Les héroïnes tragiques du romantisme au XIXème siècle au musée de la Vie romantique
Ophélie, Jeanne d’Arc, Juliette ou Sappho: au travers d’une centaine d’oeuvres sélectionnées parmi les collections de 33 prêteurs, les grandes héroïnes du romantisme sont à l’honneur dans la nouvelle exposition du musée de la Vie romantique.
L’exposition, structurée en trois parcours, permet au visiteur de découvrir les héroïnes romantiques dans l’histoire, dans la fiction et sur la scène. Agrémentée d’effets sonores et d’un espace de projection visuelle, l’exposition explore de nombreux aspects de la représentation féminine dans la fiction et dans l’histoire au XIXème siècle.
Les héroïnes du passé : mythes et histoire
Interrogée sur l’intention de cette exposition au sein du musée de la Vie romantique, la directrice et curatrice de l’exposition, Gaëlle Rio explique : « Mon but est de faire comprendre aux visiteurs les différentes sources d’inspiration du romantisme : la nature, les sentiments, la littérature, le fantastique. »
Le romantisme est un mouvement qui puise nombre de ses inspirations dans l’Histoire, mais aussi les mythes et légendes remontant jusqu’aux antiquités grecque et romaine. Les peintres, les poètes et les sculpteurs s’inspirent ainsi de personnages tels que Sappho, poétesse du VIIème siècle avant J.C dont l’histoire et les arts retiendront le saphisme. Mais Sappho est aussi l’héroïne d’Ovide qui, d’un coeur brisé par Phaon, met fin à ses jours en se jetant dans la mer. Le tableau Sappho à Leucate d’Antoine-Jean Gros, peint en 1801, ouvre l’exposition du musée de la Vie romantique.
Autre héroïne historique et muse infinie des artistes : Jeanne d’Arc. Les romantiques ne la décrivent pas tant en soldate qu’en martyre sainte, guidée par la fatalité de son destin tragique. Répondant aux codes du pittoresque, Jeanne la pieuse est représentée en cheveux, habillée d’une chemise vaporeuse, intemporelle et virginale dans le Jeanne d'Arc sur le bûcher d’Alexandre-Evariste Fragonard en 1822. La dernière salle de cette partie explore la violence féminine, souvent mise de côté lorsqu’on raconte les héroïnes romantiques. L’exposition invite les spectateurs à réfléchir à l’autorité féminine absolue de la reine Christine de Suède qui refuse de gracier, ou la cruauté de Médée qui commet l’infanticide, crime ultime, par vengeance envers son mari Jason qui vient de la répudier. Cette salle apparait alors comme contrepoids à la douceur passive et tragique que l’on peut imputer aux héroïnes romantiques.
Les héroïnes de fiction
Grâce à la relative démocratisation de la lecture par le roman au XIXème siècle, les grands écrivains mettent à l’honneur les héroïnes tragiques en personnage principal, auquel le lecteur ou la lectrice peuvent facilement s’identifier. L’exposition met en avant des autrices méconnues comme Sophie Cottin et reprend les grands romans de René de Chateaubriand, Victor Hugo ou George Sand, dont des manuscrits et éditions originales sont exposées en vitrine. L’exposition propose au visiteur de flâner entre les tableaux et sculptures pour mettre une image et des visages sur les héroïnes qui peuplent les histoires de ces romans. Parmi elles, Juliette et Ophélie de Shakespeare sont dépeintes en « belles défuntes » : douces, sereines, partiellement nues et érotisées dans « l’instant d’avant » la mort, véritable topos de la représentation picturale romantique.
L’exposition met notamment en avant Atala, du roman éponyme de René de Chateaubriand paru en 1801. Atala représente pour les romantiques l’ultime conflit entre l’amour terrestre et l’amour divin. Cette jeune Indienne convertie au christianisme préfère mourir plutôt qu’abandonner sa vertu à son amour Chactas. Le tableau Atala, d’Anne-Louis Girodet-Trioson peint vers 1808, fait scandale à sa présentation dans les salons car le portrait de la jeune défunte est très érotisé : poitrine saillante, lèvres entrouvertes et chemine transparente, elle est jugée trop sensuelle et « pas assez morte ». La ligne était fine entre la belle défunte et la trépassée scandaleuse. L’exposition questionne le regard masculin posé sur ces femmes à l’aube de la mort - reprenant le motif de la « belle défunte » et de l’érotisation de ces corps graciles, en détresse et pourtant sereins. « Disposer les héroïnes les unes à coté des autres permet de faire ressortir un archétype qui dit quelque chose d’une époque où la misogynie était encore très importante. » explique Gaëlle Rio.
Les héroïnes en scène
Les héroïnes romantiques peuplent l’imaginaire des lecteurs, les tableaux des peintres et désormais la scène des théâtres et des opéras. Les spectateurs se pressent pour voir sur scène l’héroïne qu’ils ont tant imaginée. L’exposition propose ainsi de finir sur différentes représentations scéniques de ces héroïnes: ballet, opéra, théâtre. Les metteurs en scène ne manquent jamais de montrer au public la mort tragique de l’héroïne, incontournable des œuvres romantiques. Par effet d’analogie, les actrices et interprètes de ces personnages deviennent elles-mêmes des icônes et rivalisent entre elles pour l’amour du public. Parmi les plus célèbres, Maria Malibran et Guiditta Pasta dont les portraits figurent dans la dernière salle.
Beauté, jeunesse, érotisme et légèreté : les codes de l’héroïne romantique traversent les arts et arrivent sur scène. La ballerine représentant l’idéal féminin immatériel, un tutu de 1971 est présenté dans la dernière salle. Les héroïnes romantiques sont sur scène à la fois merveilleuses, féériques et de véritables forces de la passion et de la tragédie.
Informations pratiques6avr.4sept.
Du 6 avr. à 10:00
Jusqu'au 4 sept. à 18:00
Adresse
16 rue Chaptal
75009 Paris