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Olivia Richard : “Je travaille depuis 22 ans pour les Français de l’étranger”

Quoi qu’en disent les bruits de couloirs, Olivia Richard n’a pas à rougir de son expérience dans le microcosme politique des Français de l’étranger. Avec plus de 20 ans de collaboration parlementaire et une toute nouvelle légitimité suite à sa récente élection, la sénatrice, membre du groupe Union centriste revient pour nous sur l’avenir de l’AEFE ou encore les EFE, mais alerte aussi sur “un démembrement de la représentation des Français de l’étranger”. Face à de grands projets qui l’attendent, la fervente défenseuse de l’égalité homme-femme rappelle que “les petites rivières font les grands fleuves”.

Olivia Richard élue sénatrice des Français de l'étrangerOlivia Richard élue sénatrice des Français de l'étranger
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 6 novembre 2023, mis à jour le 12 septembre 2024

 

N’ayant jamais vécu à l’étranger, que dites-vous à ceux qui remettent en question votre légitimité en tant que sénatrice élue des Français établis hors de France ?

Je leur réponds que les électeurs ont tranché. Il n’y a pas à remettre en question la légitimité des urnes. Je suis élue maintenant. Je travaille depuis 22 ans pour les Français de l’étranger. Grâce à cela, j’ai la chance d’avoir une vision globale des problèmes, ce qui est essentiel à l’exercice d’un mandat sénatorial. Les élus d'un pays le connaissent particulièrement bien mais ont aussi tendance à extrapoler aux autres communautés françaises du monde. La position de sénateur permet de recueillir des informations partout dans le monde et de percevoir, par exemple, un problème d’ordre législatif ou une action de contrôle gouvernementale à mener. Selon moi, l’important pour un législateur ou un parlementaire n’est pas de connaître par cœur le quotidien d’un Français de l’étranger mais d’avoir connaissance du système et une conscience aiguë des limites et des actions possibles.

 

Avec Olivier Cadic, nous avons des profils complémentaires 

 

Vous avez travaillé plus de 20 ans en tant qu’assistante parlementaire. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous présenter en tant que Sénatrice ? 

Robert del Picchia, Sénateur des Français de l’étranger depuis 1998, allait s’arrêter pour des raisons de santé. On m’a conseillé de reprendre la barre du navire. Nous avons discuté avec Olivier Cadic. Nous avons deux profils très complémentaires. Nous nous sommes retrouvés sur une méthode de travail. Il est très concret et a besoin d’aller en contact du terrain et je suis une femme de dossier, juriste. J’étais sa deuxième de liste et maintenant nous travaillons ensemble. 

 

L'Assemblée des Français de l'étranger ne peut pas être entendue car elle ne représente qu’un cinquième des élus des Français de l’étranger.

 

La 39ème session de l’Assemblée des Français de l’étranger s’est déroulée du 23 au 27 octobre 2023. Quel est votre avis sur le rôle et la place de l’AFE aujourd’hui ? Est-elle assez entendue selon vous ? 

Elle ne peut pas être entendue car elle ne représente qu’un cinquième des élus des Français de l’étranger. La réforme de 2013* a conduit à une multiplication du nombre d’élus puis à un démembrement de la représentation des Français de l’étranger. Le maillage est plus précis, mais n’y a-t-il pas trop d’élus dans les pays limitrophes de la France et pas assez dans d’autres ? D’autre part, il n’y a pas de moyens alloués au mandat, à part le défraiement pour les deux réunions annuelles à Paris. Un mandat est par essence un travail quotidien, le conseiller est saisi en permanence par les Français de la circonscription. Les moyens doivent être renforcés en même temps que les compétences. 

Autre point, il n'y a que 90 conseillers qui essaient de peser dans les débats deux fois par an. C’est trop peu. N’étant plus membres de l’AFE, je trouve que les sénateurs et les députés des Français de l’étranger sont hors sol aujourd’hui. A mon sens, il faut que tous les élus soient à nouveau membres de l’AFE. L’intérêt fondamental de l’Assemblée est de faire le lien entre Paris et les territoires. Il faut rétablir ce lien.  

 

Extrait d'une intervention de Olivia Richard au Sénat
Extrait d'une intervention de Olivia Richard au Sénat

 

Vous êtes membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. A quel point ces sujets sont-ils essentiels pour les Français de l’étranger ? 

