Édition internationale

Financement, timing, interculturalité…Les embûches de l’entrepreneur à l’étranger

Alors que plus d’un Français sur quatre souhaite un jour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, ils ne sont qu’une minorité à oser franchir les frontières. Financement difficile, marchés imprévisibles, chocs culturels : l’entrepreneuriat international se révèle souvent un parcours d’endurance. Pourtant, derrière les obstacles, il y a toujours la passion de créer…

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Écrit par Capucine Canonne
Publié le 17 octobre 2025, mis à jour le 20 novembre 2025

 

En 2025, plus d’un Français sur quatre (27 %) aimerait créer ou reprendre un jour une entreprise selon une enquête pour CCI France et le Medef. La volonté de créer est bien là. Mais lorsque le projet a lieu à l’international… c’est une autre histoire. Début 2025, selon les sources du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, les entrepreneurs français de l’étranger (EFE) sont environ 110.000. Ils travaillent essentiellement dans de très petites entreprises, et sont même entrepreneurs en solo, comme Juliette, expatriée en Suisse. “Le concept d’être entrepreneur ne m’a jamais vraiment attiré, ce qui me porte c’est l’envie d’aller au bout de mon projet” nous confie t-elle. Si l’envie est bien là, entreprendre à l’international peut être un chemin semé d’embûches. 

 

Les 4 questions insoupçonnées à se poser avant d’entreprendre à l’étranger

 

 

 

les réponses pour entreprendre en expatriation

 

 

Le nerf de la guerre : trouver des fonds à l’étranger 

Où trouver le financement d’un projet ? Pour ceux qui osent l’export, la France propose plusieurs coups de pouce financiers. D’abord, les prêts du Trésor, de 10 à 70 millions d’euros, qui financent des projets d’infrastructures dans des pays étrangers tout en valorisant le savoir-faire hexagonal. Plus ciblé, le FASEP distribue entre 100.000 et 800.000 euros pour financer des études de faisabilité ou des démonstrateurs « verts » - un ticket d’entrée idéal pour les PME qui veulent prouver leur valeur à l’export. Du côté de Bpifrance, le Prêt Croissance International (30.000 à 5 millions d’euros, sans garantie) muscle la trésorerie des PME et ETI qui se lancent hors frontières, tandis que l’Assurance Prospection couvre 65 % des dépenses de conquête de nouveaux marchés et limite la casse en cas d’échec. Plus global, Proparco, la filiale de l’AFD, accompagne les entreprises en Afrique, Asie, Amérique latine, Eurasie et Moyen-Orient avec un triple objectif : créer des emplois, fournir des services essentiels et lutter contre le changement climatique. 

 

Il faut croire en son projet à 200 % et ne pas se laisser impressionner par la montagne à gravir. Avancer étape par étape

 

Si cette palette financière est pensée pour les entreprises qui lancent des filiales ou succursales, pour les petits entrepreneurs de projets nés sans frontières, le chemin peut être sinueux : “la barrière du financement a été énorme, des organismes français publics d’investissement n’ont pas voulu de mon projet d’innovation… L’un m’a répondu “Nous ne pourrons pas solliciter de financements dédiés à l’innovation pour plusieurs raisons, notamment(...) le capital social trop faible.”  nous confie Juliette, entrepreneuse en Suisse. A défaut de s’appuyer sur une banque, ou une aide publique, Juliette travaille comme une dingue. “Tout ce que je pouvais faire moi même je le faisais. On m’a recommandé de trouver du “Love money”, c'est-à-dire des fonds de ma famille ou d’amis aisés.” Mais Juliette tente plutôt le crowdfunding qui ne lui apporte pas la somme attendue. “Mon envie de créer était plus grande que ma déception. J’ai osé.” Aux solopreneurs qui se lancent, Juliette insiste : “Il faut croire en son projet à 200 % et ne pas se laisser impressionner par la montagne à gravir. Avancer étape par étape, en se concentrant sur ce que vous pouvez bien faire aujourd’hui, tout en gardant un œil sur le rêve qui vous anime.” 

 

 

Nous avons des entrepreneurs français qui vivent en agilité. Vu les conditions de marché depuis fin 2021, leur mindset a changé.

