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Combattre la chaleur urbaine : 6 solutions efficaces adoptées par les villes du monde

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Écrit par Natacha Marbot
Publié le 3 mai 2023, mis à jour le 13 janvier 2024

Les périodes de fortes chaleurs et les canicules arrivent de plus en plus tôt dans l’année et leur intensité ne cesse d’augmenter à cause du changement climatique. La chaleur est encore plus intolérable en ville et ces dernières le savent. Les grandes villes autour du monde rivalisent d’ingéniosité pour rafraîchir leurs habitants. Tour du monde.

 

Pour prendre l’exemple familier de la capitale française, on dénote une différence de 2 à 3°C entre Paris et sa banlieue toute l’année, différence atteignant 10°C en période de canicule et particulièrement la nuit. En cause ? La densité du bâti urbain, la nature des matériaux, l’activité humaine et la faible présence d’eau. 

vision thermique de la chaleur d'une rue

Plusieurs leviers s’offrent aux villes pour rafraîchir leurs habitants bien qu’évidemment, les mêmes solutions ne fonctionnent pas forcément dans toutes les villes. Pour éviter au maximum les canicules et chaleurs urbaines dans le futur, le plus efficace reste de réduire les émissions de gaz à effet de serre, comme le préconise urgemment le GIEC dans son dernier rapport, un “guide de survie pour l’humanité”. 

En parallèle de l’action, la nécessité de l’adaptation 

Ce même rapport souligne “la nécessité de mener de front les efforts d'adaptation au changement climatique et ceux de réduction des émissions pour ne pas l'aggraver encore plus.” Adaptation donc. Selon les régions du monde, les ressources disponibles et les spécificités urbaines, les villes développent différents types d’adaptation pour permettre à leurs habitants de supporter au mieux les épisodes de canicule. Des Etats-Unis à la Corée du Sud, en passant par l’Allemagne et les Émirats arabes unis, tour d’horizon de l’adaptation des villes à la chaleur urbaine. 

ilot de chaleur urbain
Crédits : Météo France

 

Qu’est-ce qu’un îlot de chaleur urbain ? “La journée, la chaleur s’accumule dans les matériaux avant d’être progressivement restituée la nuit. Le vrai phénomène d’îlot de chaleur n’a donc lieu que la nuit, lorsque les surfaces urbaines se refroidissent très lentement.” explique Erwan Cordeau, de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme au Monde. La nuit est en effet le moment où le corps humain est censé se refroidir, afin de réellement récupérer de la journée et pouvoir à nouveau affronter la chaleur. 

 

lumiweave tel avivi
Tonnelles LumiWeave, comme installées à Tel Aviv 

Créer de l’ombre en ville

L’ombre permet une différence de température ressentie avoisinant les 10°C comparé à l’exposition en plein soleil. Elle limite également l’emmagasinement de la chaleur par les surfaces au sol. À Singapour, les passerelles couvertes sont légion (on en compte plus de 200km), autant pour créer de l’ombre que pour protéger les passants des pluies diluviennes habituelles de son climat tropical. À Tel-Aviv, des dispositifs de tonnelles sont installés pour offrir des abris du soleil et encourager la marche. Le tissu dans lequel elles sont construites produit même de la lumière la nuit, avec le soleil emmagasiné en journée. 

Isoler les bâtiments

Solution passive mais extrêmement importante pour lutter pour la chaleur en ville pour les habitants : l’isolation des habitations, qui couplée à de bonnes pratiques (fermer ses volets la journée, ne pas utiliser de climatiseurs qui augmentent la température à l’extérieur), permet d'augmenter considérablement le confort des habitants. La Norvège figure en haut de la liste des pays à avoir le mieux isolé ses bâtiments pour contrer le grand froid hivernal, mais cette même isolation s’avère aussi utile l’été pour conserver la fraîcheur dans les murs. 

