Londres a entamé hier la première phase de négociations avec Washington concernant les accords commerciaux entre les deux pays post-Brexit, en parallèle des discussions avec Bruxelles.
Le gouvernement Johnson a du pain sur la planche : outre la gestion de la crise sanitaire actuelle, le cabinet doit gérer en parallèle les négociations de Bruxelles et Washington. Une période clef pour l’Etat britannique, qui voit en son homologue américain un partenaire commercial de choix. La première phase des discussions a commencé hier, et Londres a d’ores et déjà démontré la fermeté de ses positions : les britanniques entendent bien conserver certains standards, en particulier sur le plan agroalimentaire.
Le Premier Ministre Boris Johnson accorde une importance toute particulière à ces négociations avec les Etats-Unis. C’était l’un des arguments phare des pro-Brexit, ces nouveaux accords commerciaux doivent permettre au Royaume-Uni de trouver un deal plus avantageux. Mais qu’en est-il réellement, et les USA peuvent-ils se substituer à l’Union Européenne en tant que partenaire commercial numéro un ?
Un accord de libre échange ambitieux et essentiel
Comme le dit Liz Truss, la secrétaire au Commerce International chargée des négociations pour le Royaume-Uni, ces négociations sont essentielles pour l’économie du pays : « Les Etats-Unis sont notre plus grand partenaire d’échange, et augmenter encore nos échanges outre-Atlantique peut aider notre économie à absorber les dégâts causés par l’épidémie de coronavirus ».
Le but est donc clairement affiché, faciliter autant que possible les échanges avec les Etats-Unis. Les inquiétudes de l’opposition sont nombreuses, notamment sur les concessions que devrait faire Londres, par exemple sur le NHS ou les normes environnementales. Dans le mandat publié début mars par le gouvernement, celui-ci assène pourtant que « Le NHS ne sera pas sur la table. Le prix auquel il paye ses médicaments ne sera pas sur la table. Les services qu’il fournit ne seront pas sur la table ». Et il en va de même pour la nourriture : les standards actuels seront conservés. On ne devrait donc pas voir une invasion de produits génétiquement modifiés ou bourrés d’antibiotiques et d’hormones en tout genre sur le marché du coin suite à ces négociations.
Le Royaume-Uni espère bénéficier de ces accords pour augmenter ses exportations sur le continent américain. Comme le dit Boris Johnson lui-même : « En échangeant des saumons fumés d’Ecosse contre des chapeaux Stetson, nous baisserons les prix et il y aura plus de choix pour les consommateurs ». En somme, ces accords commerciaux sont vendus par le gouvernement comme la solution qui permettra à l’économie britannique de prospérer. Une poule aux œufs d’or, ou plutôt une dinde en l’occurrence qui ne peut toutefois pas compenser la sortie de l’Union.
L’Union Européenne : un manque à gagner trop grand pour le Royaume-Uni
Si les négociations de Washington sont d’une très grande importance pour le Royaume-Uni, en s’intéressant aux chiffres on se rend compte que c’est en réalité l’arbre qui cache la forêt. Les échanges avec les Etats-Unis atteignent aujourd’hui 221 milliards de livres chaque année. Avec les nouveaux accords, Boris Johnson espère augmenter ces échanges de plus de 15,8 milliards par an, soit une augmentation du Produit Intérieur Brut du Royaume-Uni de de 0.16% d’ici à 2025. C’est clairement trop peu pour compenser avec la sortie de l’Union Européenne, qui devrait coûter 4.9% du PIB britannique selon une estimation du gouvernement May.
Enfin, si Liz Truss fait des Etats-Unis le partenaire d’échanges principal du Royaume-Uni, si l’on s’intéresse aux exports britanniques ce n’est pas vraiment le cas. Ainsi, c’est près de 48.8% des exportations britanniques qui sont dirigées vers l’Union Européenne, contre seulement 18.6% pour les Etats-Unis. De quoi faire relativiser l’importance des négociations de Washington, et au contraire renforcer l’attention menée en parallèle à Bruxelles.
Alors, pourquoi ces négociations sont-elles si importantes aux yeux du gouvernement ? Si Boris Johnson et ses ministres s’accordent tant à mettre en lumière la négociation de ces accords commerciaux avec Washington, c’est parce que ce serait une vraie victoire pour le gouvernement, le symbole d’un Royaume-Uni émancipé de l’Union. Et surtout les Etats-Unis ne sont que le prélude d’une longue campagne de négociations que va mener le Royaume-Uni avec ses autres partenaires, comme le Japon ou l’Australie. S’il est encore trop tôt pour prévoir l’issue de ces pourparlers et leurs conséquences, le Royaume-Uni travaille activement à la formation de son nouveau paysage commercial.
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