Kütahya évoque incontestablement une des faïences les plus réputées de Turquie, avec celle d'Iznik. C'est avant tout une ville agréable de plus de 200.000 habitants, perchée à 930 m d'altitude dans un cadre verdoyant, dans la province du même nom, au nord-ouest de la jolie cité d'Afyon.
Jumelée avec la ville hongroise de Pécs - également capitale culturelle européenne en 2010 au même titre qu'Istanbul - Kütahya a obtenu le 24 mars 1993 le diplôme européen délivré par la Commission de l'Environnement, de l'Aménagement du Territoire et des pouvoirs locaux du Conseil de l'Europe pour la propagation de l'idée européenne et les mérites acquis.
Photos NR
Les Phrygiens ont été les premiers habitants de Kütahya, avant que les Perses ne viennent la conquérir. Baptisée entre temps Cotiaeum par les Romains, la ville devint capitale de l'émirat de Germiyan fondé après la fin de l'émirat seldjoukide de Roum au XIIIème siècle.
La céramique, qui fait la réputation de la ville depuis le XVIème siècle, s'affiche partout, de la gare routière, aux murs revêtus de carreaux de faïence, à l'immense fontaine du centre, ornée d'un vase qui illustre bien cet art.
Au passage, un panneau - également en céramique interpelle ! Savez-vous qu'Evliya Çelebi est originaire de Kütahya ? En effet, la famille du plus célèbre voyageur de l'Empire ottoman né en 1611(à Kütahya ou à Istanbul, les informations divergent) est bien d'ici. Il est l'auteur de Seyahatname, un ouvrage en dix volumes qui regroupe toutes ses notes de voyage prises durant plus de 40 ans passés à la découverte des territoires de l'empire.
Citadelle historique
La citadelle, située tout en haut d'une colline, est le monument le plus ancien visible à Kütahya. Elle présente plusieurs particularités, celle d'être construite sur trois niveaux appelés supérieur, moyen et inférieur, et de comporter des tours faites de briques et de pierres de décombres.
L'origine de la forteresse n'est pas bien connue. Les remparts auraient été érigés par les byzantins, plusieurs restaurations et ajouts successifs sont dus aux seldjoukides, aux émirs de Germiyan ainsi qu'aux ottomans.
Selon Evliya Çelebi, la citadelle comportait 72 tours rapprochées les unes des autres. Mais comme il est de notoriété publique que Çelebi possédait un certain sens de l'exagération, rien n'est certain...
En outre, la mosquée située dans la partie inférieure est une des rares structures entièrement réalisée en briques de Kütahya. Dans l'enceinte supérieure, une tour construite en 1973, le Döner Gazino, abrite un restaurant panoramique tournant qui, en 45 mn, permet de jouir d'une vue circulaire sur la ville s'étalant tout autour du château.
Ville de mevlevi
En redescendant dans la vieille ville, le regard se porte sur les nombreuses anciennes constructions flirtant avec de plus récentes de façon plutôt harmonieuse finalement... Un derviche trône sur une place du centre ville et pour cause... Kütahya était également une ville connue pour ses mevlevi.
A gauche de cette statue se trouve en fait l'actuelle Dönenler cami, une mosquée construite au XIVème siècle dont le nom d'origine était Mevlevihane Asitane. Parfait modèle d'architecture en la matière, ce lieu tint des siècles durant le rôle de mevlevihane, lieu de vie et de pratique des derviches, dont il était le premier construit à Kütahya. La semahane, pièce circulaire de toute beauté où les derviches dansaient, est utilisée depuis 1959 pour le culte. A l'arrière de la mosquée, un petit cimetière abrite, au milieu de quelques herbes folles, les tombes de plusieurs derviches. Ergün Çelebi, petit-fils de Mevlâna, est également enterré là.
Il suffit de traverser l'avenue qui borde cette mosquée et de faire quelques pas pour atteindre l'entrée du musée archéologique de la ville.