Planter des arbres et végétaliser les villes

Une des solutions les plus évidentes et efficaces pour rafraîchir une ville est de la végétaliser. Les villes les plus agréables en été sont sans aucun doute celles ayant nombre de parcs, squares et rues arborées. Cependant, ce n’est pas la solution la plus facile à mettre en place. Pourquoi végétaliser rafraîchit les villes ? Les arbres, comme les humains, transpirent quand ils ont chaud, pour permettre leur bon fonctionnement. La transpiration des plantes, aussi appelée évapotranspiration, augmente légèrement l’humidité autour d’elles. De plus, les arbres apportent de l’ombre en journée, denrée rare et précieuse en été en ville. Végétaliser les toits et les murs des villes est donc une solution envisagée et entreprise par de nombreuses villes. Néanmoins, les arbres sont des êtres vivants qui nécessitent des conditions particulières pour pouvoir vivre correctement en ville. 

 

 

Les villes qui cherchent à planter massivement des arbres, telle que New York, rencontrent plusieurs types de problèmes. Premièrement, la mortalité des arbres dans des conditions urbaines intenses telles que Louisville ou Austin aux Etats-Unis est largement supérieure à la normale. En cause : le manque d’eau, d’espace pour les racines et la plantation d’espèces souvent exotiques et résistantes mais invasives, qui finissent par tuer les arbres indigènes.

Deuxièmement, les villes doivent faire face à une injustice sociale : les quartiers les plus arborés, frais et ombragés sont les quartiers les plus riches. Les quartiers les plus pauvres sont ainsi plus difficiles à arborer car les moyens (et parfois la volonté) manquent. Des associations se mobilisent néanmoins sur ces sujets, tels que Tree Folks à Austin au Texas. Un réaménagement urbain est donc nécessaire pour pouvoir réellement profiter du bienfait des arbres en ville : les parcs et squares sont beaucoup plus efficaces que les arbres isolés. À Mexico, l’effet de rafraîchissement d’un parc a ainsi été observé jusqu’à 2 kilomètres. 

Faire ressurgir des rivières et des fontaines 

Autre grand levier de rafraîchissement des villes : l’eau. Qu’elle soit sous forme de fleuve, rivière, ruisseau, fontaine, lac ou brumisateur, elle permet de baisser la température. Les fleuves sont les plus efficaces, le mercure a même baissé de 7 degrés à Lisbonne grâce au Tage

Avec la mise en avant des cours d’eau dans les villes vient aussi les projets d’aménagement des berges et de résensauvagement des rives. Un des plus beaux exemples est la rivière Manzanares à Madrid. Suite à la décision en 2017 d’ouvrir les vannes et de permettre à la rivière de retrouver son flux normal, l’écosystème s’est reconstruit seul et très rapidement. Il n’est pas rare d’y voir aujourd’hui de nombreuses espèces sauvages qui font le bonheur des Madrilènes qui viennent se promener et se rafraîchir en été.

 

Cheonggyecheon
Cheonggyecheon à Séoul 

 

À Séoul, pour lutter contre la pollution routière, un projet débuté en 2003 a détruit un viaduc routier pour faire ressurgir l’eau du Cheonggyecheon, un cours d’eau asséché par le manque d’entretien. Le projet n’est pas parfait, car il a nécessité de pomper beaucoup d’eau pour remplir le cours d’eau, mais il est aujourd’hui très apprécié et permet d’offrir une coulée de fraîcheur dans la ville. 

Réfléchir le soleil 

L’idée peut faire sourire de simplicité. Los Angeles aux Etats-Unis s’est déjà lancée dans le recouvrement du bitume noir par de l’asphalte clair et peint ses toits en blanc pour réfléchir le soleil. Doha (Qatar) a choisi le bleu. L’idée est d'éviter l’absorbement de la chaleur du soleil dans les matériaux, pour qu’elle ne soit pas relâchée ensuite la nuit. La ville annonce une différence de 10 à 15°C de ressenti entre une route classique et une route recouverte de CoolSeal. Cette solution est préconisée par l’ancien secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, qui a même affirmé que les toits blancs pouvaient être 30°C moins chauds que les autres - mais il faut pondérer cette déclaration car cela dépend des pays et des matériaux du bâtiment. Néanmoins, un rafraîchissement de l’intérieur de bâtiment d’en moyenne 5°C est toutefois possible. 

