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Anne Henry « FLAM est le parent pauvre de l’enseignement du français »

Anne Henry-Werner FLAM Français Langue MaternelleAnne Henry-Werner FLAM Français Langue Maternelle
Anne Henry-Werner, conseillère consulaire à Francfort © Marie Preaud
Écrit par Justine Hugues
Publié le 5 novembre 2018, mis à jour le 3 décembre 2020

Le programme de consolidation du Français Langue Maternelle – FLAM- vise à favoriser la pratique extra-scolaire de la langue française chez des enfants d’expatriés français ou de familles binationales, qui sont scolarisés localement dans une autre langue. Anne Henry-Werner, conseillère consulaire et responsable des groupes d’animation enfantine de Francfort, s’est singulièrement investie dans le développement du dispositif au cours des dernières décennies. Entretien. 

 

Lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous rappeler l’historique du dispositif FLAM et de votre engagement dans celui-ci ? 

 

Anne Henry-Werner : Au milieu des années 1980, l’animation enfantine de Francfort a été créée par des parents qui déploraient de ne pas pouvoir suffisamment entretenir le français de leurs enfants, en dehors du cadre familial. Peu à peu, certains élus, dont la sénatrice Monique Cerisier ben-Guiga, se sont engagés pour faire entendre la voix de ces Français établis un peu partout dans le monde, et qui avaient fait le choix de scolariser leurs enfants dans le système local. Grâce à leur travail, le programme FLAM est né en 2001 et a été confié à l’AEFE en 2009. Il regroupe toutes les initiatives associatives qui ont fait la demande de subventions auprès de l’AEFE. Beaucoup d’associations n’étant pas répertoriées, le dispositif recouvre une réalité  bien plus large. 

De mon côté, je suis en charge de l’association de Francfort depuis une bonne dizaine d’années. A mon arrivée, il y avait des groupes d’enfants mais toutes les tranches d’âge n’étaient pas couvertes et personne n’était vraiment responsable. 

 

Concrètement, comment fonctionnent les structures FLAM ? Ya –t-il un programme et des objectifs communs à toutes ?

Le seul socle commun vise la consolidation du français pour les enfants dont c’est la langue maternelle mais qui sont scolarisés dans le système local. L’objectif est donc que les enfants améliorent leur pratique et qu’ils s’amusent au point d’avoir envie de venir. A partir de là, on improvise ! C’est d’une très grande richesse de savoir que l’on peut faire ce que l’on veut. J’ai moi même été animatrice et j’ai pu constater, lors des séances, que les enfants sont très influencés par ce qu’ils vivent à l’école locale. Par exemple, ici en Allemagne, il n’est pas question de faire des séances qui ressembleraient aux cours français, où les élèves seraient assis et écouteraient. C’est très couleur locale.

Quel genre de population française ? Quels sont les besoins des parents ? Que faire pour que les enfants adhèrent au concept ? Ce sont autant de questions à se poser lors de la mise en place d’une association FLAM. Ce n’est pas comme la danse, le foot : FLAM est une activité extra scolaire qui est le plus souvent imposée par les parents, il faut que ce soit ludique avant tout. Par ailleurs, les groupes sont souvent très hétérogènes ; certains enfants sont très exposés au français, d’autres pas du tout. Il faut donc allier le commun et l’individuel et proposer des activités variées : jeux, sorties, chansons, cuisine, lecture, théâtre. Certaines structures choisissent d’adopter un programme plus scolaire, et font passer le DELF par exemple. 

 

Anne Henry FLAM

 

Quelles familles ont recours aux structures FLAM ? On a tendance à penser que les enfants les plus jeunes y sont sur-représentés, est-ce le cas ? 

 

La majorité sont des familles binationales ou des familles franco-françaises expatriées qui, soit n’ont pas d’établissement AEFE aux alentours, soit ont privilégié le système local pour des raisons culturelles, de praticité, de coût…Pour les familles binationales, c’est parfois difficile de conserver l’usage du français à la maison. Prenons le cas d’une Française née en Allemagne, mariée à un Allemand et ayant des enfants en Allemagne. Pour que ces derniers gardent un lien avec la langue et la culture françaises, le FLAM leur sera essentiel. Les familles expatriées ont l’avantage d’avoir une pratique du français plus soutenue dans le cadre familial mais force est de constater que les enfants reviennent souvent à la langue locale, celle de l’école, par automatisme. Au delà du maintien du français, le but est que les enfants se confrontent à une culture : ils échangent sur la France, partagent leurs souvenirs…

Le dispositif tel qu’il est conçu ne prend en compte que les enfants à partir de la grande section de maternelle (5 ans) mais libre aux structures de proposer des activités avant. J’ai toujours tendance à dire qu’il faut nourrir le bilinguisme dès la naissance. C’est pourquoi à Francfort et dans d’autres villes, il y a des bébés clubs. Il y a aussi, à l’autre bout de la chaîne, des activités pour les adolescents.  Ici, ils animent, entre autres, une chronique radio bimensuelle, les « mange-micros ».

 

L’expérience dans l’enseignement et l’animation est-elle un prérequis pour devenir animateur ? 

Les animateurs sont, en général recrutés parmi les parents. Il y a une grande majorité de femmes. On ne demande pas nécessairement une expérience formelle dans l’enseignement mais plus de la motivation et des idées. Il y a toujours beaucoup d’échanges entre le responsable de l’association et ses animateurs. Des formations et des activités avec des intervenants externes sont par ailleurs régulièrement organisées. Dans les faits, l’animateur construit ses séances en fonction des ses goûts et aptitudes. Encore une fois, tous les supports et les méthodes sont bons.

 

Outre un appui financier, comment l’AEFE accompagne-t-elle les structures FLAM ? Ya –t-il un effort soutenu de mise en réseau ?

En 2012, il y a eu des assises FLAM au Sénat et cela a été positif. Un site internet a été créé, de même qu’un partenariat avec le Centre International d'Etudes Pédagogiques, qui organise des stages de formation pour les responsables et animateurs, via les ambassades. Par ailleurs, un soutien aux coordinations régionales, regroupant toutes les associations FLAM d’un pays ou d’une région, a été mis en place.  Depuis, ça s’endort un peu. Par faute de temps, les associations n’arrivent pas à échanger autant qu’elles le souhaiteraient. Il faudrait qu’il y ait un nouveau coup de pouce. Même si j’entends bien que les 500.000 € de budget de FLAM ne représentent pas grand chose au regard des défis à relever par l’AEFE, les besoins sont là. La sociologie des Français de l’étranger évolue et beaucoup ne fréquentent plus systématiquement les lycées français. 

 

Vous mentionnez les défis importants. Le gouvernement ambitionne notamment de doubler le nombre d’apprenants du français à l’étranger d’ici 2030. Comment le dispositif FLAM peut-il y contribuer ? 

Il y a une ambiguïté sur les ambitions du gouvernement : si on parle de doubler le nombre d’élèves au global, français et étrangers, il faudrait commencer par appuyer les enfants non français de nos structures. Les associations FLAM sont subventionnées au pro rata des enfants français (ou ayant deux nationalités) qu’elles accueillent, ce qui exclut de fait tous les autres enfants francophones, alors qu’ils représentent un potentiel d’enrichissement culturel et linguistique fort. FLAM devrait être davantage lié à la francophonie. Nous avons tous le même souci de faire pratiquer le français à nos enfants, que l’on soit français, burkinabé, québécois. 

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