Seuls environ 25% des acquéreurs français et étrangers disposent de la surface financière et patrimoniale nécessaire pour acquérir des biens immobiliers sans recourir à un emprunt immobilier. Les acquéreurs non-résidents bénéficient parfois d’une parité monétaire favorable, ce qui leur permet de ne pas dépendre de l’accord d’un établissement bancaire installé sur le territoire français pour réaliser leur rêve d’acquisition d’un bien immobilier dans l’Hexagone.
L’accès au crédit immobilier a été considérablement restreint depuis 2023 en raison de la forte hausse des taux d’intérêts et pour les non-résidents, d’autres difficultés doivent être identifiées et anticipées afin de réaliser un investissement immobilier sereinement. Avant de présenter les différentes garanties requises par les banques et les contrats d’assurance des emprunteurs (II), nous analyserons les risques liés aux prêts immobiliers dans un contexte international (I).
I - Les risques relatifs au pret immobilier dans contexte international
La signature d’un contrat de prêt génère des obligations pour l’emprunteur dont il convient d’identifier les risques avant de s’engager dans un contrat de prêt dans un contexte international.
A/ Les risques lies a la devise du prêt et a la loi applicable au prêt
En droit français, l’octroi de prêts immobiliers est réglementé par le code civil et le code de la consommation. La jurisprudence, particulièrement abondante en matière de prêts accordés dans un contexte international, a aussi contribué à forger les règles applicables.
Le premier risque en la matière est lié à la devise du prêt. Il existe aussi des risques en corrélation avec la loi applicable au prêt.
1. Le risque relatif à la devise du prêt
Si dans l’ordre interne français, les prêts doivent être accordés en euro, dans un contexte transfrontalier, on peut utiliser une devise différente : l’article 1343-3 du code civil prévoit que "le paiement peut avoir lieu dans une autre devise (que l'euro) si l'obligation ainsi libellée procède d'un contrat international ". Un contrat est dit « international » lorsqu’il est transfrontalier, par exemple lorsque les parties au contrat sont de différentes nationalités ou que l’objet du prêt est situé dans un pays différent de celui de l’une ou l’autre partie au contrat de prêt.
Ainsi, une banque dont le siège est situé en Suisse peut accorder un prêt en francs suisses pour l’acquisition d’un bien immobilier en France.
Dans un contrat de prêt, il est même envisageable de distinguer la monnaie de compte, c’est-à-dire la devise dans laquelle le montant du prêt est déterminé et la monnaie de paiement, qui est la devise utilisée pour rembourser le prêt.
Dans une telle hypothèse, il conviendra d’être vigilant pour la rédaction des clauses sur le montant du prêt et les modalités de paiement des échéances car les deux parties encourent des risques :
- La variation du taux de change peut avoir un impact significatif lors de la mise en place de l’opération :
Ainsi, en cas d’acquisition d’un bien au prix de 200.000 euros financée au moyen d’un prêt accordé en francs suisses sur la base d’un taux de change de 1,05% le prêt destiné à financer le prix de vente serait de 210.000 francs suisses ; si lors de la signature du contrat de prêt et l’acquisition du bien immobilier, le taux de change était de 1,10, il faudrait réaliser un investissement de 220.000 francs suisse alors que le prêt n’était que de 210.000 francs suisses. Cela signifiera que la différence de 10.000 francs suisses devra être financée par des deniers personnels.
Il conviendra donc de prévoir une clause de garantie du taux de change dans le contrat de prêt, parfois appelée couverture de change : comme le taux de change varie entre le moment où l’offre de prêt est émise et le moment où le prêt sera débloqué et plus encore, en cas de financement d’un achat immobilier avec travaux, entre la date d’émission de l’offre de prêt et les dates de déblocage du prêt pour l’acquisition et les paiements des travaux, il faut prévoir une clause déterminant le taux de change à une échéance précise et pour un montant déterminé entre les parties. A défaut, l’emprunteur pourrait se trouver dans l’obligation d’augmenter son apport personnel.
