Édition internationale

Zar Amir, actrice : “Un grand film se définit par sa capacité à créer un univers"

Jury de la 15ᵉ édition du MyFrenchFilmFestival, qui se tient du 17 janvier au 17 février 2025, l’actrice, réalisatrice et productrice franco-iranienne Zar Amir milite pour un cinéma libéré des étiquettes et des cases. Elle partage sa vision d’un septième art universel, ouvert et accessible à tous, tout en soulignant les défis du milieu français.

Zar AmirZar Amir
Aux yeux de Zar Amir, ce qui définit un grand film, c’est sa capacité à créer un univers qui dépasse les frontières culturelles ou linguistiques.
Écrit par Léa Degay
Publié le 27 janvier 2025, mis à jour le 4 février 2025

 

Actrice, réalisatrice et productrice, Zar Amir habite à Paris depuis bientôt 18 ans, un espace qu'elle qualifie à la fois de “cosmopolite” et de “miroir imparfait des diversités”. Avec son accent qu’on ne manque jamais de lui faire remarquer, elle incarne à sa façon ce Paris pluriel qu’elle espère voir évoluer. “Dès que je prends un taxi et que je dis bonjour, la première chose que le chauffeur me dit, c'est “Oh, vous venez d'où ?”. À chaque fois.” confie-t-elle. Une question anodine pour certains, mais qui lui rappelle quotidiennement qu’elle reste perçue comme étrangère et qu’elle n’est pas d’ici. Pourtant, malgré son français imparfait, “il s’agit de ma langue, je rêve en français”.

 

Zar Amir, une vision universelle du cinéma

Pour Zar Amir, le cinéma transcende les catégories nationales. “Quand on parle d’un bon film, il n’y a pas de français, pas d’iranien, pas d’américain. C’est le cinéma qui parle et nous fait rêver”, affirme-t-elle. À ses yeux, ce qui définit un grand film, c’est sa capacité à créer un univers qui dépasse les frontières culturelles ou linguistiques. Elle critique les attentes rigides souvent imposées aux réalisateurs et aux réalisatrices selon leur origine, notamment lorsqu’on attend d’elle qu’elle réalise des films “typiquement iraniens”. “Ce n’est plus du cinéma, c’est une case. Ça limite la créativité et ça empêche la diversité”, déplore-t-elle.

 

À ses yeux, ce qui définit un grand film, c’est sa capacité à créer un univers qui dépasse les frontières culturelles ou linguistiques. 

 

Cette ouverture se reflète dans le modèle de MyFrenchFilmFestival, qui propose de découvrir des œuvres, certes françaises, mais d’une grande variété d’horizons, qu’il s’agisse de courts ou longs métrages. “C’est un don au cinéma pour qu’il reste vivant et accessible. Ce sont des films qu’on ne voit pas partout”, explique Zar Amir. Pour elle, cette initiative met en lumière des productions souvent marginalisées dans les circuits internationaux, offrant une véritable chance aux films moins visibles.

 

my french film festival

 

La richesse et les défis du cinéma francophone

Zar Amir souligne la force du cinéma français, qu’elle attribue en partie à son système unique de financement et de soutien à la création. Cette structure permet à la France de produire chaque année des films marquants et diversifiés, qu’ils soient nationaux ou réalisés en collaboration internationale. “L’an dernier, Anatomie d’une chute a marqué les esprits, cette année ce sont The Substance et Emilia Perez. C’est cette diversité qui fait du cinéma français une référence mondiale”, estime-t-elle.

 

MyFrenchFilmFestival, le rendez-vous annuel du cinéma francophone depuis 2011

Cependant, l’artiste pointe également des défis, notamment l’aspect parfois “fermé” du milieu. “Je produis, je réalise, j’écris aussi. J’ai des scénarios que je dépose pour différents fonds et je vois à quel point, parfois, c’est injuste parce que je me heurte à des attentes normées, pour ma part, en tant qu’Iranienne. Ce système peut freiner les voix singulières”, regrette-t-elle. Pour elle, la pérennité du cinéma francophone passe par une remise en question de ces schémas pour laisser davantage de place à l’audace et à la diversité.

 

film tatami
Zar Amir a notamment co-réalisé Tatami avec Guy Nattiv. Le film suit une judokate iranienne qui participe aux championnats du monde en Géorgie. Elle vise la médaille d'or. Mais en finale, elle risque d'être opposée à une athlète israélienne, ce que les autorités iraniennes veulent éviter. 

 

MyFrenchFilmFestival, un festival accessible et singulier

Participer au jury de MyFrenchFilmFestival, c’est aussi pour la réalisatrice une expérience atypique. Contrairement aux festivals traditionnels, les membres du jury visionnent les films à distance, chacun de leur côté. “Cela laisse plus de temps à la réflexion. C’est une manière différente de découvrir les œuvres, qui fait écho à l’expérience du public, également invité à découvrir les films sur un mois entier.” Cette configuration unique reflète l’essence du festival : briser les cadres habituels pour élargir l’accès à la culture.

Avec sa double appartenance culturelle et sa volonté de dépasser les étiquettes, Zar Amir invite à repenser le cinéma non comme un produit national mais comme une fenêtre ouverte sur l’universalité.