Le monde se l’arrache : du Pérou au Royaume-Uni, en passant par la Chine, Max Loove est le danseur montant de la scène hip hop mondiale. Venu de la Martinique, ce travailleur acharné a bâti sa renommée sur une danse locale tombée dans l’oubli : le rolento. Jusqu’à faire connaître ses pas sur scène aux côtés d’Aya Nakamura devant des milliers de personnes.
À 27 ans, Max Loove, ou Maxime Pliya, de son vrai nom, a déjà un beau palmarès. Un Sziget Festival devant 200.000 personnes, trois Bercy avec Aya Nakamura, un Parc des Princes avec Dadju, ou encore une victoire en battle face à L.O. des Twins à Beyond The Moves en 2023. Tatoué sur son bras, "Loove", rappelle l'acronyme de son crew, "Là où on va ensemble". Venu de la Martinique, aucun doute que ce danseur et chorégraphe sait où il va. Nous l’avons rencontré avant le démarrage de sa tournée mondiale d’été.
Quel est votre premier souvenir de danse ?
Mon tout premier souvenir remonte aux films de danse comme Street Dancer, Sexy Dance, Steppin’. La première personne qui m’a fait aimer la danse, c’est Chris Brown. Quand je l’ai vu danser dans Steppin’, j’ai eu des étoiles dans les yeux.
La Martinique a aussi beaucoup influencé mon art. Dans les Antilles, le rapport à la musique n’est pas le même qu’en métropole. On est très proche des États-Unis, donc nous avons un lien très fort à la musique hip hop. En voyant des personnes danser sur des sons que j’écoutais, et en plus au cinéma, cela m’a beaucoup marqué. J’ai compris que la danse, c’était un “vrai” truc.
Vous êtes devenu l’ambassadeur du rolento ces dernières années : pouvez-vous nous raconter l’histoire de cette danse ?
Le rolento est né en 2003. C’est une danse qui a été créée par de jeunes Martiniquais, collégiens et lycéens. Elle s'est développée pendant plusieurs années chez nous. D'abord dans tout cet environnement là, plutôt collégien et lycéen. Et puis petit à petit, avec l'arrivée de YouTube vers 2006, il y a eu des vidéos. Cela a pris de l’ampleur sur l’île. Les danseurs ont commencé à collaborer avec des chanteurs et des DJ. Dans les clips, on voyait de plus en plus de rolento. Et en 2009, le rolento explose avec toute une génération qui se sent concernée. On le danse sur de la musique dancehall, ou alors sur de la musique locale, qu'on appelle shatta.
C’est à cette époque-là que je découvre le rolento et que je commence à le danser. Quelques années plus tard, lorsque j’arrive en France, le mouvement a perdu de son dynamisme parce qu’il n’y a pas eu de transmission avec la nouvelle génération.
Comment avez-vous évolué, entre le Maxime d’avant la Juste Debout School et celui qui en est sorti diplômé ?
J’ai 17 ans quand j’arrive de la Martinique à Paris. Pour moi, c'est l'Eldorado. Je vois des gens qui dansent partout, dehors, dans des salles, dans des battles, sur scène. À ce moment-là, c’est génial, j’ai l’impression que tout le monde danse bien.
Et puis ensuite, à la Juste Debout School, j’ai pris de la maturité. Mes trois années de formation ont été des années charnières. J’ai beaucoup évolué en tant que danseur. Je suis devenu plus pointilleux, j’ai acquis un nouveau regard sur mon art et celui des autres. J'ai aussi pris conscience que venir d'une petite île comme la Martinique, avait forgé ma singularité et mon rapport à la musique.
Quand avez-vous pensé que vous pouviez aller plus loin avec le rolento ?
À la Juste Debout School, j’ai pris conscience que ce bagage unique était une vraie richesse et qu’il fallait en faire quelque chose. J'ai beaucoup bossé pour arriver à théoriser la danse. J’ai isolé les pas de base et je leur ai donné des noms. Ensuite, j’ai continué à développer le style pour lui donner une nouvelle dynamique. Dans un milieu comme la danse qui fonctionne beaucoup à l’image, il fallait que je revienne avec un très haut niveau de danse et en apportant de la nouveauté.
J’ai la chance aujourd’hui d’être le porte-drapeau du rolento. J'ai eu l’opportunité de voyager au Pérou, en Italie. Cet été, je vais aller en Espagne, en Chine, à la Réunion. Le plus improbable, c’est de voir que des personnes reprennent mes vidéos en Inde et en Bulgarie !
À l’étranger, ce qui importe aux gens, c’est de savoir si tu danses bien
Considérez-vous que vous avez été mieux reçu comme artiste à l’étranger ?
À l’étranger, ce qui importe aux gens, c’est de savoir si tu danses bien. S’ils considèrent que tu es quelqu’un de bien, et que tu as quelque chose à leur apporter, ils vont te le dire et te le rendre. En France, il n’y a pas la même culture qu’aux États-Unis de valoriser la réussite des autres, en particulier dans le monde artistique.
Malgré tout, il ne faut pas non plus trop noircir le portrait parce que j'ai reçu énormément de reconnaissance ici. Seulement, cela a été plus difficile de le faire en France, parce que je suis arrivé avec une démarche un peu différente de ce que la globalité des gens proposaient. Forcément, lorsqu'on est différent, on dérange. Certains aiment cette différence, d’autres non.
Comment s’est passé votre show lors de la tournée d’Aya Nakamura en mai 2023 ?
C’était une belle expérience. Danser pour l’artiste francophone qui vend le plus à l’international, cela n’est pas rien. On a fait trois Bercy d'affilée, une salle mythique de Paris, avec 20.000 personnes tous les soirs.
Je n’aurais jamais imaginé me retrouver à cette place, mais c'est aussi la beauté de mon métier. En travaillant, en montrant ce que l’on fait, au final, les choses viennent à soi.
Je sentais que j’avais quelque chose à faire dans la danse
Qu’est-ce qui vous a plu dans la danse lorsque vous avez commencé, enfant ?
Je pense que j'ai eu la chance d'être frappé par la danse. Et en plus d’aimer danser, je me suis rendu compte que j'avais un talent pour cela. Avant la danse, j’ai fait de la gymnastique, du piano, des instruments, et j'aimais bien. Mais je sentais que je n'avais pas forcément un talent particulier. Et avec la danse, ça m'est tombé dessus. Je sentais que j’avais quelque chose à faire dedans. C’était une évidence.
Quel est le rêve qu’il vous reste à accomplir ?
Mon grand rêve est de monter ma propre structure de danse à la Martinique, pour offrir aux jeunes ce que j’ai obtenu en partant à 8.000 kilomètres de l’île. Je veux placer la Martinique sur la carte du monde de la danse. Pas juste sur des cartes postales.