- L’emprunteur prend également le risque de subir un aléa monétaire pendant le remboursement du prêt : si une personne de nationalité française et résidente en France emprunte en francs suisses parce qu’elle travaille en Suisse mais qu’elle perd son emploi, retrouve du travail en France et perçoit ensuite une rémunération en euro, elle subira les aléas de la fluctuation des deux monnaies. De même, en cas de revente du bien immobilier situé en France avant le terme du prêt, le prix de vente stipulé en euro devra être converti en francs suisses, ce qui entraînera un risque lié au taux de conversion des devises. Il est donc important de limiter l’impact de la variabilité du taux dans le contrat de prêt.
- Les contrats de prêts transfrontaliers sont complexes donc l’emprunteur court le risque de ne pas comprendre toutes les clauses si elles ne sont pas suffisamment claires. Dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour de justice européenne et de la Cour de cassation, l’article L 313-64 du code de la consommation a encadré les prêts en devises étrangères : pour être autorisés, ces contrats doivent contenir une déclaration de l’emprunteur indiquant qu’il perçoit des revenus dans la devise du contrat de prêt. De surcroît, l’information de l’emprunteur sur les risques de ce type de contrat doit être précise et complète : l’emprunteur doit être mis en situation de comprendre la portée concrète de son engagement pendant toute la durée du prêt. A défaut, les clauses du contrat de prêt peuvent être jugées comme abusives (cf CJUE, 10 juin 2021, aff. C609/19, BNP Paribas Personal Finance, pt 72).
Lorsque les obstacles liés à la devise du prêt sont identifiés, l’emprunteur doit être conscient des risques liés à la loi applicable au contrat de prêt immobilier.
2. Le risque relatif à la loi applicable au prêt
L’emprunteur résidant en France qui souscrit un prêt auprès d’une banque étrangère prend le risque de perdre la protection des règles de l’ordre public interne de l’Etat français si la banque choisit de soumettre le contrat à la loi de son propre Etat.
En principe, en droit français, les remboursements doivent être effectués dans la monnaie du lieu du paiement. Si le contrat est stipulé dans une monnaie étrangère, les règles d’ordre public français relatives au cours légal et au cours forcé ne s’appliquent pas obligatoirement. Ainsi, pour les paiements effectués en France, les remboursements doivent avoir lieu soit dans la monnaie étrangère, soit en euro, en recevant en monnaie légale un nombre d'euros équivalant réellement à la valeur de la monnaie stipulée (V. P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé : Précis Domat, Montchrestien, 11e éd., 2014, n° 746. - Sur la conversion des dettes de monnaie étrangère en euros, V. n° 172 ).
Dans un arrêt du 21 juin 1950, la Cour de cassation a jugé qu’il « appartient aux parties de convenir, même contrairement aux règles impératives de la loi interne appelée à régir leur convention, une clause valeur-or, dont la loi française du 25 juin 1928 reconnaît la validité, en conformité avec la notion française d'ordre public international » ( Cass. civ., 21 juin 1950 , Messageries maritimes, préc. n° 68. - V. n° 24 ).
L’emprunteur devra donc bien se renseigner sur les règles protectrices prévues par le contrat de prêt. L’article L 311-1 du code de la consommation français prévoit par exemple un délai de réflexion de dix jours lors de la réception de l’offre de prêt. Dans le code de la consommation français, il est également imposé que la banque informe l’emprunteur sur le taux effectif global du prêt, c’est-à-dire sur le taux réel du prêt avec l’intégration du coût total comprenant les frais de garantie, les intérêts, le coût de l’assurance. La banque doit aussi annexer le tableau d’amortissement et les dates d’échéance du prêt à son client.
Il serait bon de négocier ce type de clause avec la banque étrangère si ce n’est pas prévu par la législation dont elle ressort ou d’obtenir que le contrat de prêt soit soumis à la loi française.
Après avoir analysé les risques relatifs à la devise et la loi applicable aux prêts immobiliers réalisés dans un contexte international, il convient de déterminer quels sont les risques liés à l’objet du prêt.
