"95% des maladies rares n'ont pas de traitement. Généthon ne lâchera jamais"
7.000 à 8.000 maladies rares différentes existent dans le monde, 300 millions de personnes sont concernées, dont 3 millions en France. « 13 essais cliniques sont en cours en 2023 » rappelle Frédéric Revah, directeur général de Généthon, le laboratoire français à but non lucratif dédié à la thérapie génique créé par l’AFM-Téléthon.
Publié le 5 décembre 2023, mis à jour le 28 octobre 2024
"Ce qui nous fait nous lever le matin, c’est le combat contre ces maladies incurables inacceptables pour les parents que nous sommes » insiste Laurence Tiennot-Herment, Présidente de l’AFM-Téléthon, en montrant une photo de son petit garçon, décédé il y a maintenant 20 ans d’une maladie rare. « Le moteur ici, c’est la mort aux trousses, et le refus de la fatalité » face au 7.000 à 8.000 maladies rares dans le monde, dont la grande majorité sont des maladies ultra-rares. L’AFM-Téléthon, association de malades et parents de malades contre les maladies génétiques, rares et évolutives, se prépare à frapper fort une fois de plus dans quelques jours. Mais le combat ne s’arrête jamais et est constant au sein du laboratoire Généthon, que lepetitjournal.com a visité pour comprendre les défis majeurs et le travail passionné qui se cache derrière la grande mobilisation médiatique.
13 essais cliniques sont en cours, et 7 sont prévus dans les 5 ans à venir.
220 chercheurs ou experts travaillent sans relâche à Généthon
Ibrahima joue avec un ballon gonflable violet estampillé Téléthon sous les yeux attendris de sa maman, Flavia. L’enfant est né il y a 2 ans et demi, et il est atteint d’une amyotrophie spinale. « Nous nous doutions que Ibrahima serait atteint de cette maladie rare car nous avons eu des cas dans la famille. Mais j’ai contacté l’AFM-Téléthon dès sa naissance avec mon hôpital. Ibrahima a reçu un médicament de thérapie génique à 6 semaines qui lui a sauvé la vie. Il marche, il court, il saute. Il vit comme un petit garçon normal. Il n’arrête pas ! L’an prochain il va faire sa rentrée à l’école » raconte Flavia, en observant son fils qui se faufile sous une chaise. Ibrahima est l’une des figures du Téléthon 2023 mais surtout son énergie symbolise à elle seule l’une des plus grandes victoires du laboratoire Généthon. En 2019, le premier médicament de thérapie génique pour l’amyotrophie spinale issu des recherches menées par le laboratoire français est mis sur le marché. 3.000 bébés en ont bénéficié à travers le monde, dont l’énergique Ibrahima.
Mais ce n’est pas tout. L’année 2023 se termine sur de bonnes nouvelles : 13 essais cliniques sont en cours, et 7 sont prévus dans les 5 ans à venir. « Nous développons une science d’excellence sur laquelle s’appuie chaque jour les 220 chercheurs, techniciens ou experts qui travaillent à Généthon » précise Frédéric Revah.
"Nous avons une proximité avec nos patients que l’on ne retrouve pas forcément dans d’autres organismes de recherche.”
Des victoires, des espoirs et des essais grâce à Généthon
C’est le cas d’Ana Buj-Bello, directrice de recherche Inserm et responsable de laboratoire à Généthon, et son équipe. Ils cherchent à développer depuis des années un traitement contre une maladie neuromusculaire, la myopathie myotubulaire. Les essais sont encourageants “Des enfants traités arrivent à respirer seuls, se lever et même marcher” confie Ana Buj-Bello à la fin d’une vidéo émouvante présentant Jules, un petit garçon de presque 7 ans qui a vu sa vie (et celle de ses parents) se transformer grâce à cette thérapie génique. “Mon rêve était de voir un jour un enfant se lever grâce à nos recherches. J’ai rencontré Jules plusieurs fois bien sûr. Il est magnifique, avec une énergie incroyable. Il représente un moteur pour nous. Nous avons une proximité avec nos patients que l’on ne retrouve pas forcément dans d’autres organismes de recherche.” Mais la chercheuse confie que l’essai est actuellement à l’arrêt, le temps de comprendre les origines de certains décès. La preuve que le travail passionné est aussi acharné que difficile.
Ana Buj-Bello, directrice de recherche Inserm et responsable de laboratoire à Généthon
Cela concerne 5 à 6 personnes sur un million, trop peu pour intéresser les grands laboratoires ou industries du médicament.
Un peu plus loin dans le couloir, le laboratoire d’Isabelle Richard - Directrice de recherche au CNRS - se concentre sur les dystrophies musculaires, c'est-à-dire les maladies neuromusculaires qui provoquent une diminution de la force des muscles et sont parfois fatales faute de traitements. Avec passion encore, Evelyne Gicquel, chercheuse dans ce laboratoire, explique qu’un traitement est actuellement testé en France, au Royaume-Uni et au Danemark. “Cela concerne 5 à 6 personnes sur un million, trop peu pour intéresser les grands laboratoires ou industries du médicament. Si nous ne faisons pas ce travail de recherche, qui le fera ? ” s’interroge la chercheuse qui dédie sa carrière au développement de traitements innovants pour les myopathies dites “des ceintures”.
Une autre équipe scientifique peut être fière de ses résultats sur une thérapie génique pour traiter une maladie rare du foie, le syndrome de Crigler-Najjar. “Les personnes atteintes sont dépendantes de la photothérapie c’est-à-dire rester des heures sous une lumière bleue” explique Giuseppe Ronzitti, chercheur italien arrivé il y a 10 ans en France et responsable de laboratoire. Aujourd’hui, le traitement est testé dans quatre centres investigateurs en Europe et les premiers résultats positifs ont été publiés dans une revue scientifique renommée, The New England Journal of Medecine.
Il y a une communauté d’anciens “Généthoniens” partout dans le monde” précise, fièrement, Frédéric Revah, le Directeur Général du laboratoire.
Giuseppe Ronzitti et Evelyne Gicquel, chercheurs à Généthon
A Généthon, nous pouvons faire de la recherche très efficace et poussée mais surtout appliquée.
“La maladie n’a pas de frontières” et Généthon non plus
A l’image de Giuseppe Ronzitti, nombreux sont les chercheurs internationaux qui viennent travailler à Généthon. “Je travaillais sur Parkinson, et j’ai été embauché ici il y a 10 ans. A Généthon, nous pouvons faire de la recherche très efficace et poussée mais surtout appliquée. ” précise le chercheur. “Nous avons des collaborations internationales, 59 nationalités sont représentées dans les locaux de Généthon” souligne Frédéric Revah. “Nos chercheurs se déplacent aussi, preuve d’un rayonnement reconnu. Ils sont très visibles par nos recherches et, bien sûr, les actions de l’AFM-Téléthon. Il y a une communauté d’anciens “Généthoniens” partout dans le monde” précise, fièrement, le Directeur Général du laboratoire.
Au-delà des équipes, Généthon est une entité reconnue dans le monde, comme le montre sa participation à un consortium américain Bespoke Gene Therapy autour des maladies ultra-rares pour lesquelles il n’y a pas de modèle commercial. “Généthon en est membre, c’est une grande fierté pour nous. Rappelons que la maladie n’a pas de frontières, 300 millions de personnes sont touchées par des maladies rares dans le monde, 30 millions en Europe et 3 millions en France. Encore aujourd’hui, 95% des maladies rares n'ont pas de traitement. Généthon ne lâchera jamais" sourit Frédéric Revah, déterminé.