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Que retenir de la loi immigration qui vient d’être adoptée en France ?

Suite à l'approbation du Sénat, l'Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi sur l'immigration mardi 19 décembre tard, recueillant 349 voix favorables contre 186. Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a exprimé sa satisfaction à l'égard d'un texte qu'il qualifie de "solide".

Résultats du scrutin concernant la loi immigrationRésultats du scrutin concernant la loi immigration
Écrit par Christophe Verger
Publié le 20 décembre 2023, mis à jour le 27 décembre 2023

 

Une journée particulièrement agitée s'est conclue par un vote significatif, non sans difficultés. Le projet de loi sur l'immigration, porté par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a été approuvé tard mardi soir à l'Assemblée nationale, recueillant une large majorité avec 349 voix favorables contre 186 voix opposées. Au cours de la journée, l'annonce inattendue de Marine Le Pen sur le vote favorable des députés du Rassemblement national (RN) avait dissipé les incertitudes entourant le sort du projet de loi, déjà largement adopté au Sénat un peu plus tôt dans la soirée. 

La version plus rigoureuse du projet de loi a déclenché une crise sans précédent au sein de la majorité. Parmi les 251 députés de la majorité, 59 ont décidé de ne pas soutenir la loi sur l'immigration, que ce soit par abstention ou par un vote défavorable. Un signe manifeste du malaise, illustré par le vote contre du président de la commission des Lois, Sacha Houlié, et l'abstention du président du groupe MoDem, Jean-Paul Mattei. Alors que le vote en faveur de la loi immigration représente une victoire parlementaire pour Emmanuel Macron, il a simultanément creusé une profonde division au sein de la majorité présidentielle, jusqu’à la démission d’Aurélien Rousseau, ministre de la santé mercredi 20 décembre après-midi. 

 

Le contenu de cette loi immigration française

Entre décisions trop laxistes ou trop dures, les débats ont fait rage au sein du Sénat et de l’Assemblée nationale. Que contient la version finale de cette loi ? 

Allocations familiales, APL : La durée de résidence minimale en France pour les étrangers non-européens en situation régulière touchant des prestations sociales a été débattue. Un compromis a été trouvé, distinguant les étrangers selon leur situation d'emploi, avec des délais variant de 5 ans à 30 mois pour différentes prestations.

Régularisations de sans-papiers : Une version plus restrictive a été adoptée, octroyant aux préfets un pouvoir discrétionnaire de régularisation des travailleurs sans papiers dans des secteurs en tension. Il s'agit d'un titre de séjour d'un an, accordé au cas par cas jusqu'à fin 2026.

Déchéance de nationalité, droit du sol : La déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire a été acceptée. Pour le droit du sol, l'obtention automatique de la nationalité française à la majorité a été remplacée par une demande entre 16 et 18 ans.

Aide médicale d'État : La suppression de l'Aide médicale d'État (AME) a été évitée, mais des restrictions ont été ajoutées à l'accès au titre de séjour "étranger malade". Un réexamen du dispositif AME est prévu début 2024.

Regroupement familial : Les conditions du regroupement familial ont été durcies, incluant une durée de séjour portée à 24 mois, des ressources stables et suffisantes, une assurance maladie obligatoire, et un âge minimal du conjoint de 21 ans.

 

L'Assemblée nationale lieu du vote décisif

 

 

Un vote semant le chaos à l’Assemblée nationale

En soirée, les discussions se sont déroulées dans une atmosphère tendue au Palais-Bourbon. Lors du débat sur la motion de rejet, Gérald Darmanin a dirigé ses critiques avec une virulence palpable vers la gauche, l'accusant de trahir la "morale" en "sollicitant les voix du RN". Une manière pour lui de répondre à la motion de rejet de la Nupes, qui avait mis brusquement fin aux débats sur ce texte la semaine dernière, suite au vote conjoint de la droite et du RN dans l'hémicycle de l'Assemblée.

