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Lutte contre la désinformation : l’UNESCO sur le fil pour protéger l’info 

Alors que 2 milliards de personnes dans le monde seront amenées à voter en 2024, la question se pose : comment la désinformation influence le résultat de l’exercice démocratique et comment s’en protéger ? L’UNESCO a présenté sa proposition de plan d’action international pour réguler les acteurs de l’information en ligne sans pour autant brider la liberté d’expression.

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Écrit par Damien Bouhours
Publié le 9 novembre 2023, mis à jour le 29 novembre 2023

« La régulation des réseaux sociaux constitue un enjeu démocratique », insiste Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, lors de la conférence donnée lundi 6 novembre au siège de l’organisation onusienne. 87% des personnes craignent que la propagation de fausses informations en ligne ait un impact majeur sur les élections dans leur pays, selon une étude réalisée en août et en septembre par l’institut IPSOS pour l’UNESCO, sur 8.000 personnes dans 16 pays. Les plateformes numériques sont pourtant devenues la première source d’information dans de nombreuses nations, notamment dans celles avec un plus faible indice de développement. Ce constat est d’autant plus effrayant que 2 milliards de personnes seront amenées à se rendre aux urnes (élections nationales) en 2024. 

 

Les discours de haine sont également monnaie courante sur les réseaux sociaux. Selon cette même étude, deux tiers de la population interrogée est en contact régulièrement avec des messages de haine, concernant en particulier la communauté LGBT+, les minorités raciales ou ethniques,  les femmes ou encore les minorités religieuses. Alors comment faire pour se protéger de la désinformation et de la mésinformation, tout en garantissant la liberté d’expression sur les plateformes digitales ? La tâche semble titanesque. D’après une étude du MIT, publiée dans Science, les fausses informations se diffusent 6 fois plus rapidement que les informations vérifiées sur X (anciennement Twitter). 

 

« Bien sûr, la libération de la parole et de la participation démocratique par le numérique a représenté d’immenses progrès à certains égards. Mais ces réseaux sociaux ont aussi accéléré et amplifié, parfois délibérément et à une échelle quasi-industrielle, la diffusion de fausses informations, voire de discours de haine et de théories complotistes – et ceux-ci tendent à se renforcer mutuellement. », alerte Audrey Azoulay.

 

 

 

Une concertation inédite sur le sujet de la désinformation 

L’UNESCO a organisé une concertation sans précédent sur cette question transnationale, avec plus de 10.000 contributions issues de 134 pays, recueillies ces 18 derniers mois et une participation de tous les acteurs concernés : gouvernements, autorités de régulation, société civile et plateformes. « Toutes les parties prenantes ont un rôle majeur à jouer », a rappelé Guilherme Canela, chef de la section de la liberté d'expression et de la sécurité des journalistes à l’UNESCO.

Alors que de nombreux pays ont instauré des réglementations plus ou moins strictes en ce qui concerne la diffusion des informations sur les plateformes numériques, l’UNESCO propose un plan d’action global qui a pour but d’être transposé dans le droit et la réglementation des pays ou organisations intéressés. Son impératif principal : continuer de promouvoir la « libre circulation des idées par le mot et par l’image », tout en protégeant des méfaits de la désinformation. 

 

 

 

Que propose l’UNESCO pour lutter contre la désinformation ?

Pour lutter contre la désinformation tout en garantissant la liberté d’expression, sept principes fondamentaux ont été mis en avant : 

  1. L’impact sur les droits humains doit être la boussole pour la prise de décision, à chaque étape, de toutes les parties prenantes.
  2. Des régulateurs indépendants et publics doivent être mis en place partout dans le monde, au rôle clairement défini et dotés des moyens suffisants à l’exercice de leur mission.
  3. Ces régulateurs indépendants doivent travailler en réseau et en étroite coordination, afin d’éviter toute forme de « dumping » éthique.
  4. La modération des contenus doit être possible et effective à la bonne échelle, dans toutes les régions et dans toutes les langues.
  5. La responsabilité et la transparence doivent être établies dans les algorithmes, dont la mécanique repose trop souvent sur le fait de provoquer l’emballement au détriment de la fiabilité.
  6. Les plateformes doivent prendre plus d’initiatives pour éduquer et former les utilisateurs à déployer une pensée critique.
  7. Les régulateurs et les plateformes doivent prendre des mesures renforcées dans les situations les plus sensibles, notamment en période électorale et de crise.

 

L’UNESCO est un laboratoire d’idées

 

Comment inciter à ce travail global autour de la désinformation ? 

L’UNESCO n’a pas pour but d’obliger les Etats ou les différents acteurs à prendre en compte ses lignes directrices. Il n’est donc pas prévu de “casques bleus de l’information” pour sécuriser la paix numérique. Tawfik Jelassi, sous-directeur général pour la communication et l'information de l’Unesco, l’a précisé : « L’UNESCO est un laboratoire d’idées et un créateur de normes internationales. Notre contribution à ce débat doit inspirer tous les décideurs et acteurs ».

L’organisation internationale souhaite en revanche accompagner tous les acteurs intéressés et permettre aussi aux plateformes présentes dans plusieurs pays de pouvoir se référer à des mesures globalisées et respectueuses des droits humains. Pour l’aider dans cet accompagnement, un financement de 1 million d’euros a été accordé par la Commission européenne. L’UNESCO organisera également mi-2024 la première Conférence mondiale des régulateurs. 

 

Si nous voulons protéger l’accès à l’information, il nous faut soutenir l’éducation aux médias et à l’information

 

Eduquer pour mieux protéger

L’éducation à l’information est également essentielle pour que les populations puissent aiguiser leur regard critique, alors que la technologie permet de mieux en mieux de masquer la réalité. « Si nous voulons protéger l’accès à l’information, il nous faut soutenir l’éducation aux médias et à l’information. Nous menons à cette fin des programmes de formation de grande ampleur, notamment en Amérique latine et dans les Caraïbes, où nous avons formé depuis l’année dernière près de 5.500 enseignants. Nous avons également proposé des curriculas adaptés pour développer l’esprit critique des jeunes utilisateurs, ce qui constitue un enjeu décisif face au pouvoir des algorithmes. », a souligné la directrice générale de l’UNESCO. 

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