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Alexandre Holroyd : « Le Brexit est un jeu perdant-perdant ! »

Alexandre Holroyd Alexandre Holroyd
Photo AFP
Écrit par Selma Djebbar
Publié le 24 novembre 2019, mis à jour le 4 décembre 2019

Alexandre Holroyd, député des Français de la 3e circonscription, nous a accordé une interview exclusive dans laquelle il revient sur le sujet épineux du Brexit et de la construction européenne.

 

L'accord définitif du Brexit ne sera ratifié qu'après les législatives anticipées du 12 décembre. Pensez-vous que le Brexit se fera au 31 janvier 2020 ou partons-nous sur un scénario sans fin ?

Les Britanniques ont voté pour sortir et pour l'instant, tout indique qu'ils ont toujours cette intention, même si une élection conserve toujours un caractère imprévisible. Si Boris Johnson est reconduit après les législatives, le texte sera appliqué. Il faut une résolution de cette crise qui dure depuis longtemps et qui commence à avoir des implications sérieuses pour les entreprises en France et en Europe.

Par exemple, nous commençons les discussions à propos du nouveau budget de l'UE et pour l'instant l'Angleterre est en suspens. Il faudrait, si la situation se prolonge, prévoir des dispositions spéciales pour ce cas de figure, ce qui est compliqué à mettre en place.

Comment réagissent les Français du Royaume-Uni ? Doivent-ils craindre ce Brexit ?

C'est un des sujets qui me préoccupe le plus depuis que je suis élu des Français de l'étranger. Il y avait une inquiétude immense des Français par rapport à leurs droits. Nous avons beaucoup travaillé avec les Britanniques pour protéger au maximum ces droits, pour permettre un régime préférentiel aux citoyens européens et il me semble que nous sommes arrivés à un système qui n'est peut-être pas parfait, mais qui protège quand même l'immense majorité de droits des Français établis au Royaume-Uni, notamment l'accès à l'école publique, l'hôpital, les cotisations retraite.

Aussi, la France s'est préparée unilatéralement à la possibilité d'un « No deal » et s'est préparée plus que tout autre État membre, à protéger le plus largement possible les droits de ceux qui souhaitent rentrer en France.

 

Ce qui m'inquiète, c'est que nos concitoyens ne soient pas au courant de toutes ces nouvelles démarches

 

Qu'est-ce qui changera concrètement pour les Français établis en Grande-Bretagne ?

Qu'il y ait un « deal » ou pas avec la Grande-Bretagne, il y a un processus que les Britanniques ont mis en place, qui est le « Settled status » - Statut de résident - qui fixe des modalités différentes pour les Européens établis depuis moins de cinq ans au Royaume-Uni (Pre-settled Status) et ceux établis depuis plus de cinq ans.

Tous les résidents européens sont tenus de se faire connaître par les autorités britanniques, pour le moment près de 91.000 Français se sont inscrits. Pour les Français dont la situation professionnelle et économique est stable, il ne devrait pas y avoir de problèmes.

La situation pourrait se compliquer, en ce qui concerne les cas particuliers, comme des citoyens qui n'ont pas eu d'emploi stable pendant cinq ans, qui étaient en collocation mais dont le nom ne figure pas sur le bail et qui ont donc une documentation difficile à justifier auprès de l'administration britannique. Nous travaillons en étroite collaboration avec le Home Office – Ministère de l'Intérieur britannique, pour que tout se passe au mieux.

Ce qui m'inquiète, c'est que nos concitoyens ne soient pas au courant de toutes ces nouvelles démarches et qu'ils se retrouvent dans des situations où ils perdent leurs droits. La même question se pose pour les Britanniques côté Français.

 

holroyd brexit settle status

 

L'accord conclu le 17 octobre entre Bruxelles et Londres a été perçu comme une victoire qui n'avantage que la Grande-Bretagne, notamment en ce qui concerne la frontière de l'Irlande. Est-ce que c'est le meilleur accord qui ait été trouvé jusque là ?

Je ne crois pas que ce soit correct d'affirmer que l'accord n'avantage que la Grande-Bretagne. C'est un accord qui répond à la fois aux lignes rouges de l'UE (protection du marché unique, des citoyens et le règlement financier) et qui répond également à des inquiétudes que les Britanniques avaient exprimé, notamment certains malaises après le deal de Theresa May.

Aujourd'hui, nous sommes très proches d'une solution proposée au tout début par l'UE et qui avait, à l'époque, était rejetée par les Britanniques. Soyons clairs, de toutes façons, le Brexit est un jeu perdant-perdant ! On va y perdre en termes économiques, en termes d’influence, que ce soit côté UE ou côté britannique.

En ce qui concerne l'Irlande du Nord et les barrières de dédouanement, n'importe quel produit qui pourrait être exporté dans l'UE sera soumis au tarif européen et aux réglementations européennes et ce sera le cas de la majorité des produits. Cet accord rendra les choses plus compliquées qu'elles ne le sont aujourd'hui, c'est une réalité. Mais avec Michel Barnier, un travail conséquent a été fait et nous sommes arrivés à un accord que nous jugeons satisfaisant. Ce qu'il nous faut aujourd'hui, ce n'est pas un accord qui soit changé mais plutôt que les Britanniques ratifient l'accord et qu'enfin ils disent « oui » à quelque chose !

On assiste à un véritable exode du parlement britannique. Près de 70 députés « modérés » ont quitté le Parlement. Doit-on craindre une montée du populisme en Europe ?

Il y a un nombre surprenant de députés « jeunes » et notamment de « femmes » qui partent pour des raisons politiques. Ce qui est très clair, c'est que dans le cadre du Brexit et du débat parlementaire ces dernières années, il y a une augmentation de la violence. C'est un phénomène qu'on voit également en France et en Italie.

Lors du dernier vote sur le Brexit, plusieurs députés ont dû quitter le Parlement sous escorte policière. Il y a une augmentation considérable des menaces de mort, des menaces qui vont souvent au-delà du seul individu pour aller toucher les membres de la famille.

Nous sommes dans une période particulière dans beaucoup de pays européens où il y a une plus grande violence à l'égard du personnel politique. Une minorité de personnes considère que les politiques échouent à répondre à ses besoins. Pas mal de députés trouvent ça insupportable ! Surtout au Royaume-Uni où rappelons-le, une députée a été assassinée.

Vous avez prôné une augmentation de la contribution française au budget européen. En quoi l'action de l'Union européenne est essentielle à la France sur les questions de transition écologique ou de tournant numérique ?

J'ai demandé une augmentation du budget européen. Quand je parle aux Français de ma circonscription et lors de mes consultations, il y a une attente immense de l'Union européenne.

On lui demande de résoudre le problème de la crise migratoire, d'assurer la stabilité financière et de la monnaie, de résoudre la crise du chômage des jeunes, d'assurer une Défense européenne, de contribuer à résoudre la crise climatique, alors qu'en contre-partie l'UE n'en a pas du tout les moyens. Il faut être cohérent, si nous demandons à l'UE d'agir sur autant de volets, il faut lui donner les moyens de sa politique.

Pour cela, je plaide pour que le budget ait plus de ressources « propres » : les revenus ne seraient pas seulement issus des contributions par pays, mais une partie des revenus taxés aux frontières, dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique par exemple, pourrait être reversée à l'UE. Je plaide aussi pour un budget plus flexible. L'actuel se fait sur sept ans, je considère que c'est beaucoup trop long, surtout dans un monde où tout se passe très vite.

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