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Je ne voulais pas quitter la France

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Écrit par Alhéna Domela
Publié le 4 juin 2019, mis à jour le 5 juin 2019

Partir ou rester ? L’expatriation n’est pas toujours un choix. Ni un rêve. Une mutation à l’étranger inattendue, un conjoint avec des envies d’ailleurs... Quitter la France n’a jamais été dans vos projets et pourtant, vous faites face à un véritable dilemme.

S’envoler vers une destination pour vivre une nouvelle aventure est une opportunité en or dans l’imaginaire collectif. Pour votre entourage, cela ne fait aucun doute, il faut partir. Voire foncer tête baissée sans réfléchir. Mais dans votre esprit, le doute plane. Peut-être avez-vous envisagé de partir à l’étranger mais quand vous étiez plus jeune ou bien plus tard ou dans d’autres circonstances. Peut-être n’avez-vous jamais voulu quitter votre terre natale, votre famille, vos amis, votre travail ou encore la culture française. Non, c’est une évidence pour vous. Si vous partez, c’est à contrecœur. 

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S’expatrier par amour

Etre muté(e) à l’étranger ou recevoir une offre d’emploi à l’autre bout du monde apparaît comme une opportunité exceptionnelle pour celui ou celle qui souhaite voir évoluer sa carrière. Mais cette nouvelle n’est pas toujours bien acceptée par le conjoint. « Un jour, mon mec m’a demandé de tout quitter pour le suivre au Brésil alors que je venais de trouver un super job. Si son projet avait été plus concret, j’aurais pu y réfléchir mais il y avait trop d’impondérables », raconte Adèle. Carrière, famille, peur de l’inconnu... Tous ne sont pas prêts à abandonner leur quotidien, malgré tout l’amour qu’ils portent à leur conjoint.

La rupture n’est pas pour autant inévitable, même si le couple est sérieusement remis en cause comme l’explique le coach pour expatriés Nicolas Serres-Cousiné : « Une femme de 30 ans m’a appelé, elle vient d’avoir une énorme opportunité de carrière à l’étranger mais son mec ne veut pas la suivre. Cette situation la travaillait, elle ne savait pas quoi faire. Finalement, le couple a décidé de vivre à longue distance, l’un à Toulouse, l’autre à New-York. Je ne suis pas conseiller conjugal mais s’il n’y a pas de sacrifice de la part du partenaire, c’est qu’il y a un souci dans le couple ».  

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30% des suiveurs ont l’impression de se sacrifier selon une étude Humanis, la Caisse des Français de l’Etranger et Expat Communication. Les femmes, qui représentent 90% des suiveurs, ont parfois du mal à exprimer leurs craintes à leurs proches. « On lui rétorquera facilement un ‘‘T’as de la chance…’’ qui mettra fin à son besoin de se confier », précise Corinne Tucoulat, coach. Désemparées face à ce sujet tabou, certaines font le choix de se livrer sur des forums comme Nadia, avocate : « Il m’a récemment dit qu’il allait faire une demande pour s’expatrier au Bahrein. Vous n’imaginez pas comment ça m’a anéanti, je l’ai pris un peu comme une trahison. Je suis tellement triste de me dire qu’il veut qu’on change totalement de vie, je me plais beaucoup dans celle qu’on vit ! […] Je ne veux pas passer pour l’égoïste qui veut bloquer la carrière de son mari mais moi aussi j’en ai une mais il ne semble pas la prendre en compte. Il me dit que ça nous plaira… ».

L’expatriation, sans regrets ?

Même les plus enthousiastes à l’idée de partir à l’étranger peuvent revenir sur leur décision. C’est le cas de Mickaël : lors de son entretien d’embauche, le Français a mis en valeur son envie de travailler à l’international et quelques mois plus tard, on lui propose un emploi aux Etats-Unis. Mais il ne souhaite plus quitter sa vie en France, et encore moins sa compagne. « Il est difficile de refuser un départ à l’étranger lorsqu’on a répété que l’on voulait travailler à l’international », commente Jérôme Lancrenon, associé au cabinet CLP. Quand les personnes n’ont pas d’autres choix que d’accepter leur mutation, l’expatriation est douloureuse. « Quand ils partent malgré eux, ils sont vraiment malheureux. Ils ont beau gagner plus d’argent, être dans un pays intéressant, avoir un poste glamour…Ils se sentent perdus. Ils vont contre leurs valeurs en mettant en avant leur boulot avant leur famille, leur culture… Ils vont généralement jusqu’au bout de leur mission mais ils rentrent en France à cent à l’heure ! », explique Nicolas Serres-Cousiné.

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Malgré de fortes réticences, de nombreux expatriés finissent par s’adapter complètement à leur nouvelle vie. En 2006, Marjorie suit par amour son mari au Canada. Dès son arrivée, elle souffre du mal du pays : « Tous les jours je demandais à mon mari de rentrer en France! On s’engueulait tout le temps! Je lui disais : comment tu peux me dire que tu m’aimes et me voir malheureuse ici et ne pas accepter de rentrer! ». Pourtant, quatre ans plus tard, elle finit par trouver son bonheur dans son pays d’adoption : « J’ai fini par arrêter de me torturer au moment où j’ai compris que ce n’était pas la France qui me manquait mais la culture française! Quand je me suis enfin mélangé à la communauté française et fait des amis, revivre à la française m’a apaisé! Je suis même devenue canadienne! La meilleure dans tout ça : c'est mon mari qui a voulu rentrer en France ».

Deux ans seraient nécessaires pour savoir si une personne est capable de vivre à l’étranger d’après le coach : « Ce sont les deux années les plus dures. Il y a tellement de changements ! On peut s’éclater les six premiers mois et après n’avoir qu’une envie : rentrer en France. L’expatriation, ce n’est pas pour tout le monde ».