Marc Villard se porte candidat aux prochaines élections sénatoriales. Le président de l’Assemblée des Français de l’étranger souligne dans cette interview exclusive l’importance des élus de terrain et de leur remontée d’expérience. Il évoque sa liste « Engagés avec vous ! » et le travail collaboratif qu’il souhaite mener.
Ces élections consulaires marquent la fin d'une bipolarisation quasi historique droite-gauche
Quel bilan tirez-vous des dernières élections consulaires ?
Ces élections consulaires marquent la fin d'une bipolarisation quasi historique droite-gauche UFE-Français du Monde ADFE, avec la présence de nouveaux acteurs : ASFE, LREM, Europe Ecologie les Verts et un plus grand nombre de listes indépendantes, soit au total plus de 600 listes.
Elles sont également marquées, au moins pour la LREM et l’ASFE, par une très forte implication des états-majors parisiens et une campagne très formatée laissant parfois peu de place à l’expression personnelle du candidat. Elle est également inédite par l’implication importante du secrétaire d’État aux Français de l’étranger et des parlementaires de la majorité en soutien aux têtes de liste la LREM avec notamment des vidéos de soutien personnalisées de la part du Secrétaire d’État.
Sans se lancer dans une analyse fine, d'ailleurs très difficile à faire, c'est la Gauche dans son ensemble qui tire le mieux son épingle du jeu avec entre 150 et 170 sièges, suivie par les « Divers Droite » entre 120 et 140 sièges. LREM a obtenu 84 sièges et ASFE 60, ce qui, ni pour l’un ni pour l’autre, n’est un résultat extraordinaire au regard des efforts déployés par les états-majors parisiens, sachant, quand même, que LREM présentait pour la première fois des candidats sous ses couleurs. Les « centristes libéraux » représenteraient environ 20 sièges, et on peut estimer à environ 10 % les « indépendants », élus de listes non soutenues par un parti ou une association.
On peut s’interroger sur l’impact de ce déséquilibre important entre la participation dématérialisée et la participation « à l’urne »
Que pensez-vous de la mobilisation des Français de l’étranger lors de ces élections ?
Il faut surtout retenir outre une abstention massive de l’ordre de 85%, la part écrasante du vote Internet. On peut se réjouir que la mise en place du vote Internet – à laquelle j’ai d’ailleurs participé en tant que membre du Bureau de Vote Electronique – ait permis à un grand nombre de nos compatriotes de voter et de constater qu’ils se sont appropriés ce mode de scrutin, hélas pas en assez grand nombre !
On peut en revanche s’interroger sur l’impact, en termes de résultats du scrutin, de ce déséquilibre important entre la participation dématérialisée et la participation « à l’urne », aggravée par la fermeture de très nombreux bureaux de vote. J’ai suggéré à la Commission des Lois de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) de faire un bilan de ces élections. On peut penser que le vote Internet a été plutôt utilisé par la frange jeune de notre communauté et de milieu plutôt aisé.
A l’inverse de nombreux seniors, ceux que j’ai baptisés les « naufragés de la dématérialisation », n’ont pas voté soit qu’il n’y ait pas eu de bureau de vote près de chez eux soit, et cela a été le cas au Vietnam, soit qu’ils aient craint les risques sanitaires liés à un déplacement alors que l’on leur recommandait, dans le même temps, de les limiter au maximum…
Concernant l’abstention, qui se maintient, année après année, malgré la mise en place de nouveaux moyens qui facilitent le vote, elle interroge sur le manque d’intérêt de nos concitoyens pour leurs représentants de proximité dont ils perçoivent mal le rôle et ce qu’ils peuvent leur apporter.
Pourquoi avez-vous souhaité vous présenter aux prochaines élections sénatoriales ?
C'est une réflexion mûrie et surtout le prolongement d'une action menée jusqu'à maintenant. Expatrié depuis de nombreuses années, ayant vécu outre en France dans plusieurs pays d’Afrique, je réside depuis 30 ans au Vietnam. Cadre commercial dans deux grands groupes, agroalimentaire puis pharmaceutique, j’ai créé, il y a quelques années, avec mon épouse vietnamienne, une société d’import et de distribution de produits dermo-cosmétiques.
Dès mon arrivée au Vietnam, je me suis impliqué dans l’associatif, plus particulièrement la représentation de nos entreprises et la défense de notre commerce extérieur à la Chambre de Commerce dont j’ai assuré la présidence à deux reprises, avant d’être élu au Conseil Supérieur des Français de l’Etranger (aujourd’hui l’Assemblée des Français de l’étranger) en 2000.
