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Lituanie, Estonie…Comment les pays Baltes préparent leurs populations à la guerre ?

Depuis le début de la Guerre en Ukraine en 2022, les pays Baltes se sentent menacés par la Russie. Cette pression de la part de Vladimir Poutine s’est accentuée depuis l’invasion de drones russes dans l’espace aérien polonais, estonien, lituanien et letton, depuis le mois de septembre 2025.

Photo de pieds de militaires en train de marcher en groupe Photo de pieds de militaires en train de marcher en groupe
Écrit par Flora Lacroix
Publié le 17 octobre 2025, mis à jour le 20 octobre 2025


 

« Les drones peuvent faire beaucoup de choses utiles, comme transporter des bombes et les lâcher sur des tanks », raconte Aironas 12 ans, interrogé par un reporter du Parisien, le 15 septembre 2025 dans un collège en Lituanie. De son côté Jonas, 14 ans, se livre sur ses doutes au cœur des vrombissements de drones que font voler ses camarades : « avec tous ces engins, je me demande si le monde va devenir plus sûr ou beaucoup moins sûr. Ils sont très durs à abattre, et on peut difficilement comprendre leurs intentions. »

 

Dans un objectif de défense face à la menace russe, en Lituanie, les ministres de la défense et de l’éducation ont conjointement annoncé vouloir former plus de 22.000 élèves à la construction et à l’utilisation de drones, d’après Le Parisien. Ce programme éducatif est le premier à être réalisé dans le monde. Dès 8 ans, les enfants vont apprendre à construire et piloter des drones simples, à travers des jeux et des expériences d’après le ministre de la défense lituanien. Selon The Guardian, au niveau du collège et lycée, les élèves pourront confectionner des pièces et des drones avancés en 3D. L’objectif d’ici quatre ans est de permettre à ces élèves de piloter, construire et programmer ces objets volants. La Lituanie à ouvert trois centres de formation au mois de septembre 2025 et six autres ouvriront dans les trois prochaines années.  « Nous estimons que 15.500 adultes et 7.000 enfants auront acquis les compétences nécessaires pour contrôler des drones d’ici 2028 », précise le ministre de la défense. Cette formation devrait coûter 3,3 millions d’euros à la Lituanie.  « Parmi tous ces élèves, on peut espérer que 10 % ou 15 % poursuivront des études dans l'ingénierie, et peut-être dans le domaine de la défense. On en a besoin. » se confie Valdas Jankauskas, directeur de l'Agence nationale lituanienne pour l'éducation non formelle (LINEÅ A) au Parisien. 


 

Les pays limitrophes à la Russie grandement menacés 

 

Après plus de trois ans de Guerre en Ukraine, la menace russe n’a jamais été aussi élevée, suite aux invasions de drones dans l’espace aérien des pays Baltes. Ayant une frontière commune avec la Russie, ces pays se préparent et craignent une intrusion russe sur leur territoire. L’exclave russe de Kaliningrad (photo) maintient cette menace au plus haut niveau pour la Pologne et la Lituanie.  En 2024, trois pays Baltes dont la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie ont construit une barrière fortifiée de 1.000 km, en partie enterrée à leurs frontières avec la Russie. Celle-ci servirait à empêcher ou ralentir une invasion de chars, d’après Le Parisien


 

carte de l'Europe
Carte de l'Europe avec l'exclave russe de Kaliningrad 


 

Les 312.679 kilomètres de la Pologne menacés par la Russie 

 

Dans la nuit du 9 au 10 septembre 2025, 19 drones présumés russes se sont introduits  dans l’espace aérien de la Pologne. Proche de la Russie avec l’enclave de Kaliningrad, les polonais sont eux aussi menacés par les russes. La Pologne est régulièrement victime de cyberattaques, soupçonnée par la Russie. Entre le piratage de données et les attaques de systèmes de paiement, cette cyberguerre est un nouveau champ de bataille, apparu avec la Guerre en Ukraine. 

