Acteur essentiel de la politique culturelle extérieure de la France, l’Institut français poursuit sa mue dans son nouveau siège du 11e arrondissement parisien. Au cœur d’une année notamment rythmée par les Jeux olympiques, l’objectif de 2024 reste de “valoriser les industries culturelles et créatives françaises et leur coopération internationale”. Dans une interview accordée pour le troisième printemps consécutif à lepetitjournal.com, sa présidente Eva Nguyen Binh revient sur les si diverses activités soutenues par l’Institut français.
Le mois de mars, dédié à la Francophonie, est donc terminé. De quelle manière l’Institut français a-t-il été impliqué lors de son édition 2024 ?
Le mois de la Francophonie est un vrai temps fort de la francophonie partout dans le monde. Notre rôle est de soutenir tous les Instituts et les Alliances françaises qui ont des projets significatifs dans le monde. Nous les soutenons en expertise, en conseil et de manière budgétaire. Je pense que vos lecteurs ont vu des événements liés à la francophonie mais ne savent pas forcément que nous sommes derrière certains d’entre eux.
Par ailleurs, nous avons fait venir une cinquantaine d'attachés de coopération éducative et linguistique - qui sont en lien avec les alliances et instituts français - à Paris. Nous leur avons organisé un programme sur mesure pour discuter de l'actualité de la langue francophone, notamment d'une étude commandée à Ipsos sur la perception du français dans le monde. L'idée est de voir comment nous pouvons moderniser l'image de la francophonie et comment nous faisons le lien avec l'employabilité, avec l'utilité. Nous organisons bientôt au Bénin un forum de dialogue, d'échanges et de débats qui fait partie d'un cycle de neuf forums sur des thèmes différents. Au Bénin, le titre est : “Le français, pour quoi faire ?” Lors de ce forum, nous voulons laisser la parole à ces jeunes, aux sociétés civiles sur comment ils voient le français, sa valeur ajoutée dans la perspective d'un retour ou - du moins - d'une construction, d'un parcours qui mènera au sommet de la Francophonie en octobre.
“L’idée est de créer des synergies avec la Cité de la langue français de Villers-Cotterêts, de se dire que nous sommes un ensemble.”
Lorsque nous parlons de la Francophonie, nous pouvons désormais évoquer un nouveau lieu phare en France : la cité de la langue française de Villers-Cotterêts avec laquelle l’Institut français collabore étroitement ?
Ce qu'il y a de nouveau dans le paysage de la francophonie, c'est l'ouverture de cette cité de Villers-Cotterêts, grand projet du président de la République. Elle a ouvert à la fin de l’année 2023 et accueillera, en partie, le Sommet de la Francophonie qui aura lieu en octobre 2024. En mars 2024, le Secrétariat général pour le sommet de la francophonie a lancé une programmation qui continuera, jusqu'au festival de la francophonie en octobre.
Villers-Cotterêts est un partenaire avec lequel nous travaillons pour rénover l’image de la francophonie. Nous nous sommes engagés à communiquer à l'international leur parcours sur la francophonie, sur leur programmation culturelle et que sa cité est ouverte à toutes et à tous. Par notre réseau de partenaires, de connaissances, nous sommes en contact permanent avec Paul Rondin, le directeur de la Cité, et son équipe pour suggérer par exemple des artistes lorsqu’ils sont présents sur Paris. L’idée est de créer des synergies et de se dire que nous sommes un ensemble, dans une dynamique collective. Les premiers retours depuis l'ouverture de la cité sont très positifs.
Dans certaines zones du monde, le français rime aussi avec une langue importée du passé colonial de la France. Est-ce alors de bon ton de valoriser la francophonie dans ces territoires concernés ?
La langue française est une langue extrêmement importante. Mais le fait qu’elle soit parlée par presque 300 millions de locuteurs est aussi un fait de l’histoire. La question est de savoir qu’est-ce que l’on fait de cette langue française aujourd’hui ? Et il n’y a pas de tabou. C’est enfoncer une porte ouverte de dire que nous ne sommes plus sur un modèle de domination par une langue. La langue est un atout mais il faut se pencher sur beaucoup d’autres sujets : son enseignement, la relève des professeurs, l’avenir des langues et des traductions face à l’intelligence artificielle.
“Nous mettons un accent particulier sur l’Afrique, sur l’Europe et les grands événements qui se dérouleront en France comme les JOP et le sommet de la Francophonie.”
Pour cette année encore, l’Institut français a révélé une programmation culturelle aussi riche que variée. Comment est-elle mise en place ?
