Scrutin à deux tours ou vote blanc non-comptabilisé, depuis des années, l’abstention ne fait qu’augmenter pour les Français qu’ils soient à l’étranger ou non. Comment peut-on lutter ? Et si voter devenait obligatoire pour les Français ?
Le droit de vote est garanti par la Constitution avec un suffrage universel, égal et secret depuis 1848 pour les hommes et 1962 pour les femmes. Depuis, les règles pour les élections présidentielles n’ont quasiment pas changé. L’abstention, elle, grimpe en flèche.
L’abstention en hausse pour la présidentielle
Entre 1965 et 1995, le taux d’abstention pour la présidentielle tournait entre 15 et 20%, à l’exception près du record de 31,1% lors du second tour en 1969. En 2002, l’abstentionnisme prend un tournant et atteint les 28,4% au premier tour. Jacques Chirac se retrouve alors face à Jean-Marie Le Pen, une première pour un parti d’extrême-droite. De nombreuses manifestations animent la France et le taux d’abstention au second tour baisse à 20,29%. L’électrochoc semble avoir fonctionné jusqu’à l’élection suivante en 2007 et ses 16,13% d’abstention en moyenne. Depuis cela ne cesse d’augmenter pour atteindre 26,31% au premier tour de la présidentielle 2022.
Mais les taux d’abstention sont encore les plus faibles des élections auxquelles prennent par les citoyens français. Lors des dernières élections européennes en 2009, l’abstention a atteint 49,88% et pour les législatives de 2017 : 57,36% au second tour !
L’abstention des Français de l’étranger
Ces taux d’abstention comprennent aussi les scores des Français établis à l’étranger. En 2017 au second tour des présidentielles, le taux d’abstention était de 54,16 %, sur un peu plus de 1.2 million d’inscrits. Un pourcentage qui augmentera peut-être cette année, puisqu’au premier tour, on décompte 64,88 % d’abstention, contre 55,72% au précédent scrutin.
Le vote obligatoire pour lutter contre l’abstention dans 27 pays
Pour lutter contre l’abstention, 27 pays appliquent le vote obligatoire. La Belgique a même instauré cette loi avant le suffrage universel ou le droit de vote des femmes. La Belgique n’est pas le seul pays à imposer le vote. C’est également le cas de la Grèce ou du Liechtenstein. Hors des frontières européennes, de nombreux pays l’ont rendu obligatoire comme l’Argentine, l’Australie, la Bolivie, le Brésil, la Bulgarie, la Corée du Nord, le Costa Rica, la République démocratique du Congo, l’Équateur, l’Egypte, le Gabon, l’Honduras, le Liban, la Libye, le Liechtenstein, le Luxembourg, le Mexique, le Nauru, le Panama, le Paraguay, le Pérou, Singapour, la Thaïlande, la Turquie et l’Uruguay.
Des sanctions allant parfois jusqu’à 200 euros
L’amende est un moyen courant pour faire respecter le vote obligatoire. En Belgique, ne pas voter peut être passible d’une amende de 40 à 80 euros, voire jusqu’à 200 euros en cas de récidive. En Argentine par exemple, le Code électoral national stipule une amende comprise entre 50 et 500 pesos (50 centimes à 4 euros environ). Au Pérou, l'amende varie selon la région dans laquelle se trouve la personne. La différenciation des districts plus ou moins populaires fait varier les coûts, allant de 21,5 à 86 soles (de 5 à 21 euros environ).
L’Uruguay a également instauré des sanctions. Sa loi sur la réglementation du vote obligatoire établit que l'amende varie de 500 à 2.000 pesos uruguayens (équivalent de 11 et 44 euros).
Enfin, le cas du Costa Rica est très similaire à celui du Mexique. Bien que le droit de vote soit établi comme obligatoire, aucune sanction n’est préalablement établie.
Le vote blanc est-il comptabilisé là où le vote est obligatoire ?
Comme pour les sanctions, l’application du vote blanc est propre à chaque pays. Au Brésil, les votes blancs sont bien comptés séparément des votes nuls, mais ils n’influencent pas le résultat et servent uniquement pour les statistiques. Au Costa Rica, les votes blancs existent mais n’entrent pas dans les votes valides et n’influencent donc pas les pourcentages déterminant le vainqueur.
En France, la question du vote blanc est d’ailleurs davantage discutée que le vote obligatoire. Plusieurs candidats à la présidentielle en 2022, comme Anne Hidalgo ou Nicolas Dupont-Aignan, se disaient pour leur prise en compte.
Il est fondamental que chaque Français soit conscient que le vote détermine leur quotidien et leur avenir
Marine Le Pen
Des partis politiques français pour le vote obligatoire
Certains partis politiques français observent d’un œil attentif ce qui est fait dans les autres pays. Jean-Luc Mélenchon a inscrit cette mesure dans son programme L’avenir en Commun pour les élections présidentielles de 2022. Son passage à une VIe République devait passer par « reconnaître le vote blanc, mettre en place le vote obligatoire et instaurer un seuil de votes exprimés pour valider une élection ». L’actuel ministre de l’Écologie, François de Rugy ou encore l’ex-président de l’Assemblée nationale, Claude Bartelone, ont également soutenu ce projet.
Marine Le Pen, candidate au second tour, avait précisé de son côté lors d’une interview d’Europe 1 ne pas être choquée par l’idée du vote obligatoire : « parce qu’il est fondamental que chaque Français soit conscient que le vote détermine leur quotidien et leur avenir».
Je ne crois pas qu’on réponde à la crise démocratique par la contrainte
Emmanuel Macron
Le vote obligatoire, une idée controversée chez les Français
L’idée du vote obligatoire en France est pourtant controversée à cause de la contrainte jugée incompatible avec les libertés individuelles de notre démocratie. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle celui-ci se voit être refusé par Emmanuel Macron. « Je ne crois pas qu’on réponde à la crise démocratique par la contrainte » a t-il déclaré. Le candidat du Parti communiste, Fabien Roussel, était également contre le vote obligatoire. D’après un sondage Odoxa-Backbone consulting pour Le Figaro et franceinfo, réalisé en 2021, 65% des Français seraient contre le vote obligatoire. 78% souhaiteraient cependant voter à distance.
Le test du vote en ligne pour les Français de l’étranger
Le vote par internet est déjà en test pour les Français de l’étranger depuis plusieurs élections mais pas pour le moment, pour la Présidentielle. L’enjeu du vote par Internet est de concilier sa sécurisation (prévenir les tentatives de piratage) et son ergonomie (faciliter l’accès des expatriés à la plateforme de vote en ligne). En 2017, le vote électronique n’avait pas pu être assuré. Lors des dernières élections consulaires en 2021, en revanche, les quelque 1.3 million d’électeurs français à l’étranger y avaient accès. En pleine pandémie, seuls 2,13 % se sont déplacés jusqu’à l’urne, contre 12,93% par voie électronique. Cette réussite reste à nuancer puisque le taux de participation était malgré tout en baisse de 1,55 point de pourcentage comparé à 2014.
Sous réserve de l’homologation du système de vote mis en place, les Français de l’étranger pourraient cette fois-ci voter, pour la première fois, par vote électronique aux élections législatives de 2022.