Mon implication auprès des entreprises ne m’a pas empêché de m’investir sur le plan social avec à la fin des années 90, la création de la section Vietnam de Français du Monde. Puis j’ai été à l’initiative de la création du Comité de Solidarité et plus récemment de « Point d’écoute » association de bénévoles destinée à aider nos compatriotes dans leurs démarches administratives, dossiers de bourses scolaires, mais aussi, et cela devient la part la plus importante de nos actions, toutes les difficultés liées à la dématérialisation.
À l’Assemblée des Français de l’Etranger, j’ai toujours siégé à la commission des Finances et après en avoir assuré la présidence j’ai été, à la faveur de la réforme, qui pour la première fois instituait un président élu, président de cette Assemblée ces sept dernières années.
Présentez-nous votre co-listière Anne Boulo…
Anne Boulo, avec qui je fais équipe pour ces élections, a été élue conseillère consulaire en 2014 sur une liste que nous menions tous les deux puis, toujours sur une liste commune, élue la même année à l’Assemblée des Français de l’étranger. Enseignante, elle a, elle aussi, une grande expérience de l’expatriation ayant vécu sur trois continents, l’Europe, l’Asie et maintenant l’Afrique, puisque depuis la rentrée scolaire 2020, elle enseigne au lycée Charlemagne de Pointe-Noire, au Congo.
Arrivée il y a moins d’un an, son expérience d’élue sortante, ses qualités de dialogue et son engagement immédiat auprès de nos compatriotes, lui ont permis d’être élue Conseillère des Français de l’Etranger et présidente du Conseil Consulaire à Pointe-Noire.
Très impliquée à l’Assemblée des Français de l’Etranger dans la commission des affaires sociales, elle a mené plusieurs travaux notamment sur le « Handicap et vie à l’étranger ». Elle a été également très active en ce qui concerne le dispositif d’aide à la scolarité puisqu’ensemble nous sommes intervenus par nos nombreuses questions écrites à l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger, pour améliorer le fonctionnement de ce dispositif et celui des Conseils Consulaires des Bourses scolaires. Elle est pour notre liste un atout précieux.
Notre liste est une « liste de terrain non partisane »
Qui souhaitez-vous réunir autour de votre liste « Engagés avec vous ! » ?
Ce qui me paraîtrait le mieux qualifier notre liste serait « liste de terrain non partisane ». Non partisane, car nous ne revendiquons ni attache ni soutien à un parti politique. Pour paraphraser la chanteuse Barbara « notre parti politique c’est vous les Français de l’étranger… »
Notre campagne ne sera pas une campagne « demain on rase gratis … ». Nous ne promettons pas de tout changer car nous savons d’expérience qu’un parlementaire ne peut pas tout !
Nous promettons par contre de mettre notre expérience, notre énergie, notre engagement. à défendre ce en quoi nous croyons pour plus d’humanisme, de solidarité, pour le respect de la laïcité, et la protection de notre environnement, sans parti pris ni dogmatisme, comme nous l’avons fait -et notre parcours en témoigne - jusqu’à maintenant…
Nos valeurs sont celles des « humanistes » : solidarité, fraternité, écoute de l’autre, attachement à la laïcité. Elles se retrouvent dans notre engagement non partisan qui passe par l’écoute et le respect de l’autre.
Le terrain nous a appris tout d’abord à être attentifs aux problèmes de chacun, à leur ressenti, puis à la recherche de solutions
Comment souhaitez-vous organiser votre campagne ?
Notre « méthode » est issue de notre expérience d’engagement sur le terrain et à l’Assemblée des Français de l’Etranger. Le terrain nous a appris tout d’abord à être attentifs aux problèmes de chacun, à leur ressenti, puis à la recherche de solutions. Le terrain nous a aussi appris à intervenir, ce qui nous a permis de créer des réseaux, il nous a appris aussi la patience et la ténacité et, chaque fois que cela a été nécessaire, à prendre des positions fermes…
Le travail à l’Assemblée, c’est aussi un travail d’écoute, de partage d’informations, et la recherche en commun de solutions et nous insistons particulièrement sur le « en commun ». C’est aussi le contact avec des responsables politiques, administratifs, avec qui nous apprenons à travailler, avec qui, au-delà des convictions de chacun, nous tissons des liens pour un travail constructif… Ce travail a été facilité pour nous par notre expérience d’engagement antérieur dans le monde associatif.
Cela implique de travailler ensemble, mais aussi de savoir faire travailler ensemble, de savoir à bon escient être l’aiguilleur, parfois l’arbitre ou le chef d’orchestre, avec en permanence le souci de la partition : les Français de l’Etranger. Cela a été ma ligne de conduite tout au long de cette mandature et j’ai reçu, pour cela, de nombreux témoignages de satisfaction de nos collègues.
