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Nathan Sologny : « Accepter d’être vulnérable réserve souvent de bonnes surprises »

Nathan Sologny : « Accepter d’être vulnérable réserve souvent de bonnes surprises »Nathan Sologny : « Accepter d’être vulnérable réserve souvent de bonnes surprises »
Écrit par Natacha Marbot
Publié le 22 mai 2022, mis à jour le 22 mai 2022

Employé par une ONG humanitaire ivoirienne, Nathan Sologny a vécu 2 an en Côte d’Ivoire, entre Abidjan et Abengourou. De son expérience très riche et particulière, il a publié Quelque chose de Côte d’Ivoire aux éditions Nanika en 2018. Nathan Sologny a accepté de raconter au petitjournal.com la genèse de ce livre.

 

Qu’est ce qui vous a donné envie d’écrire Quelque chose de Côte d’Ivoire ?

D'une certaine manière, j'avais commencé à l'écrire avant même que ce soit véritablement un projet. J'écrivais une sorte de journal destiné à mes amis et à ma famille sur mon quotidien et mes aventures en Côte d'Ivoire. J'avais besoin de la forme écrite pour pouvoir raconter ce qu'est la Côte d'Ivoire. Quand on me demandait de raconter à l'oral la Côte d'Ivoire j'en étais incapable. De fil en aiguille, ce journal à été porté à la connaissance des éditions Nanika, une maison d'édition en cours de création, qui m'a d'emblée proposé une collaboration et j'étais partant !  En écrivant Quelque Chose de Côte d'Ivoire, c’est-à-dire après 10 mois de présence sur le pays, je me voyais expliquer la culture ivoirienne au moi d'il y a 10 mois. J’y ai raconté ce que j'aurais aimé savoir, mais je me voyais aussi accompagner et guider quelqu'un qui y ferait ses premiers pas. 

 

Marché de Adjamé à Abidjan, Côte d'Ivoire / Eva Blue
Marché de Adjamé à Abidjan, Côte d'Ivoire / Eva Blue

 

Quelle est votre relation à la Côte d’Ivoire ?

C'est une relation compliquée... Quand on parle de choc culturel, on parle toujours d'une phase de découverte et d'excitation, de choc, de réglage, puis d'adaptation. Quelque part, "le choc" chez moi n'a jamais disparu, il s'est atténué bien sûr mais je n'ai jamais pu complètement m'adapter à la vie ivoirienne au sens où je l'entends. Un chapitre entier de mon livre y est consacré, mais pour faire simple, je pense qu'il est difficile de s'adapter à un pays dans lequel on est toujours considéré comme un étranger. J'ai vécu presque 1 an dans une ville où j'étais le seul blanc mais cela ne m'a pas empêché de me sentir à l'aise la plupart du temps, à nouer des liens, à me régler à la partition ivoirienne. 

 

bateau en noir et blanc en cote d'ivoire
© Nathan Sologny

 

Quelles sources avez-vous utilisées pour écrire votre livre ?

Pour la partie historique, je dois beaucoup au numéro spécial de Jeune Afrique sur l'histoire de la Côte d'Ivoire et à quelques livres d'histoire que j'ai pu trouver là-bas. Pour le reste, il s'agit de ma propre expérience et du temps passé en Côte d'Ivoire, des discussions avec mes amis et collègues (expatriés et Ivoiriens) que j'ai consultés pour écrire ce livre. J'y relate essentiellement comment aborder et comprendre la vie ivoirienne lorsque l'on est expatrié. Même s’il s’agissait de l’objectif du livre, il est très difficile de prétendre savoir comment sont sont les Ivoiriens. Je me suis efforcé le plus possible de prendre avec des pincettes ce que je pensais être des généralités. 

 

La difficulté de l'expatriation dépend en partie des barrières que l'on dresse soi-même vis-à-vis d'une autre culture

À la fin du livre, vous mentionnez la difficulté d’être expatrié en Côte d’Ivoire, ne serait-ce que par la tentation de vivre dans l’entre soi, ou encore l’étiquette « riche blanc » qui vous est attribuée. Pensez-vous que la Côte d’Ivoire soit une destination particulièrement difficile pour l’expatriation ou est-ce l’apanage de toute expatriation ?

N'ayant pas vécu de façon prolongée dans d’autres pays je ne saurais pas répondre à cette question. Néanmoins je pense que la difficulté de l'expatriation dépend en partie des barrières que l'on dresse soi-même vis-à-vis d'une autre culture, de sa volonté d'en faire partie ou non. D'un autre côté, il y a toujours eu une partie de moi-même qui est restée réfractaire à certains aspects de la vie ivoirienne. Par exemple, la rareté des "s'il vous plaît" et "merci" à toujours été vécu comme une agression pour moi, malgré tous mes efforts de lâcher prise, j'entends toujours une voix au fond de moi qui réclame "le mot magique". 

 

bateau en cote d'ivoire
© Nathan Sologny

 

Le fait que vous étiez humanitaire et pas simple expatrié a-t-il modifié votre expérience d’expatriation ? Viviez-vous comme les autres ?

Quelque part, je m'estime chanceux d'avoir été en Côte d'Ivoire dans le cadre de l'humanitaire, embauché par une ONG ivoirienne. Pendant mes six premiers mois, à Abidjan je vivais dans le quartier populaire de Koumassi avec d'autres volontaires de service civique, et d'un salaire de 300€. J’ai ensuite été catapulté seul à Abengourou, à 6h de car de la capitale. Être avec d'autres Européens m'a beaucoup aidé car il est très réconfortant de savoir que l'on est surpris et choqués par les mêmes choses. Être confronté au choc culturel à plusieurs plutôt que seul est un soutien à mon sens très important et en ce sens je comprends très bien la tentation et le besoin de l'entre-soi. Vivre avec un salaire de 300€ nous a, de fait, exclu du mode de vie plus cossu de celui de la plupart des expatriés et forcé à adopter un mode de vie ivoirien. Forcé à manger dans les maquis, à emprunter les transports en commun, à aller au marché plutôt qu'au supermarché, à demander de l'aide dans la rue pour tout et n'importe quoi. Avec un salaire d'expatrié, il est beaucoup plus tentant d'aller au restaurant, de prendre un taxi, de faire ses courses au supermarché, et cela n'aide pas à comprendre ou à s'intégrer au rythme de vie ivoirien. 

 

Nathan Sologny sur un tas de bûches
© Nathan Sologny

 

Quelle est l’anecdote de votre séjour en Côte d’Ivoire qui vous a le plus marqué ?

Je dirais que c'était celle d'un week-end improvisé à Tiassalé. Nous sommes partis à trois, sans avoir aucune idée de ce que nous allions y faire, ni où nous allions dormir. Nous sommes arrivés dans un maquis, avons demandé des conseils à la serveuse qui nous à orienté vers "le vieux", Moro, qui a tout planifié pour nous, de la chambre d'hôtel à la journée de pirogue avec son neveu, en passant par le dîner à son domicile. Le fait d’y aller sans planifier marque bien un début de bonne adaptation mais nous ne nous attendions pas à tant. J’étais très timide et la Côte d’Ivoire a été un grand apprentissage. Cela m’a permis de me mettre en position d’ignorant et de vulnérabilité. Cela m’a souvent réservé de bonnes surprises.

 

Quelque chose de Côte d'Ivoire, aux éditions Nanika