B/ Les risques lies a l’objet du pret immobilier
Lorsque le prêt est accordé pour une acquisition immobilière en France, il est fréquent que la banque demande une expertise de la valeur de ce bien. Cela permet à la banque d’apprécier les risques de l’opération et de s’assurer que la valeur du bien est en corrélation avec le montant du prêt. L’expertise s’avère particulièrement importante si la banque prend une garantie sur le bien immobilier financé par l’emprunt.
L’emprunteur non-résident en France peut subir la fluctuation d’un marché immobilier local qu’il connaît mal. Celui-ci est soumis à de fortes tensions, ce qui accroît les prix de vente ou à de fortes baisses, en temps de crise. Ainsi, un emprunteur non-résident en France qui souscrit un prêt pour acquérir un bien immobilier devra s’informer sur la valeur de ce bien par rapport au prix en vigueur dans le secteur.
Ensuite, il devra obtenir des informations précises sur les charges et taxes à payer en tant que propriétaire afin d’être certain de pouvoir honorer les échéances bancaires. Certains biens immobiliers font partie de programmes immobiliers qui génèrent des charges de services particulièrement lourdes (ex : en para-hôtellerie) donc il convient de connaître tous les frais en amont de l’acquisition et de l’emprunt.
Enfin, les perspectives d’évolution du prix du bien immobilier seront importantes en cas de revente et de remboursement du prêt par anticipation. Selon le type de prêt, cela peut s’avérer crucial : à l’international, certaines banques accordent des prêts in fine, avec un remboursement du capital prévu en totalité en une échéance dont la date est définie entre les parties. Si l’emprunteur ne dispose pas des sommes nécessaires au remboursement à l’échéance prévue, il rencontrera de graves difficultés financières. Il faut donc vérifier si les perspectives d’évolution des prix sont positives ou si le plafond a été atteint dès l’acquisition.
Afin de pallier à ce risque, nombre de ressortissants étrangers qui investissent dans l’immobilier en France souscrivent des prêts dans leur pays et permettent aux établissements bancaires étrangers de prendre une garantie sur leur bien immobilier situé dans leur pays de résidence. Cela permet aux deux parties au contrat de prêt de limiter les risques de fluctuation de la devise du prêt et du marché immobilier international.
La détermination des risques liés aux prêts immobiliers réalisés dans un contexte international démontre que prudence et vigilance sont importantes pour en maîtriser toutes les conséquences. Les prises de risques sont également limitées par les garanties, pour les prêteurs et la souscription d’assurance, pour les emprunteurs.
II -Les garanties et assurances des prets realises dans un contexte international
Les risques pris par les prêteurs sont réduits par la prise de garanties soit personnelles, soit réelles et les risques pris par les emprunteurs sont limités par la souscription de contrats d’assurance en cas de décès, d’incapacité de travail ou d’invalidité.
A/ Les garanties reelles et personnelles dans un contexte international
Les prêteurs disposent d’un arsenal varié en matière de garanties sur les prêts immobiliers. En France, depuis quelques années, les garanties personnelles telles que les cautionnements d’établissements spécialisés sont largement privilégiées par rapport aux garanties réelles requises par les établissements bancaires.
1. La prise de garanties réelles dans un contexte international
A l’international, il est possible d’appliquer des garanties réelles mais il faut au préalable vérifier quelle sera la loi applicable au contrat de prêt et à la prise de garantie.
En application de l’article 3 paragraphe 1 du règlement CE numéro 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, appelé règlement Rome I, lorsque le contrat a pour objet un bien immobilier, à défaut de choix de loi, il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où est situé l’immeuble, soit la lex rei sitae . Cette loi s’applique à tout le contrat, que ce soit à ses conditions de validité, à ses effets tant personnels que réels.
Les parties peuvent cependant choisir la loi applicable au contrat de prêt et elles peuvent même choisir plusieurs lois pour un seul contrat de prêt.
Leur choix est cependant limité par les dispositions impératives telles que les lois de police et l’ordre public français en matière internationale. Le règlement, prévoit en son article 9 que « la loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans le champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable aux contrats d’après le présent règlement ".
