En 2024, la Cour pénale internationale est plus que jamais au cœur de l’actualité. De l’Ukraine au Myanmar, en passant par la République Démocratique du Congo et l’Etat de Palestine, ses enquêtes permettent de dévoiler les atrocités et injustices du monde. Pourtant, des critiques de lenteur et d'inefficacité, des scandales récents interrogent sur son rôle et son avenir.
Qu’est-ce que la cour pénale internationale (CPI) en 2024 ?
Selon le site officiel, la cour pénale internationale (CPI), International Criminal Court en anglais (ICC) est une institution permanente, entrée en vigueur en 2002, qui “mène des enquêtes et, le cas échéant, juge les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crime d’agression.” Fondée en Juillet 1998 et régie par le traité “ Statut de Rome” - sur lequel reposent aussi l’Assemblée des États parties et le Fonds au profit des victimes - la CPI est complémentaire des juridictions pénales nationales. Le siège se trouve aux Pays-Bas.
Quatre organes composent aujourd’hui la CPI : la Présidence qui coordonne les questions judiciaires de la Cour et entretient les relations extérieures avec les Etats. L’entité Sections judiciaires est composée de 18 juges et mène les procédures judiciaires. Le Bureau du Procureur, quant à lui, procède aux enquêtes et poursuites. Enfin, l’organe Greffe mène des actions non judiciaires comme la sécurité, l'information et la sensibilisation.
42 pays n’ont ni signé ni ratifié le traité comme la Chine, l’Inde, l’Indonésie, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Turquie.
Quels pays ou Etats dans le monde acceptent la CPI ?
Depuis octobre 2024, 125 pays ont ratifié le Statut de Rome, reconnaissant la compétence de la Cour pénale internationale ; parmi eux, l’ensemble des Etats de l’Union Européenne. La France a signé le Statut le 18 juillet 1998 et l'a ratifié le 9 juin 2000. Ailleurs, ce sont 33 pays d’Afrique, 19 d’Asie et du Pacifique, 20 d’Europe Orientale, 28 d’Amérique Latine et des Caraïbes qui sont aujourd’hui Etats Parties de la CPI.
32 pays - dont la Russie et les Etats-Unis - ont signé le Statut mais ne l’ont pas ratifié. Pour le dire autrement, il est possible de signer un traité mais, si cette signature est le moyen d’authentifier le texte, elle n’établit pas le consentement. Deux États se sont retirés du traité : le Burundi en 2017 et les Philippines en 2019. Enfin, 42 pays n’ont ni signé ni ratifié le traité comme la Chine, l’Inde, l’Indonésie, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Turquie.
La Cour a été saisie par le gouvernement ukrainien en décembre 2022 et l’enquête a commencé en mars 2023. Des mandats d’arrêt ont été émis, notamment sur Vladimir Poutine.
Quelles sont les grandes enquêtes de la CPI en 2024 ?
Selon le site de la CPI, 12 enquêtes sont en cours et 5 ont été fermées. En 20 ans d’existence environ, la Cour a saisi 31 affaires selon Amnesty International. Son travail permet de mettre en lumière des crimes internationaux et des fléaux partout dans le monde comme l’utilisation d’enfants soldats ou les violences sexuelles en état de guerre. Ses enquêtes actuelles concernent - entre autres - la République Démocratique du Congo (RDC), le Darfour (Soudan), le Myanmar (les crimes de l’armée birmane contre les Rohingyas).
La plus récente est une enquête qui concerne l’Ukraine et la Russie, pour “crime de guerre de déportation illégale de population et de transfert illégal de population des zones occupées d’Ukraine vers la fédération de Russie dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie de 2022”. La Cour a été saisie par le gouvernement ukrainien en décembre 2022 et l’enquête a commencé en mars 2023. Des mandats d’arrêt ont été émis, notamment sur Vladimir Poutine.
Le 21 novembre 2024 est délivré un mandat d’arrêt contre Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, mais aussi contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant
Hamas-Israël : que fait la Cour pénale internationale ?
Plus ancienne, une autre enquête fait parler d’elle en 2024 : celle sur la situation dans l’Etat de Palestine. Le 3 mars 2021, le Procureur de la Cour pénale internationale annonce l’ouverture de l’enquête. Plus de trois ans plus tard, le 17 novembre 2023, un nouveau renvoi est adressé au Procureur la situation dans l'État de Palestine, émanant de l'Afrique du Sud, du Bangladesh, de la Bolivie, des Comores et de Djibouti. Dès réception, le Procureur confirme qu'il mène actuellement une enquête qui reste en cours et s'étend aux attaques survenues le 7 octobre 2023. Le 18 janvier 2024, nouveau rebondissement, la République du Chili et le Mexique soumettent un renvoi additionnel. Le 21 novembre 2024 est délivré un mandat d’arrêt contre Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, commandant en chef de l’aile militaire du Hamas pour les crimes contre l’humanité mais aussi contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre présumés commis depuis au moins le 8 octobre 2023 jusqu’au 20 mai 2024 au moins.
