De nombreux créateurs ont fait le choix, pour leur collection printemps-été 2022, de faire l’apologie des jeans taille basse. Et même si certaines célébrités ont adopté récemment ces véritables reliques des années 2000, ne cédez pas à la tentation !
Certains devoirs s’imposent aux journalistes, comme celui de prévenir son lectorat à l’aube d’un danger. Cette nécessité d’intervention est valable pour le domaine de la mode, et il était de mon ressort de parler de la dernière initiative des créateurs en vogue. Les collections printemps-été 2022 de ces derniers ont marqué le retour en fanfare de la taille basse, à travers des pantalons larges et des mini-jupes. Pourquoi ne devrions-nous surtout pas céder à la tentation de renouer avec ces sombres souvenirs des années 2000 ?
Créateurs de haute couture et taille basse : divine idylle
Quel est le point commun entre Isabel Marant, Miu Miu et Blumarine concernant leur collection printemps-été 2022 ? La proéminence de la taille basse sous toutes ses formes. Aux récentes fashion weeks de Paris et Milan, les créateurs se sont aventurés, en respectant leur ligne artistique reconnaissable, à un exercice plongeant les amateurs de mode dans un retour vers le passé. Sur les podiums, l’inspiration des années 2000 est palpable : on pourrait presque entendre les Spice Girls se déchaîner sur Wannabe lorsqu’on aperçoit les créations. Peut-être que certains s’en réjouissent, mais mon sang s’est glacé à la vue de ces véritables reliques d’une époque qu’on apprécie surtout lorsqu’elle est évoquée au passé. Les années à venir seront éventuellement peuplées de cheveux gaufrés, de mitaines en résilles et de crayon à lèvre brun. Une partie de moi espère être présente pour assister au spectacle ; une autre se demande si ce genre de risque est bon à prendre.
Le jean taille basse, icône d’une décennie
Les années 80 ont le fluo, les années 90 ont le denim, et les années 2000 sont caractérisée par… Le jean taille basse. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, le recyclage des modes fait partie des codes de cette grande industrie ; après tout Yves Saint-Laurent le disait : « les modes passent, le style est éternel ». Simplement, à mon sens, la taille basse ne s’apparente pas au style, elle ne peut donc pas se targuer de naviguer à travers les âges. Voir Victoria Beckham, Paris Hilton ou encore Lindsay Lohan arborer fièrement leur jean taille basse alors que l’humanité fêtait son entrée dans un nouveau millénaire est plaisant ; mais force est de constater que ces dernières ont compris la leçon. Ce n’est toutefois, à mon plus grand damne, le cas de la nouvelle génération de personnalités influentes. Ces dernières mettent en péril le sens du goût de nous autres mortels ; je vous avertis donc : ne tombez pas dans ce piège !
Une crainte justifiée du retour de la taille basse
La question vous brûle les lèvres, et c’est légitime : pourquoi tant de haine envers cet accoutrement ? Évidemment, lorsqu’on le voit porté par les célébrités les plus en vogue à l’image de Bella Hadid ou Emily Ratajkowski, il fait saliver. Je vous comprends, c’est aussi mon cas. Mais le mirage se dissipe rapidement lorsqu’on quitte le prisme des corps refaits et entretenus minutieusement de ces femmes dont le style et l’image sont le gagne-pain. Nous pourrions toutes et tous porter un jean taille basse, si ce dernier était précisément conçu pour nous mettre en valeur, épousant nos courbes étudiées pour le rendre désirable. Mais bien qu’il suscite votre attirance, ne vous laissez pas charmer. Contrairement à divers magazines de mode, je n’essayerai pas de vous donner quelques vains conseils pour porter au mieux cette relique d’une époque déchue : je ne veux pas vous inciter à tenter l’expérience.
Peut-être que dans un monde utopique où les agressions sexuelles et la sexualisation de la femme n’existent pas, la perspective de voir le détour d’un string surplombant un jean taille basse ne serait pas dérangeante. Tous les jours, je rêve d’un tel monde, et malgré cela je n’ai personnellement aucune envie de voir vos sous-vêtements, aussi jolis soient-ils (et malheureusement, ce n’est pas toujours le cas). La prolifération de la taille basse dans une décennie aussi compliquée que la nôtre apparaît comme un exercice délicat : entre le fat shaming minant la société et le caractère impitoyable de l’industrie de la mode, difficile pour cet accessoire de se frayer un chemin. Sans parler de la complexité du body positivisme, dont les conceptions divergentes déchaînent les réseaux sociaux. Le retour du jean taille basse fait face à un dernier obstacle : ce dernier représente un pari risqué qui devrait être cantonné à une élite à laquelle seule il sied. Gommant les formes et exposant au grand jour le moindre surplus de peau, il est difficile à assumer.
J’insisterais toutefois sur un point important : la libéralisation de notre société a l’avantage de pousser chacun d’entre nous à se réinventer physiquement pour se réapproprier son apparence. Libre à vous de porter ces reliques si elles vous plaisent : je vous les laisse volontiers. Je serais enchantée de contempler votre sourire ravi, cela me permettra de détourner le regard de la partie inférieure de votre accoutrement.
Tik Tok, initiateur de normes vestimentaires
Il semble qu’une application en particulier soit à blâmer pour cette initiative : Tik Tok ; certains d’entre vous auront les poils dressés rien qu’à l’énonciation de ce nom. La génération Z, représentant les plus jeunes d’entre nous, prend plaisir à se réapproprier les codes vestimentaires de ses aînés. Par la même occasion, ces adolescents se moquent ouvertement de la réticence des millenials à ressortir ces reliques de leurs placards.
Les jeunes influenceurs de l’application chinoise semblent désormais initier les diktats de la mode. Devenant les nouveaux Miranda Priestly, ils aspirent à aller à contre-courant des modes généralisées et des codes mainstream de notre société. Une volonté légèrement risible lorsqu’on pense au média sur lequel ils diffusent ces nouvelles normes : symbole paroxystique de la mondialisation et du capitalisme, dans une société de la surconsommation typique du XIXe siècle.