononcé" et ne pas être cantonné aux sujets français.

Pierre-Antoine Denis
Pierre-Antoine Denis a eu l'immense privilège d'interviewer Bill Gates lors d'une interview exclusive à l'occasion de la COP26 à Glasgow

Dans les coulisses de la BBC : l'exigence à l'anglaise

Après l'AFP et Perform Media Group, Pierre-Antoine pose ses valises à la BBC en 2018. Son quotidien démarre à 7h, plongé dans la presse britannique et les matinales de la BBC. Les conférences de rédaction suivent, axées sur la réactivité à l'actualité, la couverture des événements en direct, et l'anticipation. En régie, il est "dans l'oreille" de la présentatrice, il la guide à travers les trois heures de direct, entre invités, programmes et événements. 

La culture du travail à la BBC, il l'apprécie pour sa "fausse politesse" et sa bureaucratie, mais surtout pour sa propension à "laisser sa chance" si la personne "vaut le coup", loin de l'élitisme du diplôme français. Il souligne la valeur de la diversité au sein des équipes : "La pluralité de la rédaction fait la pluralité de l'information". Chaque nationalité apporte un éclairage unique.

"Nous avons un pays magnifique, riche, riche en paysages. Nous avons une diversité exceptionnelle"

Pierre-Antoine Denis

Un attachement renouvelé à la France

Douze ans passés à Londres, soit "presque la moitié de ma vie", l'ont conduit à obtenir la nationalité britannique l'année dernière, un "moment important" qui officialise son appartenance. Il se sent "londonien" et "britannique", même si cela lui fait "bizarre de le dire". Il a adopté le thé et la culture du pub. Son réseau professionnel et amical, forgé notamment à City University, est "extrêmement fort", avec des amis et collègues à Sky, ITV, Channel 4 ou France 24.

Paradoxalement, la distance a ravivé son amour pour la France. Il la redécouvre "en touriste". “Nous avons un pays magnifique, riche, riche en paysages. Nous avons une diversité exceptionnelle” dit-il émerveillé. Ce qui lui manque ? La "fierté" d'être français sans être rattaché à des clivages politiques, et l'art de vivre à la française : le fromage, le petit café du coin. Il rentre en France "une fois tous les mois, une fois tous les deux mois". Londres est sa "maison", et un retour définitif n'est pas d'actualité. Son conseil aux aspirants expatriés est une invitation à l'audace : "tentez et allez voir ce qui est faisable", car selon lui "quitter sa zone de confort et s'immerger totalement dans un autre pays est essentiel pour grandir d'un point de vue humain."

 

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