En mars 2025, le ministre de la défense, Władysław Kosiniak-Kamysz, à annoncé que la formation militaire universelle n’était pas obligatoire mais était une « incitation très concrète » concernant les adultes polonais, hommes et femmes à s’entraîner.  Agnieszka Jędruszak, employée de bureau de 36 ans et maman s’entraîne comme de nombreux autres adultes polonais à la guerre, selon la BBC news polska. Elle apprend les techniques de combats basiques, maniement du fusil, camouflage et creusement de tranchées. « Je dis toujours que je ferais tout pour assurer la sécurité de mon enfant. Je me battrais sans hésiter pour lui, et le reste… » déclare t-elle à l’agence de presse Reuters, très émue. 

 

Pologne : programme de protection civile et guide de crise - “poradnik kryzysowy”

 

D’ici la fin de l’année 2025, les polonais recevront un guide d’urgence et de survie en temps de crise. Ce guide est l’une des priorités de l’année 2025, du ministère de l'Intérieur et de l'Administration, dans le domaine de la protection et de la défense civiles. La Pologne à adopté une loi pour la protection des civils, permettant de reconstruire des abris, l’établissement d’un système d’alarme et un enseignement destiné à la population.   

 

Inscription en polonais : Industrie Principale
Train en Pologne, crédit : Mirek Pruchnicki CC 

 

Véritable conséquence de la Guerre en Ukraine, un programme d’éducation et de défense a été mis en place par le gouvernement polonais, appelé “Education avec l’Armée”  destiné aux adolescents. L'objectif est de les former à la sécurité et à la défense, à la protection civile et à la bonne conduite en cas de crise. Cette formation comprend les principes de déclenchement d'une alerte, la recherche et l'appel à l'aide, les bases de l'évacuation et de la mise à l'abri, ainsi que les bases de l'assistance. Dispensée par des formateurs militaires, elle est enseignée dans environ 3.500 écoles depuis le mois d’avril 2024. 

 

Lors d'un sondage IBRiS réalisé par l’agence de presse polonaise PAP, le 22 avril 2025, la majorité des polonais reconnaissent la nécessité d’une formation militaire universelle pour la population, précissement les hommes de 18 à 60 ans.. En cas d'attaque, 75,9 % des personnes interrogées pensent que la défense du pays devrait reposer sur l'armée professionnelle. Une formation militaire de base pour les hommes majeurs à obtenu l’approbation de 84,1% des répondants. 

 

« Ça a généré beaucoup de stress. On en parle tout le temps, avec cette sensation qu’on ne peut plus rien prévoir ». 
 

La menace russe sur les 2 millions d’habitants en Lettonie 

 

Frontalière avec la Russie, la Lettonie a peur d’une potentielle invasion russe, comme celle qu’à subit l’Ukraine. Riga la capitale, n’est qu'à 200 kilomètres de la Russie, ce qui laisse peser une menace permanente sur le pays. La Lettonie s’est retirée au mois de juin 2025 du traité d’interdiction des mines antipersonnel, laissant entendre qu’elle pourrait se servir de cette arme en cas d’invasion des forces armées russes. Par les voies terrestres, le corridor de suwalki, d’une longueur de 60 kilomètres, est le seul point de contact entre les pays Baltes et la Russie. Celui-ci est limitrophe de la région russe de Kaliningrad et de la Biélorussie.  

 

En Lettonie, la minorité russophone représente ⅓  de la population et près de 40% vivent dans la capitale selon L’Opinion. Les Lettons sont concernés par la guerre, même si celle-ci ne se trouve pas sur leur territoire. « Ça a généré beaucoup de stress. On en parle tout le temps, avec cette sensation qu’on ne peut plus rien prévoir », évoque pour France 24, Jānis 24 ans, vivant à Riga. Le pays ne compte que 2 millions d’habitants et ne peut compter que sur l’aide de ses alliés et de l’Otan en cas d’invasion russe.   