 

 

etre au bon endroit au bon moment en expatriation

 

 

Etre au bon endroit…au bon moment 

L'entrepreneuriat, est-ce aussi une question de timing ? Pour le dire autrement, faut-il être au bon endroit…surtout au bon moment ? Pour de nombreux entrepreneurs français interrogés, c’est bien un élément de l’équation à ne pas négliger. Selon Franck Sebag, associé EY et Fast Growing Companies leader : “Nous avons des entrepreneurs français qui vivent en agilité. Vu les conditions de marché depuis fin 2021, leur mindset a changé”. Et l’avenir ? Il reste stimulant. “Au delà de la révolution IA, il y a des signaux qui permettent d’espérer un horizon très innovant…” 

Se saisir d’opportunités et prendre certains trains qui passent sont souvent déterminants pour les aventures entrepreneuriales. Certains chefs d’entreprise parlent même de l’attitude du “Yes month” : dire oui à toutes les rencontres, les événements ou les invitations, surtout au début de l’expatriation. “Avec mon entreprise, je suis sortie de ma zone de confort. C’est grisant. Alors pourquoi ne pas s’ouvrir à d’autres projets ? Il faut se faire violence au début” nous confie une entrepreneure à Londres. “j'accepte de me laisser surprendre, car il peut y avoir des rencontres insoupçonnées qui sont essentielles pour mon business”. Le bon timing est parfois au bout de sa rue ou à ce dîner où on avait pas prévu d’aller…

 

 

Entreprendre en expatriation, tisser ses réseaux pour tisser sa toile

 

 

entreprendre dans le futur et le passé

 

 

 

Savoir miser sur le bon terrain de jeu et être flexible

Et puis il y a parfois des choix stratégiques à faire comme choisir le bon marché pour continuer à se développer. C’est le cas de Julie Chapon, co-fondatrice de l’application mondialement connue Yuka, qui évalue l’impact des produits sur la santé. En 2020, l’entrepreneure et les co-fondateurs lancent discrètement Yuka aux États-Unis. Deux ans plus tard, une vidéo virale sur TikTok entraîne un pic de téléchargements, atteignant 500.000 nouveaux utilisateurs américains par mois. “Du jour au lendemain, il y a eu un pic de croissance énorme”. En septembre 2023, la décision est donc prise : ils s’installent à New York pour y accélérer le développement de Yuka. “Cette installation aux Etats-Unis représentait un véritable investissement pour l’entreprise” rappelle Julie Chapon. Aujourd’hui 68 millions de personnes utilisent l’application dans le monde, dont plus de 20 millions aux États-Unis.”Nous voulons faire de Yuka une référence internationale”. Pari tenu, non sans efforts. 

 

A l’étranger, des inconnues s’ajoutent à l’équation de l'entrepreneuriat, comme l’évolution de la législation du pays, l’incertitude d’un visa, la mutation potentielle d’un conjoint...

 

L’histoire de Yuka aux Etats-Unis rappelle qu’une stratégie gravée dans le marbre n’est pas une bonne idée lorsque l’on se lance à l’international. A l’étranger, des inconnues s’ajoutent à l’équation de l'entrepreneuriat, comme l’évolution de la législation du pays, l’incertitude d’un visa, la mutation potentielle d’un conjoint ou encore des divergences culturelles de la clientèle. “A chaque jour suffit sa peine” concède l’entrepreneure en Suisse. 

 

 

On ne passe pas seulement du personnel au monde des affaires, du local à l'international, mais du culturel à l'interculturel. 

 

 

les obstacles en expatriation

 

 

 

Choc des cultures, savoir s’adapter 

Cécile Lazartigues Chartier, consultante, évoque aussi le défi de l’interculturalité : "L'audace de l'entrepreneuriat en expatriation est confrontée à une exigence interculturelle implacable dont nous parlons peu. Notre culture d'origine demeure le prisme invisible, et souvent inconscient, à travers lequel se construit un projet. Cette influence conditionne tous les piliers de l'entreprise : réseau, stratégie, fondements du marketing, prix, mais également storytelling, valeurs véhiculées, plus value perçue, jusqu'au choix des collaborations”. Selon l’experte, l’entrepreneur peut vivre un véritable saut quantique : “on ne passe pas seulement du personnel au monde des affaires, du local à l'international, mais du culturel à l'interculturel. Cet exercice périlleux réclame un équilibre entre leadership et humilité."

Réussir à entreprendre tiendrait donc d’un savant dosage entre préparation et agilité. “Des centaines de facteurs peuvent venir influencer notre stratégie, les cartes sont régulièrement rebattues” rappelle Juliette. “Aujourd’hui, en octobre 2025, mon produit est en cours de production. Enfin, les retours sont là : positifs et concrets. Ce n’est vraiment que le début. Mais ce début peut paraître comme une éternité.” Conclusion unanime : À l’international, chaque embûche peut devenir un tremplin. 

 

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