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Fiscalité des non-résidents : un rapport pour revoir la réforme

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Écrit par Damien Bouhours
Publié le 2 août 2020, mis à jour le 5 août 2020

Suite au moratoire demandé par les parlementaires, un rapport de l’administration fiscale vient d’être publié pour faire le point sur la fiscalité appliquée aux revenus de source française des contribuables domiciliés hors de France. Pour compenser la hausse d’impôt, des solutions sont proposées pour réduire les inégalités.

La fiscalité des Français de l’étranger est un point de tension pour les expatriés depuis la réforme engagée en 2018 par le gouvernement. Après un moratoire exigé par la majorité, l’administration fiscale a présenté au parlement son rapport sur la fiscalité des non-résidents et leur imposition sur leurs revenus de source française. Quelles sont les conclusions de ce rapport dont les pistes de réflexion seront discutées à l’automne par les parlementaires ?

Des propositions pour réduire la pression fiscale

Le rapport relatif à la fiscalité appliquée aux revenus de source française des contribuables fiscalement domiciliés hors de France admet que la réforme votée en lois de finances pour 2019 et 2020 avait pour conséquence une augmentation d’impôt pour les expatriés, à cause notamment de la suppression de la retenue à la source spécifique et de son caractère partiellement libératoire. Afin de compenser cette hausse d’impôt, le rapport écarte certaines recommandations comme le fait d’accorder des réductions ou crédits d’impôt aux contribuables non-résidents ou d’annuler la hausse du taux minimum entrée en vigueur depuis l’imposition des revenus de l’année 2018.

Le rapport évoque plusieurs pistes d’évolution et notamment poursuivre l’amélioration déjà engagée du processus déclaratif des contribuables non-résidents.  Il souhaite également favoriser la mise en œuvre du dispositif dit « Schumacker ». Ce dispositif permet la non déductibilité des charges et non application des réductions et crédits d’impôts concernant les contribuables non-résidents domiciliés dans l’UE ou dans un pays de l’EEE ayant conclu une convention fiscale avec la France qui tirent de la France la majorité ou la quasi-totalité de leurs revenus.

Le rapport propose également trois séries de mesures pour réduire les effets de la hausse du niveau d’imposition résultant de la suppression de la retenue à la source spécifique partiellement libératoire :

1- appliquer la décote pour le calcul du taux moyen lorsque le contribuable non-résident déclare ses revenus mondiaux permettrait d’atténuer cette hausse pour les foyers modestes, sans la combler, et créerait des effets d’aubaine ;

2- mettre en place un barème spécifique, mais, selon les options envisagées, ce barème soit, en prévoyant un niveau d’imposition différent, continuerait à faire des perdants et ne pourrait être justifié, soit, en aboutissant, lors de la liquidation définitive de l’impôt, au niveau d’imposition qui existait avec la retenue à la source spécifique partiellement libératoire, serait source d’une complexité supplémentaire et de difficultés notables ;

3- revenir sur la suppression prévue de la retenue à la source spécifique partiellement libératoire permettrait de ne pas modifier le niveau d’imposition des non-résidents et pourrait être assorti d’une expertise des moyens d’intégrer les déclarations de retenues à la source des collecteurs dans la DSN ou la déclaration PASRAU, utilisées pour le PAS de droit commun et de simplifier en gestion les restitutions des excédents de retenues à la source.

 

Consultez le rapport complet en cliquant ici

 

 

Les propositions des parlementaires des Français de l’étranger

Anne Genetet, députée de la 11e circonscription des Français de l’étranger, se réjouie de cette nouvelle base de travail et compte déposer des amendements lors du prochain projet de budget en octobre : « En l’état, nous nous orientons vers une modification en profondeur de la réforme de 2018. Afin de s’assurer que les impôts des non-résidents n’augmentent pas, la retenue à la source partiellement libératoire pourrait être maintenue. Pour les revenus autres que les salaires et pensions, le prélèvement à la source pourrait également être maintenu. Quelques pistes de réflexions, comme la mise à disposition de moyens supplémentaires auprès de la direction des impôts des non-résidents pour accélérer le traitement des sollicitations, ou encore la mise en place d’un simulateur exhaustif, seront étudiées ». La députée poursuit : « S’agissant de la question de la CSG-CRDS assise sur les revenus du capital, ce volet n’est pas traité dans le cadre du rapport car techniquement, il s’agit d’un prélèvement social, et non d’un impôt. Ceci étant dit, je continue de demander que sa suppression se fasse pour tous, donc qu’elle soit étendue aux non-résidents hors Union Européenne. »

Dans sa newsletter, la sénatrice des Français établis hors de France, Jacky Deromedi, a déclaré : « Ce rapport reprend largement les diagnostics dont je vous avais déjà entretenus. Je vous rappelle ce que j'avais préconisé dans mes lettres et messages précédents, repris pour l'essentiel, dans la proposition de loi relative aux Français de l’étranger de M. Bruno Retailleau que j’ai rapportée au Sénat le 19 mai dernier, et que le Sénat a adoptée.

  1. Dénonciation du nouveau régime fiscal adopté en 2019 et complété en 2020 pour une application en 2021, en raison des augmentations d’impôts parfois considérables qui en seraient résulté pour nos compatriotes non-résidents. Le rapport me donne raison sur ces augmentations. 
  2. Rétablissement du régime antérieur de retenue à la source spécifique à caractère partiellement libératoire. C'est une solution vers laquelle le rapport s’oriente. 
  3. Suppression de l'augmentation du taux moyen d'imposition de 20 à 30% sur les revenus égaux ou supérieurs à 27.519 euros. Le rapport l’exclue.
  4. Exonération de la CSG-CRDS sur les revenus du patrimoine des Français assurés à un régime de sécurité sociale autre que celui d'un Etat de l'Union européenne. Le rapport ne l’envisage pas.
  5. Assimilation d'une résidence en France à une résidence principale pour l'attribution des déductions et crédits d'impôt, les plus-values et la taxe d'habitation. Le rapport ne l’envisage pas non plus. Il l'exclut même.»

« Le rapport doit, à présent, faire l'objet d'un examen détaillé afin de parvenir à des conclusions communes. », conclut la sénatrice.   

 

Le sénateur des Français établis hors de France, Jean-Yves Leconte, souligne les inégalités qui perdurent entre les expatriés qu’ils résident ou non dans l’espace européen : « Il est profondément regrettable que Bercy continue à se refuser à regarder plus en détail les discriminations engendrées entre les non-résidents, vis-à-vis de certains prélèvements ou déductions fiscales, entre ceux qui vivent dans l’Espace économique européen -et qui sont protégés par le droit européen-, et les autres. Je pense en particulier à l’assujettissement à la CSG/CRDS des revenus immobiliers et de la jurisprudence Schumacker (évoquée à la page 14 du rapport). Ce refus n’est pas nouveau, car c’est la troisième majorité dont les ministres refusent de regarder la situation, se cachant derrière l’analyse d’une administration fiscale souvent contredite par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Ceci est d’autant plus injuste que les résidents dans l’Espace économique européen, protégés par la CJUE, bénéficient aussi de la portabilité de certains droits, ce qui n’est pas le cas hors de l’UE. Même si ces deux aspects ne peuvent être a priori liés juridiquement, ils participent à la création d’une différenciation de traitement injustifiée que le rapport n’invite pas à résoudre. »

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