Acheter et produire en France ? C’est possible, et même rentable pour une flopée de petits industriels qui ont fait du patriotisme économique leur marque de fabrique. Pour autant, le « made in France » fait plus difficilement recette hors de l’Hexagone.
« Du conchage du chocolat à l'impression de nos étuis, toute notre production est réalisée en France. Nous travaillons dans le respect de la grande tradition de l'artisanat chocolatier français et nous le revendiquons fièrement ! ». Avec « le chocolat des Français », finie l’insouciance du goûter, faites place à l’acte citoyen !
Utilisé dès 1981 par Georges Marchais, en réponse à la désindustrialisation, le slogan « nos emplettes sont nos emplois » semble, plusieurs décennies plus tard, avoir encore de beaux jours devant lui. Des « assises du produire en France » au salon annuel « made in France expo », en passant par les boutiques éphémères de la rue du «made in France » à Paris, sur le point d’ouvrir leurs portes, on ne compte plus les évènements consacrés aux entreprises qui font le pari du fabriqué français. Avec des histoires à succès à la clé, comme c’est le cas du « slip français », entreprise de sous-vêtements dont le chiffre d’affaires de près de 13 millions d’euros en 2017 fait baver d’envie bien des industriels du textile.
Les marques et labels pullulent
Créé en 2010 par Yves Jégo, le label « origine France garantie » est apposé sur les produits dont 50% au moins du prix de revient unitaire est acquis en France et dont les caractéristiques essentielles sont typiquement françaises. Près de 600 entreprises avaient obtenu le label à la fin de l’année 2017. « France terre textile », qui assure que 75% du produit soit manufacturé en France, labellise, quant à lui, quatre fois plus de vêtements en 2015 qu’en 2011. Le dynamisme des labels a suivi la floraison de réussites entrepreneuriales. Si le slip français est un fleuron du fabriqué en France, d’autres marques tirent leur épingle du jeu : la chaise française, le chic français – association de 5 marques ayant pris son envol lors du dernier salon MIF – Oncle Pape et ses nœuds papillons en bois, les jeans et chaussures 1083…. Charles Huet, auteur d’un guide des produits fabriqués en France, confiait au Figaro avoir vu le nombre d’entreprises répertoriées dans son ouvrage doubler entre 2013 et 2016.
Au delà de l’atout marketing, faire le choix d’une production française peut s’avérer une solution pertinente et financièrement compétitive. Lorsqu’on cumule les frais de transport, les temps de fabrication, les risques liés à l’exécution, faute de compréhension entre les équipes, fabriquer son produit dans des pays à bas coûts peut perdre de son intérêt, d’autant plus pour les petits volumes. Par ailleurs, née dans un contexte de crise économique, explosion du chômage et délocalisations à la chaîne, une nouvelle génération de chefs d’entreprises ambitionne de remettre les circuits courts au cœur de notre production. « C’est effectivement le plus souvent par passion pour notre patrimoine, industriel et culturel, que les chefs d’entreprise souhaitent mettre en avant la richesse du savoir-faire français », affirme le professeur d’histoire Kevin Bossuet.
Allons enfants de la consommation !
Selon un sondage Ifop réalisé pour le salon MIF, en 2016, 93% des Français voient dans l’achat de produits fabriqués en France une manière de préserver l’emploi et 86% l’associent à un acte citoyen. « L’idée du patriotisme économique français comme solution à la mondialisation dévastatrice n’est pas totalement stérile. Il suffit de contempler les études qui démontrent que les Français sont attachés à leur terroir et prêts à payer le prix juste pour un produit dont il leur sera assuré qu’il est confectionné par leurs compatriotes proches », explique Hervé Guyader, président du Comité français pour le droit du commerce international, dans les colonnes des Echos. Pour un grand nombre de Français, acheter des produits fabriqués en Hexagone, même à un coût plus élevé, permet non seulement de protéger l’emploi, mais aussi de réduire l’empreinte écologique. Aussi, en s’intéressant à l’origine du produit, ses conditions de fabrication et l’utilisation des bénéfices, l’achat Made in France devient un acte citoyen porteur de sens.
Une marque de fabrique à la peine hors des frontières hexagonales
Si les derniers chiffres des investissements étrangers sur notre territoire sont plutôt encourageants, les résultats mitigés des exportateurs tricolores viennent noircir le tableau d’une France attractive. La part des produits français dans le total des exportations des pays de la zone euro est tombée à un plus bas historique l'an passé, selon une étude de l'institut de recherche COE-Rexecode : 12,9%, contre près de 17% au début du millénaire. Tandis que la part de l’Allemagne s’est envolée (+10%), celle de la France s'est effondrée (-25%).
Rien d’illogique. L’appétence accrue pour la consommation nationale n’étant pas l’apanage de l’Hexagone, nos voisins ont également développé leurs labels et entreprises. De quoi toutefois donner du pain sur la planche des acteurs français de l’export. Comme le confiait récemment Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, à notre édition madrilène, « la bataille de l'export se joue d'abord en France, où nous allons regrouper sur une même plateforme l'ensemble des solutions privées et publiques qui existent pour s'embarquer dans l'aventure internationale".