La revue médicale « the Lancet » a publié une lettre provenant de 122 médecins et experts scientifiques, sommant Boris Johnson de ne pas donner suite à sa stratégie de vie avec le Covid.
Plus de 4 000 personnes en ligne l’ont signée, parmi elles des membres du SAGE (le comité scientifique mandaté par le gouvernement), des infirmiers, docteurs et autres professionnels.
Pour la première fois depuis janvier, ce mercredi, le Royaume-Uni a enregistré plus de 30 000 cas positifs en une journée. Ce nombre devrait bientôt se rapprocher progressivement du palier des 100 000 contaminations quotidiennes, une estimation donnée par l’exécutif lui-même. Or, le Freedom Day au 19 juillet devrait être formellement confirmé lundi prochain, en dépit de ces chiffres en nette augmentation.
« Une décision illogique et immorale »
Les Tories sont en pleine déroute politique en raison de ce choix de maintien du Freedom Day, et doivent désormais affronter une opposition scientifique organisée qui conteste ce pari fou dans cette lettre ouverte. Les mots ne sont pas choisis au hasard et témoignent bien de l’avis de la communauté scientifique sur les décisions surprenantes de Boris Johnson : ce déconfinement quasi-total est qualifié successivement « d’illogique » et « immoral », et targué de constituer « une expérimentation dangereuse ».
Au-delà de la simple perception mathématicienne d’un virus se propageant exponentiellement, beaucoup de considérations éthiques ponctuent le document. Les rédacteurs expliquent ainsi que, quand bien même la vaccination se poursuivrait efficacement, laisser le coronavirus se propager de la sorte impacterait bien plus « les communautés démunies » du fait de leur vulnérabilité face au covid et à ses effets. Un « creusement des inégalités » en découlera inévitablement, estiment les auteurs.
La pression sur le NHS représenterait par ailleurs une conséquence directe de cette décision. Aussi, la reprise de la vie normale impacterait bien plus les jeunes, pas encore éligibles aux injections, alors qu’ils ont déjà « grandement souffert », estiment les scientifiques. Au total, sans prendre en compte les 20% de personnes bénéficiant potentiellement d’une immunité naturelle et les vaccinés du Royaume, il resterait « plus de 17 millions de personnes sans protection contre le Covid-19 », lequel est rendu plus transmissible encore depuis l’apparition sur le territoire du variant delta. Ainsi, le gouvernement est accusé dans cette lettre de ne pas prendre en compte les séquelles sur le long-terme, le « Covid long », et toutes les conséquences psychologiques, somatiques mais aussi économiques qu’il induit.
« Un terrain fertile pour l’émergence de nouveaux variants résistants aux vaccins »
Les experts à l’origine de cette lettre expliquent par ailleurs qu’en propageant volontairement le virus de la sorte dans des espaces publics attirant les foules comme les boîtes de nuit, le gouvernement offre un terrain de choix pour que le Covid s’adapte et crée de nouvelles souches. Ces dernières devraient logiquement résister de mieux en mieux à la vaccination, laquelle devra donc sans cesse être réadaptée et remodulée ce qui « nécessite du temps et des ressources ». En attendant, les personnes ayant reçu leurs deux doses redeviendraient vulnérables elles-aussi. Un tel impact en termes de fragilité ne concernerait pas que l’archipel, mais aussi les autres pays plus pauvres pour lesquels l’accès à de nouvelles doses des sérums est plus compliqué.
Le risque d’un confinement automnal épinglé
Les signataires expliquent enfin ne pas comprendre un tel choix puisque la vaccination offre les mêmes perspectives d’immunité tant recherchée par l’exécutif, sans pour autant que la population n'encoure les mêmes risques qu’avec un relâchement précoce.
Ils appellent donc le gouvernement à se rendre à l’évidence, démontrée maintes fois par nombre d’autorités scientifiques, et à décaler le Freedom Day. Une telle prise de conscience passerait également par le retour à l’obligation du port du masque et par une grande campagne de test, suivi et accompagnement à la quarantaine afin de protéger au mieux le pays.
Autrement, les effets de ces mesures conduiront peut-être, anticipe la lettre, à un retour des restrictions à peine levées dès cet automne, voire à des confinements à répétition.