La question de l’égalité homme-femme me parait vraiment évidente, et pas seulement pour les Français de l’étranger. J’ai rejoint cette délégation car je suis admirative du travail effectué, des alertes et des enquêtes réalisées notamment sur la pornographie, l’envers du décor. Cela glace le sang. J’ai entendu dire qu'il y aurait un travail sur les femmes dans la rue. Il y a du travail?. Déjà, il faudrait que la politique donne l’exemple de l’égalité homme-femme. Il n’y a qu’un tiers de sénatrices. Dans le groupe indépendant, il y a plus de femmes que d’hommes, et j’en suis très fière. 

 

Je rappelle que la mission principale de l’AEFE est la scolarisation des enfants français à l’étranger.

 

Ambition de doubler les effectifs, augmentation des frais scolaires…quel est votre avis sur les défis financiers des Lycées Français de l’étranger ? 

Il y a des difficultés mais aussi beaucoup d’ambition et de projets. Doubler les effectifs est un moyen de ne pas se faire écraser par la concurrence. Mais je rappelle que la mission principale de l’AEFE est la scolarisation des enfants français à l’étranger. Il n'est pas normal qu'aujourd'hui il n'y ait pas assez de places pour les enfants français en Algérie. Je trouve que l'idée portée par Olivier Cadic mérite d’être discutée : moins subventionner les établissements en gestion directe - moins chers que les concurrents et donc attirant plus d’élèves étrangers - au profit de bourses aux élèves français. Il faudrait d’abord réaliser une étude budgétaire de la situation avec les élus, parlementaires et conseillers des Français de l’étranger.

 

 

Le sujet des EFE (Entrepreneurs des Français de l’étranger) est sur la table. Qu’est-ce qui ressort des discussions récentes sur un label, le recensement, les aides etc… ? 

J’ai compris que le but du débat est la création d’un label pour permettre aux EFE d’avoir une reconnaissance. Il faut commencer par les identifier - s’ils le veulent - car parfois, être estampillé “français” peut faire prendre un risque à l’entreprise. Il faut s’appuyer sur les conseillers des Français à l’étranger pour le recensement. Mais le but n’est pas de créer des aides directes ou indirectes de la France car cela pourrait être perçu comme de la concurrence déloyale. Il y a de la volonté, de l’espoir et beaucoup de réflexions en ce moment. Comme Olivier Cadic, je pense qu’il faudrait avant toute chose connaître la part de contribution des EFE à l’économie française. Les petites rivières font les grands fleuves.

 

Il y a aujourd’hui, selon moi, un problème avec la preuve de nationalité française

 

Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur dans les prochains mois ?

Je vais relancer l’hebdomadaire initié par le sénateur et ancien journaliste Robert Del Picchia, avec qui j’ai travaillé de nombreuses années. En 2002, nous nous sommes mis à écrire à quatre mains un hebdomadaire les informations de couloir du Sénat et une revue de presse. Il fallait être le plus neutre possible, pour ne fâcher personne et informer tout le monde. L’hebdo a vite eu une réputation de fiabilité. 

J’aimerais aussi réaliser un bulletin mensuel à destination des élus pour développer un sujet technique : à une question posée, une réponse très concrète. Le premier exemple qui me vient porte sur la nationalité française. Il y a aujourd’hui, selon moi, un problème avec la preuve de nationalité française par certificat de nationalité française pour les familles installées depuis plusieurs générations à l’étranger. Il faut distinguer de la preuve de la filiation, qui comporte ses propres difficultés. Beaucoup ne savent pas, par exemple, qu’il faut reconnaître l’enfant avant ses 18 ans pour lui transmettre la nationalité. 

 

EN SAVOIR PLUS  : *La loi du 22 juillet 2013 a profondément réformé la représentation des Français établis hors de France en créant des conseillers consulaires et en réformant l'Assemblée des Français de l'étranger. La réforme a ramené la composition de l’assemblée à 90 membres élus au suffrage indirect parmi les 443 conseillers consulaires, élus pour 6 ans dans 130 circonscriptions. Le président de l'Assemblée est désormais élu en son sein parmi les 90 conseillers. Ces 90 personnes siègent à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) à Paris deux fois par an. Ne sont désormais plus membres de l'AFE : les 23 parlementaires (12 sénateurs et 11 députés) qui en étaient auparavant membres de droit. Le ministre des Affaires étrangères ne préside plus cette assemblée comme ce fut le cas avant la réforme.

 

 

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