Pourquoi la Cour pénale internationale est critiquée ?
En 2022, la CPI a 20 ans. Son bilan est jugé mitigé, avec “seulement” 5 personnes condamnées, et aucun chef d’Etat* ; un chiffre faible comparé à la cinquantaine de mandats d’arrêt et citations à comparaître depuis sa création. Autre difficulté pour l’instance internationale : son action auprès des pays qui n’ont ni signé ou ratifié le statut. C’est le cas de la Syrie ou le Yémen où la CPI n’est pas compétente pour les crimes sur leur sol national. En 2020, une enquête avait été ouverte sur les soupçons de tortures commises par les États-Unis en Afghanistan, rapidement close.
*les personnes condamnées par la CPI à ce jour sont : Ahmad Al Faqi Al Mahdi, Germain Katanga, Aimé Kilolo Musamba, Thomas Lubanga Dyilo et le 20 novembre 2024, Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud
Autre critique sur la table, la CPI est jugée trop lente et trop onéreuse dans ses procédures, avec un budget annuel de 100 à 150 millions d’euros au cours des 20 dernières années pour (trop) peu de procès ou de condamnations. Enfin, la crédibilité de la CPI est régulièrement mentionnée, la Cour ne disposant que de peu de moyens pour contraindre la mise en œuvre d’un mandat d’arrêt. Un “géant sans bras ni jambes" qui ne peut aujourd’hui obtenir l’arrestation de l’ancien président soudanais Omar el-Béchir et celle de l’actuel président russe Vladimir Poutine, pour ne citer qu’eux.
La CPI est à nouveau critiquée en novembre 2024 en raison d'accusations de comportement sexuel inapproprié de la part du Procureur de la CPI depuis 2021, Karim Khan, également émetteur des mandats d’arrêt à l'encontre de Benjamin Netanyahu, et de Yoav Gallant. Une enquête externe a été demandée “afin d'assurer un processus totalement indépendant, impartial et équitable”.
Les États parties ont pour obligation de coopérer pleinement avec la CPI et donc d’arrêter l’individu s’il est sur leur territoire.
Mais alors quelles actions concrètes peut faire la Cour pénale internationale ?
La CPI n’est compétente que si les faits - génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes d’agression - sont commis sur le territoire d’un Etat Partie, c’est à dire un Etat qui a ratifié le Statut de Rome. Elle peut être aussi compétente sur un ressortissant d’un pays reconnaissant la compétence de la CPI et qui n’est pas un État partie au Statut de Rome.
En 2022, le Fonds au profit des victimes apporte un soutien physique, psychologique et socio-économique à plus de 450.000 victimes dans le monde.
Néanmoins, il est très important de rappeler que la Cour ne peut pas remplacer les juridictions nationales : ce sont les Etats eux-mêmes qui enquêtent en premier lieu sur les crimes les plus graves. La CPI est un dernier recours, c’est-à-dire qu’elle va intervenir uniquement si l’Etat n’a ni la volonté, ni la capacité à mener les poursuites. Autre action, selon le Statut de Rome, ce sont les États qui sont investis du pouvoir d’exécuter les mandats d’arrêt délivrés par la CPI. Les États parties ont pour obligation de coopérer pleinement avec la CPI selon l’article 86 du Statut et donc d’arrêter l’individu s’il est sur leur territoire. Dans le cas du mandat d’arrêt de Benyamin Nétanyahou, la France s’est exprimée le 25 novembre 2024 par l’intermédiaire de Christophe Lemoine, porte-parole du ministère des Affaires étrangères : “la France respecte le droit international. (...) Nous avons toujours appelé au respect du droit international et nous le ferons encore à nouveau. Pour le moment, la venue de Benyamin Nétanyahou en France ne se pose pas.”
Côté victimes, un Fonds au profit des victimes est créé en 2004, conformément au Statut de Rome. Ses deux missions sont “de mettre en œuvre les ordonnances de réparation rendues par la Cour et fournir aux victimes et à leur familles un appui physique, psychologique et matériel.” En 2022, le Fonds au profit des victimes apporte un soutien physique, psychologique et socio-économique à plus de 450.000 victimes dans le monde.