Début février, la haute-fonctionnaire Anissia Morel prenait ses nouvelles fonctions de directrice de l’Institut français du Royaume-Uni, « un des joyaux du réseau culturel français », nous a-t-elle rappelé lors d’une entrevue aussi riche que la programmation qui remplit son agenda. A l’occasion du mois de la Francophonie, celle qui « a un amour ancien pour la culture », nous le rappelle : « l’Institut français est une maison de la francophonie ».
J’ai toujours gardé un pied dans le monde de la culture
En quoi votre parcours vous a préparé à ce nouveau rôle de directrice de l’Institut français et de conseillère culturelle auprès de l'Ambassadrice de France au Royaume-Uni, Mme Hélène Duchêne ?
La diplomatie et le Conseil de l’Etat sont les deux piliers de ma carrière. Je suis membre du Conseil d’Etat depuis 2010. J’ai déjà été en poste à Londres comme conseillère politique de 2018 à 2022 sur les affaires globales, qui concernent les grands enjeux structurants des relations internationales comme l’environnement ou encore les droits de l’Homme, sur lesquels nous avons, malgré le Brexit, conservé une très bonne coopération avec les Britanniques. J’ai ensuite rejoint le cabinet de Catherine Colonna comme conseillère aux Nations Unies, au G7 et organisations internationales en 2022, avant de revenir en 2023 au Conseil d’Etat.
Je peux dire que j’ai un amour ancien pour la culture. J’ai d’ailleurs commencé par étudier l’histoire de l’art dans mes jeunes années. J’ai aussi une certaine pratique des enjeux de la culture notamment dans sa dimension juridique, en tant que conseillère juridique auprès du ministère de la Culture, puis de l’Hadopi. J’ai toujours gardé un pied dans ce monde et je siège d’ailleurs au conseil d’administration de la bibliothèque publique d’information.
Nous allons soutenir le développement de la coopération artistique entre la France et le Royaume-Uni
Est-ce que la culture est également un point important du rapprochement franco-britannique ?
Les liens culturels ont toujours nourri la France et le Royaume-Uni. Ils ont continué à se développer indépendamment du Brexit et des tournants dans la relation franco-britannique. La culture est un ciment essentiel entre nos deux sociétés. Ce n’est pas du tout par hasard que lors du dernier sommet bilatéral, en mars 2023, la culture et les questions éducatives et universitaires étaient au coeur de nos efforts pour relancer notre coopération. Ce nouvel essor, manifeste de nos relations, s’appuie d’ailleurs en grande partie sur ces enjeux. C’est une question également humaine car les Britanniques et les Français se retrouvent dans ce goût très prononcé pour la culture. Londres est une immense capitale culturelle, au même titre que Paris. Nous sommes là pour soutenir et donner plus de visibilité à ces échanges.
Il reste cependant un travail à faire, notamment sur la mobilité des artistes, qui est encore trop entravée. Ce sera une de mes priorités. Nous allons également sans doute conclure un mémorandum d’accord sur la coopération éducative qui rapprochera les ministères et permettra de donner des outils aux établissements, aux enseignants et aux assistants de langue pour continuer à coopérer. Nous allons soutenir le développement de la coopération artistique entre la France et le Royaume-Uni, notamment via les résidences d’artistes qui en sont un bel exemple.
Qu’est-ce qui fait selon vous la particularité et la force de l’Institut français du Royaume-Uni ?
L’Institut français du Royaume-Uni est l’un des plus anciens. C’est une belle dame et un des joyaux du réseau culturel français. Si l’Institut est déjà bien identifié auprès de ses habitués, nous voulons élargir à d’autres publics et nous faire connaître davantage du jeune public. Je travaille beaucoup à renforcer le débat d'idées comme rendez-vous récurrent. La Nuit des idées a été un succès et attire notamment les étudiants. La voix de la France n’est pas que celle de ses diplomates mais aussi celle de ses intellectuels et de ses écrivains. Nous voulons ouvrir le débat et le rapprocher de l’actualité. Nous aurons une programmation féministe assumée à l’Institut. Nous voulons nous mettre au diapason des événements politiques français, comme par exemple, l’inscription de l’IVG dans la Constitution.