Il a également mis en lumière les contradictions au sein du parti de Marine Le Pen. Le ministre de l’Intérieur déclare : “Tout ce que vous arrivez à faire, ce sont des petits coups. Vous n'êtes pas prête pour le pouvoir, et c'est tant mieux”. Ce dernier enfonce le clou sur le réseau social X où il déclare : “ Un texte fort et ferme. Sans les voix des députés RN”.

 

 

Des réactions politiques diamétralement opposées

Ce projet de loi a fait couler beaucoup d’encre, et cela dès son annonce par Emmanuel Macron en 2022. Maintenant que la loi est officiellement votée, de nombreuses réactions des politiques surgissent depuis ce mardi soir. 

Le leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a vivement critiqué une "victoire écœurante", obtenant selon lui le soutien des voix de l'extrême droite. "Un nouvel alignement politique se dessine", a-t-il commenté sur X.  Mathilde Panot, députée LFI dénonce une "lepénisation de la Macronie et des LR qui suscite une vive inquiétude". Car selon elle, plusieurs dispositifs présents dans la version définitive du texte ressemblent de manière frappante à ceux du programme présidentiel de Marine Le Pen, reproduits quasiment à l'identique.

 

 

De leur côté, les écologistes fustigent cette décision et s’en prennent verbalement au président de la République : “Il a trahi ses électeurs. Le seul mandat donné au président était de faire barrage à l'extrême droite et il a permis d'inscrire ses idées dans la loi” déclare Cyrielle Chatelain, la cheffe des députés écologistes. 

La droite de son côté semble plutôt satisfaite que ce projet de loi ait été adopté. Marine Le Pen écrit sur son compte X qu’il s’agit d’une “victoire idéologique” pour son parti le Rassemblement National. Même son de cloche pour Jordan Bardella, président du Rassemblement National pour qui cette loi est un premier pas concernant la lutte contre l’immigration. 

 

 

Les représentants des  Français de l’étranger s’expriment 

Concernant cette loi immigration, les représentants des Français habitant à l’étranger s’expriment également. La fédération des Français de l’étranger du Parti Socialiste énonce dans un communiqué le “déshonneur” que représente cette loi. C’est avec des mots forts que la fédération exprime son dégoût : “ Pour nous Françaises et Français de l’étranger, l’autre, l’étranger, n’est pas un ennemi. Nous avons été accueillis et nous nous sommes implantés en dehors de France. Souvent nous avons acquis une autre nationalité car nous considérons que la diversité que la vie nous apporte est une richesse.”  Dans ce même communiqué, les députés des Français de l’étranger sont pris à partie : “ Les députés des Français de l’étranger auraient dû prendre la mesure de ce qui se passe et prendre leurs responsabilités”.

Parmi les 11 députés des Français de l’étranger*, 6 d’entre eux ont voté pour cette loi immigration, dont Anne Genetet. Cette dernière s’exprime dans un communiqué de presse et salue "un compromis de fermeté et de justice, laborieux mais nécessaire". Pour la vice-présidente du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale : “l'adoption de ce texte résulte d'abord et avant tout d'une alliance avec la majorité des Français qui la réclamait parce qu'elle doute de notre modèle d'intégration depuis les crises économique et migratoire”.

C'est avec un communiqué que les "Français de l'étranger" ont décidé de réagir au vote de la loi immigration. Avec des mots forts, ils partagent leur opposition à l’application de ce texte de loi : "nous manifestons notre ferme opposition à cette législation qui stigmatise les ressortissants étrangers et compromet notre pacte social et nos valeurs républicaines". 

Le président de la République, Emmanuel Macron sera l’invité de France 5 pour l’émission “C à vous” ce mercredi à 19 heures. Avec pour objectifs de faire une rétrospective de l’année 2023, il en profitera pour dévoiler les objectifs du gouvernement pour l’année 2024. 

 

 

*Liste des votes des députés des Français de l’étranger :  Ils sont voté pour : Holroyd (3e); Anglade (4e); Vojetta (5e); Ferracci (6e); Habib (8e); Genetet (11e) ; Ils ont voté contre : Ben Cheïkh (9e); Lakrafi (10e); Ils se sont abstenus : Weissberg (1re); Caroit (2e); Petit (7e)