Chaque pays tente de réduire l'influence russe sur leur territoire. Ainsi en Lettonie, aucune inscription en cyrillique n’est présente dans la rue. L’enseignement du russe a été rétrogradé en troisième langue vivante, derrière l’anglais et une autre langue de l’union européenne. Ces décisions marquent le fossé que souhaite créer les pays Baltes avec la Russie.  

Dans l’objectif de réduire l'influence russe, les symboles soviétiques sont démantelés, comme par exemple le « Monument aux libérateurs de la Lettonie et de Riga de l'occupation fasciste allemande » qui a été démoli quelques mois après lé début de la Guerre en Ukraine, en août 2022. 

 

Armée Pologne
Armée polonaise, crédit : droits réservés 

 

La Lettonie à rétabli son service militaire de 11 mois depuis 2023, afin d'augmenter ses effectifs. Au départ adressé aux volontaires, il procède depuis fin janvier 2024 à un tirage au sort. La ministre des affaires étrangères lettonne, Baiba Braže, effectue elle-même des périodes de réserves dans une unité de l'infanterie de la Garde nationale.  

Comme dans de nombreux pays Baltes et en Finlande, qui détient la plus longue frontière avec la Russie, des guides et kits de préparation ont été fournis aux populations. Ces brochures expliquent comment survivre lors des premières 72h d’une crise, avec des sacs d’urgence, des points de rassemblement etc… 

 

« Il faut se souvenir que l'été dernier, les Russes ont fait voler un immense ballon d'espionnage ». 

 

L’Estonie et sa population russophone particulièrement menacées  

 

L’Estonie est particulièrement menacée par la Russie, en raison de sa proximité géographique. La troisième plus grande ville du pays en est l’exemple parfait. Narva se situe plus près de la ville russe de Saint-Pétersbourg que de la capitale estonienne, Tallinn. Dans cette ville séparée seulement de la Russie par une rivière de 100 mètres de large, « 98 % des 53.000 habitants sont d’abord russophones », selon The Guardian.   

« La plupart des habitants de Narva sont venus pendant la période soviétique, raconte au micro d’RFI, Milan, activiste politique. Ils ont toujours de vieilles habitudes. Ils craignent d'être punis, déportés, tués s'ils s'expriment contre les autorités. Les gens sont très passifs ici au niveau politique. » Le jeune activiste évoque un épisode inquiétant en 2024, preuve que même si la population de cette ville est en quasi entièreté russophone, la Russie fait toujours peur. « C'est parfois un peu effrayant ici, continue le jeune estonien. Il faut se souvenir que l'été dernier, les Russes ont fait voler un immense ballon d'espionnage ». 

Bien que les populations russophones ne soient pas toutes favorables au régime du Kremlin, notamment car certaines sont en réalité ukrainienne, cela ne rassure en rien l’Estonie qui tente de réduire cette influence russe sur son territoire. Le pays a adopté une loi pour fermer les écoles russophones d’ici 2030. Toujours d’après The Guardian, une autre loi a été adoptée en avril dans l’objectif de séparer l'Église orthodoxe russe d’Estonie du patriarcat de Moscou. Toujours dans cet esprit de réduire l'influence russe dans le pays, près de 400 monuments soviétiques ont été déboulonnés. 

Le pays Balte a aussi augmenté drastiquement ses moyens en matière de défense à hauteur de 3,6 milliards d’euros, selon euronews. « Nous avons pris une décision historique pour la défense nationale estonienne, a déclaré Hanno Pevkur, ministre estonien de la Défense. Jamais nous n'avions alloué autant de fonds supplémentaires à la défense nationale en un an en Estonie ». 

 

Les pays Baltes seront-ils la nouvelle cible de Vladimir Poutine ? « Qui peut croire (…) que la Russie d’aujourd'hui s'arrêtera à l'Ukraine ? », avait déclaré Emmanuel Macron lors d’une allocution télévisée en mars 2025, très inquiet pour le reste de l’Europe.  


 

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