S’agissant de la publication des garanties prises sur les biens immobiliers, elle relève de la loi de situation de l’immeuble, conformément à l’article 3 du code civil. Cette loi va donc régir la publication de la garantie prise par la banque sur le bien immobilier situé en France. Cette garantie est une hypothèque légale du prêteur de deniers à hauteur du prix d’acquisition de l’immeuble et une hypothèque complémentaire pour le surplus du prêt (ex : pour un bien immobilier d’une valeur de 150.000 € et des frais d’acte de 12.000 €, si le prêt s’élève à 162.000 €, les garanties seront une hypothèque légale du prêteur de deniers jusque 150.000 €et une hypothèque complémentaire pour 12.000 €).
2. La prise de garanties personnelles dans un contexte international
Les prêteurs peuvent prendre des garanties dites personnelles pour s’assurer que les prêts seront remboursés : ce sont des cautionnements donnés par des établissements spécialisés. Ils ne sont pas pris par acte notarié.
En droit international privé, c’est l’autonomie de la volonté des parties qui préside à la détermination de la loi applicable au contrat de cautionnement : selon l’article 3 du règlement Rome I, « le contrat est régi par la loi choisie par les parties ». Ce choix peut être exprès ou tacite, c’est-à-dire résulter des dispositions du contrat ou « des circonstances de la cause » qui permettent de déduire quelle est la volonté des parties.
En l’absence de choix de loi dans le contrat de cautionnement, l'article 4 paragraphe 2 du règlement Rome I édicte un critère objectif général : « le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle ». En d’autres termes, c’est loi du pays dans lequel le siège social de la société de caution est situé qui s’applique au contrat de cautionnement.
Néanmoins, l'article 4.3 du règlement Rome I prévoit que “lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique”. Et l'article 4.4 du règlement ajoute que “lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits”.
Il est donc fortement conseillé de choisir la loi applicable au contrat de cautionnement pour ne pas laisser la place à une quelconque interprétation. De surcroît, afin de faciliter l’application du contrat de prêt et du cautionnement, il est important d’aligner la loi applicable au contrat de cautionnement sur celle du contrat de prêt.
Dans le cadre d’un contrat de prêt, l’emprunteur doit souscrire un contrat d’assurance pour couvrir les risques liés aux accidents de la vie.
B/ L’assurance du pret immobilier dans un contexte international
La protection des parties à un contrat de prêt est complétée par la souscription d’un contrat d’assurance : le prêteur est certain d’être remboursé par la compagnie d’assurance en cas de décès, d’invalidité ou d’incapacité de travail ; quant à l’emprunteur, il sait qu’en cas extrême, ces mêmes risques seront couverts par une compagnie d’assurance, qui prendra le relais pour rembourser le prêt.
Or, selon la loi applicable à ce contrat d’assurance, la protection de l’emprunteur aura des degrés divers : le coût, les conditions d’obtention, la durée d’application ne sera pas la même dans tous les pays. Dès lors, il convient de s’interroger sur la loi qui sera applicable à ce contrat d’assurance et sur les lois de police ou d’ordre public qu’il faudra respecter.
En application de l’article 7 du règlement Rome I, les parties peuvent opter pour la loi de leur choix pour régir le contrat d'assurance ; à défaut de choix, le contrat est régi par la loi du pays où l'assureur a sa résidence habituelle. Enfin, une clause d'exception est prévue en faveur de la loi d'un pays avec lequel le contrat présenterait des « liens manifestement plus étroits ».
Les parties peuvent donc choisir la loi applicable au contrat d’assurance pour le prêt ; elles peuvent aussi choisir des lois différentes pour les conditions générales et les caractéristiques techniques et financières.
Pour conclure, les parties au contrat de prêt dans un contexte international ont tout intérêt à choisir la loi applicable afin d’encadrer précisément les charges et conditions de l’offre de prêt, des cautionnements et des contrats d’assurance.
Pour plus d'information :
https://www.notaires.fr/fr