C’est cette méthode, « ces savoir-faire » que nous voulons mettre en œuvre pour bâtir notre liste puis cette même méthode, qui associera les membres de la liste qui le souhaiteront et au-delà bien évidemment TOUS les conseillers des Français de l’étranger si nous sommes élus, dans l’exercice du mandat de sénateur.
Les conseillers des Français de l'étranger sont les premiers lanceurs d’alerte
Vous voyez vraiment votre travail de sénateur comme un vrai travail collaboratif ?
Oui je le crois. Il faut redonner confiance et travailler étroitement avec les conseillers des Français de l’étranger. La présidence, pour la première fois, des Conseils Consulaires par un élu, ouvre de nouvelles perspectives. Élus de proximité souvent marginalisés par l’Administration, il faut faire des Conseillers des Français de l’Etranger les porte-paroles d’une démocratie de proximité et qu’ils soient enfin perçus comme tels par nos compatriotes.
Il faut accompagner les conseillers des Français de l'étranger dans l'exercice de ce nouveau mandat. Il ne faut pas que la présidence des conseils consulaires soit une coquille vide. Nous proposons de mettre en place pour cela : un ‘’Point d’écoute des élus consulaires ‘’. Nous proposons de créer un maillage par circonscription entre les élus et les conseillers consulaires, en instituant des réunions et des visioconférences qui seront le cadre d'échanges et de remontées de terrain; d’ouvrir sur le site de l’AFE, les espaces collaboratifs des différentes commissions de l’Assemblée des Français de l’étranger aux Conseillers des Français de l’étranger qui pourront ainsi remonter leurs expériences de terrain et suivre les travaux des commissions; de systématiser la retransmission en visio-conférences des sessions plénières de l’AFE en y incluant une période de questions-réponses pour les Conseillers des Français de l’étranger.
Je pense que de toute façon, tout part du terrain et que les conseillers des Français de l'étranger sont les premiers lanceurs d’alerte. Il est important de travailler avec eux.
Nous souhaitons travailler à renforcer les droits de nos compatriotes
Au-delà des sujets que vous avez déjà évoqués, quelles sont les thématiques que vous voulez mettre en avant dans votre programme ?
Nous voulons décliner notre programme selon trois axes : redonner la confiance, conquérir de nouveaux droits et accompagner les personnes. Nous voulons rétablir la confiance entre les citoyens et leur administration et rétablir la confiance entre les citoyens et leurs élus.
Nous souhaitons travailler à renforcer les droits de nos compatriotes, les droits actuels des Français de l'étranger et en obtenir de nouveaux, que ce soit dans le domaine fiscal, social et éducatif. Nous souhaitons également accompagner les personnes en situation de précarité sociale, économique et numérique. Nous souhaitons aider les entreprises de droit local créées par des Français mais aussi travailler davantage sur l'accompagnement des personnes dans leur mobilité et leur retour en France.
Et nous ne négligerons pas l’écologie. A titre personnel, nous avons des comportements respectueux de la planète et dans le cadre de notre mandat, nous encourageons chaque fois que cela est possible des solutions, des décisions respectueuses de l’environnement. Mais Pour nous, l’écologie n’est pas un parti politique ou un engagement politique en tant que tel. Nous concevons l’écologie comme une composante d’un enjeu plus large, nous plaçons les problèmes sociaux en tout premier plan sans pour autant nous désintéresser des enjeux écologiques.
Nous revendiquons et sommes fiers de notre engagement individuel auprès de nos compatriotes
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Si nous revendiquons et sommes fiers de notre engagement individuel auprès de nos compatriotes, ces années d’exercice du mandat ont renforcé notre conviction de l’intérêt et de l’efficacité du travail collectif. C’est parce que nous avons su parler échanger, construire, avec les élus de la zone Asie Océanie, que nous avons pu, dès le mois de mars 2020, être « des lanceurs d’alerte » qui ont été écoutés…
Notre expérience d’élus que ce soit sur le terrain, au sein des Conseils Consulaires ou à l’AFE a été très enrichissante car elle demande d’être capable de prendre sur soi pour écouter l’autre, les autres, de n’être ni sectaire ni dogmatique et de construire ensemble. C’est sur ces bases, d’ouverture, de partage, de respect de l’autre, qu’avec les Conseillers et Délégués des Français de l’Etranger qui se reconnaissent dans cette approche que nous souhaitons « monter » notre liste et définir un programme.
Alors si certains de vos lecteurs souhaitent nous accompagner dans cette démarche qu’ils n’hésitent pas à nous contacter !