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Lilia Hassaine : « La belle littérature devrait avoir sa place en banlieue »

Lilia Hassaine, auteure de "Soleil amer" ©Sophie QUESNE / Le Pays d’AugeLilia Hassaine, auteure de "Soleil amer" ©Sophie QUESNE / Le Pays d’Auge
Écrit par Anne-Claire Voss
Publié le 22 février 2022, mis à jour le 23 février 2022

Soleil amer, publié par Gallimard en septembre 2021, est un de ces livres méconnus par le grand public, et qui pourtant, a été sélectionné au Prix Goncourt. Écrit par la journaliste de Quotidien et auteure Lilia Hassaine, il dépeint le portrait d’une famille algérienne rejoignant la France. Un Soleil Amer qui nous envole d’Aurès jusqu’au coeur des cités HLM de 1960 à la fin des années 80.

 

Avec Soleil amer, la journaliste et écrivaine, Lilia Hassaine prend le pari risqué de mettre en lumière un morceau de France souvent oublié. Elle décrit les années 1960, 70 et 80 au sein des banlieues. Nous y suivons l’émigration d’un Algérien nommé Saïd venu travailler en France. Il est ensuite rejoint par sa femme, Nour, puis par son frère Kader et sa compagne nommée Eve. Nour accouche rapidement de faux jumeaux. Mais les familles décident de se les partager. Le premier noeud de l’histoire commence alors avec un lourd secret familial. Le lecteur voit grandir différemment ces deux garçons pensant être cousins, et ce, de l’enfance jusqu’à la fin de l’adolescence.

 

Soleil amer, une lumière dans les banlieues françaises

Dans Soleil Amer, Lilia Hassaine traite le déracinement et se concentre sur la naissance des banlieues HLM. « J’aborde une époque différente de ce que le film Bac nord a pu raconter en 2021. » Armée d’une plume délicieuse, l’écrivaine revient sur les bons moments avec les débuts des cités où « certaines filles sortaient en mini-jupe » et où « la première génération essayait de se concentrer sur les offres de travail qu’offrait la France ». « Je voulais montrer d’abord le côté ensoleillé des cités HLM avant de passer au noir et blanc » raconte t-elle. Au fur et à mesure des années, l’auteure finit par retracer les violences naissantes dans les quartiers : « Je raconte aussi l’histoire de ces Hommes qui étaient appelés par la France pour travailler durement, sans leur famille et mal-logés. La violence ici s’explique. » L’auteure dépeint également l’épidémie du sida survenue au sein des banlieues. Un lourd silence que Lilia Hassaine tente désormais par l’art de faire éclore au grand jour.

 

Elle ajoute : « L’erreur qui a été fait est à la base de la création de ces cités HLM. Des personnes ayant des situations sociales compliquées et qui ne parlaient pas toujours français ont toutes été réunies au même endroit. Et cela, sans parler de la crise de l’emploi… Toutes les conditions étaient réunies en réalité pour que cette jeunesse née dans les années 60 se perde par la suite. »

 

Couverture du roman "Soleil amer", de Lilia Hassaine et publié par Gallimard
Couverture du roman "Soleil amer", de Lilia Hassaine (publié par Gallimard)

 

Une vision pourtant optimiste délivrée par Lilia Hassaine

L’auteure n’a pourtant ni souhaité réaliser une enquête ni interviewer des banlieusards pour écrire son ouvrage. « Ce n’est ni un roman historique ni du journalisme. Il y a beaucoup d’imaginaire dedans. Je pense que nous trouvons par ce biais de nombreuses vérités » confie-t-elle. Elle fait également le choix de garder une vision optimiste : « Ce n’est ni un livre noir ni un roman pessimiste. L’émigration algérienne est une émigration récente, il faut laisser le temps aux personnes de s’intégrer, même si les préjugés sont encore présents. Quelqu’un m’avait dit que mon roman était trop bien écrit. Il y a cet inconscient collectif où pour parler de la banlieue il faudrait comme adopter un langage de banlieue. La belle littérature devrait avoir sa place en banlieue. »

 

Sortir du silence par la littérature

Française et d’origine algérienne, Lilia Hassaine renoue dans ces pages avec une partie de son passé. L’écriture de cet ouvrage aura été pour l’écrivaine une réelle prise de conscience, pour ne pas dire thérapie : « Il y a quelque chose qui est dans mon inconscient et que j’ai exploré. Je termine mon livre à la première personne donc ce livre est devenu extrêmement personnel. J’ai écrit ce roman en me disant que j’allais raconter une histoire qui me touchait, mais je n’avais pas imaginé jusqu’à quel point. » Soleil Amer ne parle pas d’ailleurs pas de l’Algérie, mais de la France. « Ce qui m’intéresse dans ce roman c’est la France et la question d’identité. Je veux comprendre et raconter. Comment ces émigrés sont-ils arrivés ? Avec quels espoirs ? Quelles désillusions ont-ils traversé ? C’est un morceau d’Histoire de France. C’est un sujet qui concerne les Français. » déclare t-elle.

 

À l’aube de l’élection présidentielle, Soleil Amer crée un pont entre l’art et les cités HLM. Il fait encore davantage résonner les questionnements autour de l’émigration et de l’identité. Des questionnements qui n’ont pas laissé l’auteure indifférente. Lilia Hassaine confirme : « Mon prochain livre se déroulera lui aussi en France, mais sera sans doute à la première personne…  »

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