Tombeau des Amazones
La medrese Vacidiye contiguë à l'Ulu cami - la Grande mosquée - a été construite en 1313 sous le règle d'Umur Bin Savc?, émir de Germiyan. Depuis 1965, elle abrite ce superbe musée.
De nombreuses pièces des époques mycénienne tardive, paléolithique, calcolithique, bronze, hittite, phrygienne, hellénistique, romaine, byzantine, seldjoukide et ottomane se trouvent ainsi exposées dans un décor parfaitement adapté. Une des pièces maîtresses est sans nul doute l'impressionnant sarcophage nommé "tombeau des Amazones" de l'époque romaine, destiné à abriter les restes de Cladius Severinus et de son épouse Bérénice.
Il a été découvert en 1990 dans la nécropole située à l'ouest du site archéologique de Çavdarhisar - Aizanoi, à une soixantaine de kilomètres de Kütahya, où ont été retrouvés d'importants vestiges de la cité antique.
L'un des premiers visiteurs de ce site, qui abrite des ruines parmi les plus remarquablement conservées de l'Asie Mineure, a été le français Alexandre de Laborde, en 1824. Le musée a fait l'objet de deux restaurations, en 1999 et 2006. Suite à la dernière, un nombre important de vestiges découverts à Aizanoi y ont ainsi pris place.
En face de l'Ulu Cami, un superbe bâtiment construit en 1411, sous le règne de l'émir Germiyan Yakup II, abritait notamment un hospice, une école coranique, une bibliothèque, un mausolée et un hamam.
Musée de la faïence
Le Ministère de la Culture et du Tourisme turc, après l'avoir fait restaurer, a transformé les parties occupées auparavant par l'hospice et le mausolée en en un magnifique musée de la faïence - seul musée en Turquie consacré à cet art - qui a ouvert ses portes le 5 mars 1999.
L'esthétique des lieux est superbe. Une fontaine centrale donne sur trois salles disposées en étoile, ainsi que sur deux autres pièces. Les couleurs et les formes, très sobres, sont des plus harmonieuses, un régal pour les yeux !
Derrière les vitrines sont exposées des pièces de céramique dont l'origine s'étale du XIVème siècle à nos jours. Plusieurs créations sont également accrochées aux murs d'un joli salon doté d'une cheminée et d'une grande banquette couverte de kilims. Assiettes aux tons bleus caractéristiques et vases de toutes tailles rivalisent de beauté. Dans une vitrine parmi d'autres se trouve une série d'ustensiles utilisés par les céramistes. Dans une des pièces, Yakup II dort pour l'éternité dans un tombeau revêtu de carreaux de faïence.
Macar Sokak
Une autre richesse, bien moins connue du grand public, concerne ses ressources géologiques. Des extractions minières de toutes sortes sont réalisées dans 132 pays de par le monde. La Turquie est bien placée puisqu'on y trouve 60 sortes de minerais différents. La province de Kütahya représente la plus riche du pays avec 35 d'entre eux. ?engül Hamam?, hamam construit à la fin du XVIème siècle, a été transformé par le maire de la ville en un musée de la géologie, seul de ce type en Turquie et inauguré en 2008.
Une très belle demeure du 18ème siècle située dans Macar Sokak, la rue des Hongrois. Elle abrite à présent le musée Kossuth, du nom de Lajos Kossuth, un des leaders hongrois du mouvement pour l'indépendance de son peuple, qui a habité là avec les siens entre 1850 et 1851.
C'est dans ces pièces qu'il a préparé le projet de la Constitution de son pays. Cette maison traditionnelle de l'époque est devenue depuis un musée ethnographique. Il permet aussi de découvrir certains effets personnels ayant appartenu à son illustre occupant.
Autour de la rue Germiyan, du nom de ce beylicat qui a administré cette région à partir de la fin du XIIIème siècle avant qu'il ne soit annexé en 1429 à l'Empire ottoman, de nombreuses et belles maisons traditionnelles de Kütahya ont été restaurées et certaines ouvrent leurs portes aux visiteurs.
Nathalie Ritzmann (www.lepetitjournal.com/istanbul) mercredi 23 août 2017
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