 

Oia, Grèce
Oia, Grèce

Les bâtiments blancs sont d’ailleurs déjà légions dans des régions chaudes comme le sud de l’Europe ou le nord de l’Afrique. Cette solution a l’avantage d’être très peu coûteuse car la peinture en soi n’importe pas, seule la couleur blanche est nécessaire. Cependant, le défaut est double : les toits deviennent inaccessibles à cause de la luminosité qui abîme les yeux et le blanc empêche une absorption de la chaleur du soleil l’hiver, pouvant entraîner une surconsommation de chauffage. Selon les régions, les toits blancs sont plus ou moins pertinents. 

Dans la même ligne d’idée, changer les matériaux utilisés est une bonne piste pour éviter les îlots de chaleur urbains. Différents types d'asphalte et de bitumes sont essayés dans les villes, pour permettre par exemple de capter l’eau de pluie et de la redistribuer peu à peu pour créer de l’évaporation. 

Utiliser l’architecture pour rafraîchir les rues 

S’inspirer de l’architecture des régions chaudes est une piste très intéressante dans la quête de l’adaptation des villes aux canicules aggravées par le changement climatique. Les villages grecs, en plus d’enchanter les touristes, sont ingénieusement pensés pour permettre à leurs habitants de trouver de l’ombre facilement grâce aux rues étroites et de rester au frais à l’intérieur grâce aux murs épais peints en blanc. Bien sûr, si c’est une bonne source d’inspiration, il semble tout de même difficile de reconstruire des villes entières sur ces modèles - mais des éco-quartiers ? 

Badgir
Badgir ou "capteur de vent", une invention multimilénaire  

Climatiser Dubaï sans utiliser d’énergie ? La tâche s’avère ardue et pourtant une solution venant d’Iran existe depuis plus de 6000 ans : le badgir. Aussi appelée “tour à vent” ou “capteur de vent”, ces sortes de cheminées esthétiques ont un fonctionnement d’une rare ingénierie. L’air frais est capté et dirigé vers le bas de la cheminée, passant parfois par un canal contenant de l’eau sous le sol, un qanat, pour refroidir en plus l’air. L’air chaud remonte par pression et ressort par un autre conduit de la cheminée. Une différence de température de 15°C est observée entre l’intérieur et l'extérieur grâce à ce système - sans énergie !

Originellement construits en bois, briques et terre, des versions plus modernes sont construites aujourd’hui sur le toit des mosquées ou des université des Emirats arabes Unis ou du Qatar. Ils sont particulièrement pertinents dans les climats chauds et secs. On en trouve aussi en Inde, au Pakistan, en Irak et sur la péninsule arabique. 

 

stuttgart
Stuttgart

Bonus : Stuttgart, la bonne élève 

Stuttgart est souvent citée comme la ville la plus fraîche du monde. Initialement conçue pour dégager l’air urbain des polluants résultant de l’industrie automobile, Stuttgart est aujourd’hui la ville la mieux conçue pour contrer la chaleur urbaine, grâce à un système de couloir de ventilation (ou tout simplement de courants d’air). Ces couloirs, pensés comme des coulées vertes arborées, relient les collines de la ville, plus fraîches, au noyau urbain. Cette conception de l’urbanisme intéresse de près des villes à collines ou en cuvette comme Shanghai. Stuttgart, en plus, compte un bureau de climatologie avec une dizaine d’employés, qui suivent l’évolution de l'urbanisme et du climat pour maintenir la ville dans cet état.