Envie irrépressible de retrouver sa famille, ses amis ou de se reconnecter avec la culture française ? Il arrive que le besoin de rentrer en France se fasse de plus en plus impérieux, au risque de bouleverser des plans pré-établis. Et cela n’est pas toujours bien compris des autres expatriés.
« Je n'y croyais pas beaucoup au départ à cet attachement au pays de naissance mais au bout du compte c'est vrai », estime Julie qui, après 5 ans d’expatriation au Québec, a décidé de rentrer en France. Les adeptes de la vie nomade mettent souvent en garde vis-à-vis des difficultés administratives ou professionnelles du retour, sans parler de ce sentiment de décalage avec ses proches, très fréquent. Mais ces obstacles ne sont rien quand une certitude prend corps : « il faut que je rentre en France, chez moi ».
Pas toujours facile d’avouer aux autres expatriés avoir le mal du pays, particulièrement lorsque l’on vit dans un pays qui fait rêver beaucoup de Français. Après les nombreux efforts déployés pour partir et s’intégrer, c'est même un peu un tabou qui peut rendre la prise de décision encore plus difficile : « J'avais l'impression qu'il y avait quelque chose de pas normal chez moi qui voulais rentrer alors que tout le monde autour de moi voulait rester au Québec et ne jamais rentrer en France, explique Julie. Je me sentais bizarre. Mais j'ai bien fini par me rendre compte que ma famille me manquait. J'ai compris que j'avais besoin de retrouver la culture française dans laquelle j'ai grandi, la gastronomie, la musique, les paysages... Mes racines m'appellent et c'est plus fort que la peur de ne pas retrouver d'emploi ».
Même constat pour Paul qui va rentrer d’Australie après 11 ans à l’étranger : « J'ai besoin de retrouver ma famille et de reconnecter avec la culture française et toutes ses diversités qui font de la France un pays riche. C’est mal compris autour de moi car cela va à l’encontre de la ‘positive attitude’ qui prévaut dans ce pays d’immigrants.»
Des efforts pour s'adapter, trop peut-être...
Aurélie voulait vraiment vivre en Ecosse et s'intégrer. « Malheureusement la réalité est bien différente et nous avons vraiment du mal à vivre ici. Nos enfants qui ont grandi en Écosse ne se sentent pas franchement intégrés. Aussi étrange que cela puisse paraître, nous avons l’impression d’être traités comme des citoyens de seconde zone. On a eu plein de problèmes avec le job centre, les organismes gouvernementaux etc. Et cela ne va pas en s'arrangeant malheureusement. Bref, c'est un joli pays pour passer des vacances ou à la rigueur faire des études universitaires, mais on veut rentrer. Et puis le soleil nous manque terriblement. Ça a l'air banal dit comme ça mais la grisaille perpétuelle, ça fout le bourdon ! »
Après des expatriations successives, Agathe coince : « Je n’y arrive plus. J’ai perdu l’excitation de la découverte, la phase de lune de miel des premiers jours, l’envie d’aller vers les gens, la curiosité d’apprendre une nouvelle langue. Comme si mon corps et mon esprit ne pouvaient plus “encaisser” de nouveaux changements culturels trop importants ! »
Partir pour changer de vie, c'est nourrir l'espoir d'une vie meilleure, mais parfois les opportunités professionnelles à l’étranger ne sont pas à la hauteur des espérances. Pas si facile de trouver l’eldorado ! Damien a jeté l’éponge à Singapour après « des problèmes de papiers, qui auraient sans doute pu être réglés mais je n'avais plus le courage (et très peu de temps pour m'en occuper). J'avais passé une année à tout donner professionnellement, sans voir de vraies retombées compte tenu du coût de la vie locale... »
Sophie vit en Angleterre depuis 3 ans et demi avec son petit garçon : « Je ne vais pas très bien depuis un an maintenant, car je suis très isolée. Le travail est dur : je suis prof en lycée, mal payée et précaire. Les baux locatifs sont très précaires aussi, on peut se retrouver à la rue du jour au lendemain… Je sens qu’il va falloir que je choisisse entre continuer ici mais risquer le sacrifice et une estime de moi catastrophique, ou rentrer, et tout recommencer, avec les difficultés que ça comporte mais retrouver des forces, car je connais mon pays et ma langue qui me manque tant. En revanche, mon petit garçon aime beaucoup l’école ici qui est super, positive et de haut niveau. Bref, c’est un casse-tête total et une grande souffrance. »
Retour à ses valeurs
Emma a arrêté son volontariat au Maroc avant la fin de son contrat « car je ne supportais plus la restriction de mes libertés et le harcèlement général. J'ai plusieurs fois hésité à rentrer mais ne franchissais pas le pas car je n'avais pas trouvé d'emploi en France. Quand je me suis rendu compte de mon état psychologique, l'instinct de survie a été plus fort que cette angoisse de précarité. En tant que jeune femme européenne très blonde, la vie n'a pas été simple. Harcèlement sexuel (verbal, tactile), le concierge qui m'interdit de faire rentrer mes amis hommes chez moi et appelle mon patron pour le prévenir, les voisins qui appellent la police car j'ai un colocataire homme français et que nous ne sommes pas mariés... bref je ne me rendais pas compte que j'avais autant de libertés en France... »
Être « à sa place »
Après 7 ans de vie à San Francisco, Isabelle et son fiancé ont décidé de rentrer en France deux jours après le 13 novembre. « Pour être franche, on avait déjà mûri notre réflexion mais c'est vraiment les attentats de Paris qui ont précipité les choses. Un sentiment inexplicable d'être à Paris, avec "tout le monde", toute la France, nos amis et nos familles. C'était un sentiment extrêmement fort. Un besoin aussi de se sentir plus investis dans la vie citoyenne française. Résultat on est rentrés et on est très heureux ! Evidemment le retour n'est pas évident tous les jours, mais on se sent à notre place. »
Camille, formatrice et coach pour expatriés, a la chance d'avoir un métier nomade. Après les terribles évènements de janvier et novembre 2015, elle aussi a éprouvé une urgence absolue à rentrer en France « car j'avais envie de pouvoir m'investir sur le terrain dans la société française ».
Accompagner ceux qui grandissent, ou qui vieillissent…
Le déclic de Camille a été renforcé par l'âge de ses enfants qui entraient au lycée et l'âge avancé de ses beaux parents et de sa mère : « Mon père est décédé lorsque j'étais en expat. Heureusement que j'ai eu la chance d'être là sur sa dernière semaine et de pouvoir faire son accompagnement de fin de vie. Ce genre d'évènements pousse à réfléchir sur le thème de la distance et de l'absence.... » Même constat pour Dominique, qui a dû traverser plusieurs deuils alors qu’elle vivait à Bangkok : « Parallèlement, nos enfants quittaient le nid, on trouvait que cela n’avait plus de sens d’habiter si loin des êtres les plus chers à nos cœurs, alors nous avons pris nos dispositions pour rentrer à Paris. »
Mettre un terme à l’aventure de l’expatriation en restant positif, c’est possible ! L’expérience, même écourtée, reste enrichissante, et permet de mieux se connaître. « Il est temps de commencer un nouveau cycle de vie en France », estime avec enthousiasme Agathe. Et Julie de conclure avec optimisme : « Le principal c'est que je sois auprès des miens et je sais que tout ira bien. Je sais que ça ne va pas être facile mais avec du temps et de la persévérance, quand on veut, on peut. Ne surtout pas lâcher, aller de l'avant. Il en va de notre survie et de notre bonheur, et c'est tout ce qui compte ! »