Stéphane Melchior, scénariste de bande dessinée, est le premier auteur invité de la résidence Duras initiée par les instituts Français du Vietnam et du Cambodge.
Stéphane Melchior a été le premier auteur invité de la résidence Duras initiée par les instituts Français du Vietnam et du Cambodge. Cette résidence est née de leur vocation de soutenir l’édition, la création et aussi la traduction de livres dans ces deux pays.
Il s’agit d’accueillir un auteur (e) de fictions, romans, bandes dessinées, poésies…qui doit produire une oeuvre qui sera ensuite traduite en Vietnamien et en Khmer et publiée, dans une collection dédiée, intitulée Le monde extérieur : Outside, en référence à l’œuvre éponyme de Marguerite Duras.
Stéphane Melchior est le lauréat du premier concours. Il est scénariste de bande dessinée, et a été plusieurs fois primé pour son travail. Il vient de passer deux mois au Cambodge. Nous avons recueilli ses impressions avant qu’il ne parte pour le Vietnam où il va passer un mois.
En quoi consiste le métier de scénariste de bandes dessinées ?
Tout comme le romancier, le scénariste produit une œuvre d’imagination écrite. Mais, à la différence du romancier, le scénariste produit une « œuvre-outil » - le scénario - qui n’est pas destinée à être publiée. Le scénario est destiné au dessinateur qui va sublimer le récit en l’illustrant de dessins et/ou de couleurs. En ce qui me concerne, je délivre au dessinateur un scénario très précis qui décrit page à page et case à case, ce que je souhaite pour valoriser l’histoire, dialogues compris. J’essaie de penser chaque image, sur le fond et sur la forme. J’adjoins toujours au scénario un travail de documentation.
C'est la première fois que vous venez au Cambodge. Quelles sont vos premières impressions sur ce pays ? Cela a-t-il nourri votre création ?
Le Cambodge m’a immédiatement séduit et ému. Séduit parce qu’il déborde de vie, de jeunesse et de joie. Ému parce que l’extrême richesse est voisine de palier de l’extrême pauvreté. L’Institut Français a bien fait les choses en m’envoyant à Battambang et Siem Reap pour finir par un long séjour à Phnom Penh. Partout où je me suis rendu, j’ai rencontré des gens intéressants et passionnés, avides d’échanges et de culture. Une partie de mon travail est axé sur les mythologies orientales, autant vous dire que je me régale depuis mon arrivée. Mais je m’intéresse aussi aux arts martiaux, à la danse, au théâtre et à l’archéologie : une fois encore, le Cambodge me comble.
Une chose m’a choqué cependant : la terrible présence du plastique. Omniprésence devrais-je dire. Il souille chaque rue, chaque paysage. Dans un pays qui vénère les esprits de la terre, je ne comprends pas que ses habitants tolèrent un tel poison pour sa santé et son environnement. Je pense que c’est une affaire d’éducation : la France a dû apprendre elle-aussi à gérer ses déchets et transformer ses modes de consommation. Mais aujourd’hui, l’urgence commande.
Vous avez produit un guide à l'attention de ceux qui voudraient se lancer dans le neuvième art. Pouvez-vous nous en parler ?
Lorsque je me rends dans un pays, je cherche immédiatement les librairies. Car les livres sont un vecteur idéal d’apprentissage et de communication, et les librairies me renseignent toujours très bien sur les préoccupations du peuple qui m’accueille. Or, il n’y a pas de librairies au Cambodge. Il n’y en a plus. Mais il y a des signes encourageants : le vénérable Sipar et la jeune maison Avatar veulent se lancer dans la bande dessinée. Pour le moment, ce sont des achats : tous les albums ont été conçus hors du Cambodge (en France pour l’essentiel) et jamais pensés en langue khmer. Il y a pourtant des dessinateurs talentueux au Cambodge ; il suffirait juste de les initier à la narration en bande dessinée. Pour ce qui est du scénario, étape primordiale et capitale de la création d’un album, il n’y a personne. On n’enseigne pas ce savoir. J’essaye d’y remédier un peu avec ce manuel qui permettra d’accompagner le travail du scénariste en herbe, du début à la fin de son processus de création.
C’est à la fois une méthode et une recette. Est-ce que ce manuel garantit de produire à tout coup un travail de qualité ? Certainement pas. Car il y a de bons et de mauvais conteurs comme il y a de bons et de mauvais cuisiniers. Mais la recette de base est là : il faut la pratiquer, faire des erreurs pour apprendre, persévérer et une fois qu’on la possède bien, il faut la critiquer et même s’en écarter pour imposer sa propre sensibilité. Si ce petit manuel avait la chance de rencontrer un peu de succès, rien ne serait plus formidable que de voir naître une génération de scénaristes cambodgiens de bande dessinée, racontant l’histoire et la culture du Cambodge. Qu’ils ne croient pas que la portée de leur travail se limitera à leur seul pays : le monde entier veut entendre parler du Cambodge, et la bande dessinée est un moyen peu onéreux et très populaire de diffuser la culture khmère.
Cette première visite au Cambodge vous a-t-elle donné envie d’y revenir ? et dans quelles conditions ?
Je suis tombé complètement amoureux de ce pays et de sa population. Je ne rêve plus que d’y retourner et, cette fois, en compagnie d’un dessinateur (quand je dis dessinateur, je pense aussi dessinatrice bien sûr) dont la présence me semble indispensable pour parachever cette formation. En bande dessinée, le scénario n’est rien sans le dessin, et réciproquement. En outre, cela me permettrait d’avoir un retour sur les premiers usages pratiqués du manuel, et au besoin de le compléter. Je veux remercier les institutions culturelles cambodgiennes, l’Institut français de Phnom Penh, l’ambassade de France, le studio Phare de Battambang et l’Efeo de Siem Reap pour le merveilleux accueil qu’ils m’ont réservé et l’intérêt sincère qu’ils ont montré pour mon travail. Le rôle du scénariste, bien que fondamental, est souvent méconnu. Cela m’a beaucoup touché d’avoir été choisi pour premier résident de ce programme tourné vers l’écriture. Je veux dire à tous « au revoir » et non « adieu ».