Nous avons des demandes qui nous viennent des instituts français et des alliances mais aussi de nos partenaires comme le Théâtre de Chaillot, la Comédie Française. Sur ces propositions, nous regardons celles qui peuvent permettre de valoriser la France, de continuer d'établir des relations de longue durée avec les pays partenaires. Nous regardons aussi du côté des pays ciblés et de la maturité des projets pour accorder notre soutien.
Cette année, nous mettons un accent particulier sur l’Afrique, sur l’Europe et sur le sommet de la Francophonie. Nous appuyons aussi des projets liés au sport dans la perspective des Jeux olympiques. Il y a aussi tout ce qui a trait au spectacle vivant, pour lequel le public est généralement très friand de ses formes, de la danse, de la musique ou encore du cirque nouveau.
Il y aura également une saison de la Lituanie - de septembre à décembre 2024 - en France pour faire connaître sa culture. Puis il y aura une opération retour de la France en Lituanie. Il va notamment avoir l’artiste plasticien Saype, auteur de gigantesques tableaux en plein air avec de la peinture éco responsable, qui exposera une fresque à Vilnius.
Les Français de l’étranger pourront-ils aussi bénéficier de cette programmation culturelle ?
Les Français de l’étranger sont au contact de leur institut ou de leur alliance pour connaître le détail des programmations. L’Institut français donne des lignes directrices, tout comme le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour maintenir un socle de base de programmation. Pour autant, chaque institut et chaque alliance a une large autonomie. Les programmations sont adaptées au contexte, selon les goûts et les artistes disponibles. De notre côté, nous sommes en attente des retours des Français de l’étranger. Ils sont autant de ponts entre nous et le pays dans lequel ils résident.
Vous l’avez rapidement évoqué : 2024 est l’année des Jeux olympiques de Paris. Quelle est la contribution de l’Institut français sur cet événement ?
J'ai vite pris le parti avec mon équipe qu'il y avait énormément d’actions déjà produites ou en cours de production. Nous avons décidé de donner de la visibilité aux projets de nos partenaires mais nous n’avons pas créé quelque chose de plus. Par exemple, nous soutenons en ce moment une exposition photographique sur la diversité et l’inclusivité dans le sport, qui prône les valeurs de tolérance que chaque institut, chaque alliance peut nourrir aussi avec des photos. Donc nous contribuons à la visibilité et à l'export de projets qui sont créés au moment des JOP.
“Le nouveau siège contribue à notre changement d’ADN, permet d'avoir une visibilité renforcée et de pouvoir accueillir nos partenaires à Paris.”
Au sein de votre programmation culturelle, le e-sport aussi a trouvé sa place. Une discipline qui peut surprendre, dénotée parmi les autres mises en valeur ?
Le e-sport est une pratique qui se développe énormément, qui touche beaucoup de jeunes. C’est un secteur auquel nous avons étendu notre champ de travail parce qu'il est devenu une pratique assez majeure pour de nombreux jeunes. Beaucoup de gens vont me dire que “ce n’est pas de la culture ou de l'art”. En fait si, c'est de la création numérique et des disciplines nouvelles. Il y a aussi énormément d'entreprises ou de studios de design et de production qui se développent. La France est douée dans ce secteur.
Lors de l’entrevue de 2023 avec lepetitjournal.com, vous abordiez les différents défis qu’ils restaient à réaliser pour l’Institut français. Un an après, quel est le premier bilan ?
Il y a quelque chose qui a énormément avancé quand on parle de la mue de l'Institut français à Paris, c'est d'abord la réforme de son organigramme. Nous avons profondément retravaillé notre organisation interne pour qu’elle colle davantage à nos priorités et nos missions. L’arrivée au sein de notre nouveau siège – 40-42, rue de la Folie-Regnault (75011, Paris) - depuis janvier 2024 a courronné deux ans de travail acharné. Elle vient concrétiser encore plus physiquement la réorganisation de l'organigramme parce que nous avons fait évoluer nos façons de travailler pour plus de transversalité. Tout le monde est mobile et nous encourageons la rencontre entre les personnels. Ce nouveau siège contribue à notre changement d’ADN, nous permet d'avoir une visibilité renforcée, de pouvoir accueillir les partenaires. C’est ce que l’on peut voir de plus fort de notre mue. Au-delà de ce nouvel outil, nous évoluons aussi dans l'évaluation et l’impact de nos programmes, dans la réinvention de la façon dont on doit travailler, notamment avec l'Afrique.