Londres est une ville internationale et nous manquerions une partie de notre mission si nous ne prenions pas en compte toute cette diversité. Au-delà du mois de la Francophonie ou encore du prochain sommet de la Francophonie à l’automne prochain, l’Institut français est une maison de la francophonie. Nous faisons un gros effort pour donner une place importante aux différentes voix francophones et en particulier africaines dans notre programmation. Notre cinéma est l’un des seuls cinémas indépendants de Londres et notre programmation présente aux spectateurs des films du monde entier, comme prochainement avec les festivals du film polonais puis italien en mars. En juin, nous accueillerons le festival du film arabe.
Quels sont les temps forts de la programmation 2024 ?
J’aime énormément la littérature et j’ai été ravie de pouvoir accueillir Marie NDiaye le 28 février pour une lecture et un échange avec le public. David Diop était là quelques jours plus tôt.
Très prochainement, le 27 mars, nous inaugurerons à l’Institut notre exposition sur la genèse de l’Entente Cordiale, il y a 120 ans. Des archives originales françaises et britanniques seront présentées ainsi que des objets et documents d’époque. L’exposition sera ouverte au public pendant un mois.
Nous programmons actuellement notre festival de littérature Beyond Words, qui aura lieu du 9 au 19 mai et associera aussi une programmation cinéma. Nous consacrerons une journée à Marseille et à ses écrivains, ses artistes, ses sociologues et son cinéma. Nous passerons aussi à Beyrouth avec la venue de l’artiste Lamia Ziadé. Lors de ce festival, l’Institut devient un foyer littéraire à Londres et nous permet de mettre en valeur des auteurs qui ont été traduits en anglais.
Hors les murs, mai est marqué par deux belles visites : la chorégraphe Maguy Marin au Sadler’s Wells Theatre, et Isabelle Huppert au Barbican pour des représentations de Mary said what she said. En mai, comme le reste de l’année, notre programmation sera très dense !
Le programme des prochaines semaines à l’Institut français :
Francophonie on the Road : nouveau projet à destination de 500 élèves dans 5 villes au Royaume-Uni, leur proposant une série d’ateliers autour du français et des cultures francophones. A partir du 18 mars
Plusieurs concours liés à la langue française, notamment le Choix Goncourt UK (révélé le 22 mars à l’issue d’un concours associant les étudiants de 15 universités britanniques) ; French Pop Video Competition (concours au niveau national de clips vidéos ; deadline le 10 mars), un concours d’éloquence (national également dont la finale aura lieu le 12 mars)
Une programmation culturelle, notamment une rencontre avec la lauréate du Prix Goncourt en 2022 Brigitte Giraud le 22 mars, et plusieurs films (La Passion de Dodin Bouffant, Red Island, L’Origine du Mal, etc)
Célébrations du 120ème anniversaire de l’Entente Cordiale avec notamment l’exposition When Marianne and Britannia Meet qui présentera des archives exceptionnelles (du 28 mars au 27 avril)
La série annuelle Women Shaping the World continue avec une programmation autour des droits des femmes et mettant à l’honneur les femmes artistes. Prochain temps fort le 10 mars avec une soirée spéciale organisée en collaboration avec la Tate Britain autour des films de Chantal Akerman et du collectif féministe Les Insoumuses.
Le festival de littérature Beyond Words du 9 au 19 mai : rencontres littéraires, films, lectures, performances seront au programme
Sorties françaises : à l’affiche en mars : Anatomie d’une chute en lice pour les Oscars, la Passion de Dodin Bouffant, Red Island, l’Origine du. Sorties en mai: le Règne animal de Thomas Cailley, Les Cyclades de Marc Fitoussi, La Bête de Bertrand Bonello…