Un vent de panique semble s’installer chez les automobilistes britanniques qui font des réserves de carburant malgré l’appel au calme du gouvernement. Depuis la semaine dernière, plusieurs stations-service ont fermé faute de carburant disponible. Celles qui sont encore ouvertes font face à de longues files d'attente.
La crise de l’approvisionnement, qui touchait jusqu’ici le secteur alimentaire et celui des jouets, semble peu à peu s’étendre au carburant. Avec l’arrivée de Noël, les industriels du secteur s’inquiètent de ne pas pouvoir approvisionner à temps les grandes surfaces et leurs stations essence. Plusieurs entreprises ont déjà averti le gouvernement qu’une livraison sur cinq ne parviendrait pas à temps, voire même pas du tout, aux grandes chaînes de supermarchés.
Quelques stations essence ont fermé
Jeudi, le géant des hydrocarbures BP a indiqué dans un communiqué qu’il allait devoir rationner les livraisons dans les stations services du pays. En cause, la pénurie de chauffeurs routiers qui n’aurait de cesse de s’aggraver depuis la mise en place du Brexit. La compagnie pétrolière britannique a déclaré jeudi 23 septembre qu’« un petit nombre » de ses stations essence au Royaume-Uni avaient « fermé temporairement à cause de pénuries de carburant sans plomb et diesel ». Selon le groupe, ces problèmes d’approvisionnement sont causés par « des retards de livraison à cause des manques de chauffeurs de camions à travers le Royaume-Uni ». ExxonMobil, entreprise concurrente, a pareillement fait part de difficultés.
Seulement, ces fermetures n’affectent pour l’instant qu’un petit nombre de stations, la pénurie résulte donc de l’affolement des automobilistes faisant des réserves par peur de manquer de carburant.
Le Brexit, la pandémie et le manque de chauffeurs routiers à l’origine de la crise
Le Royaume-Uni est touché depuis plusieurs années par un manque de chauffeurs routiers, mais cette crise s’est aggravée avec le Brexit et la crise sanitaire. La main-d'œuvre étrangère est rentrée chez elle lors des confinements et ne peut maintenant plus revenir à cause des nouvelles règles en vigueur pour obtenir un visa. En effet, avec la sortie effective du Royaume-Uni de la zone euro, le 1er janvier dernier, il est désormais interdit à un Européen d’aller travailler outre-Manche sans permis de travail. Selon la Fédération des Transporteurs, il manquerait 100 000 chauffeurs routiers au Royaume-Uni. Cette pénurie semble difficile à contenir pour le gouvernement qui vient d’accorder jusqu’à 10 500 permis de travail provisoires, revenant de fait sur ses engagements du Brexit.
Pour Marco Digioia, le président de l’Association européenne des transporteurs routiers, qui représente plus de 200 000 entreprises en Europe, le problème doit être traité à la racine. Les centres de formations pour les nouveaux chauffeurs sont restés fermés des mois et le travail routier n'est pas assez valorisé dans le Royaume. Il a précisé que les salaires des chauffeurs européens étaient généralement plus élevés qu'en Grande-Bretagne, que les nouvelles règles de l’Union Européenne avaient amélioré les conditions de travail des routiers et que des milliards d'euros avaient été offerts pour financer les aires de stationnement utilisées par les chauffeurs.
Le gouvernement mis en faute tente de rassurer
Face aux craintes des automobilistes, le ministre des Transports Grant Shapps s’est exprimé vendredi. Il a tenté de rassurer la population en assurant qu’il n’y avait « pas de pénurie de carburant au Royaume-Uni » et a appelé les gens à « acheter du carburant normalement ». Il a demandé aux automobilistes « d’agir comme d’habitude » et à ne pas procéder à des achats massifs sous l'effet de la panique, susceptibles d'aggraver la situation.
Malgré son ton qui se veut rassurant, deux tiers (67 %) des électeurs estiment que le gouvernement a mal géré la crise, selon un sondage recueilli par l’agence Opinium pour The Observer. Une majorité d'électeurs conservateurs (59%) pense également que le gouvernement a mal réagi. La majorité des sondés (68%) a déclaré que le Brexit était en partie à blâmer, y compris 88% des électeurs Remain et 52% des électeurs Leave.